Gagner le pari de l’intelligence

Jacques Debot a rédigé ce texte à la suite du vote de la loi “égalité citoyenneté“ par le Parlement le 22 décembre dernier. Jacques Debot fait partie de ces citoyens intégrés professionnellement qui se reconnaissent comme Roms. «Quand vous parlez des Roms, c’est aussi de moi que vous parlez…»

Il n’est pas utile de toujours faire appel à la révolte. Il n’est pas raisonnable de demander chaque jour aux amis de lever leurs petits poings au bout de leurs petits bras, de critiquer, de maudire les gouvernements, quels qu’ils soient. Les Tsiganes, les Voyageurs, les Roms finissent par être perçus comme d’éternels mécontents, comme des ingrats, ou des idiots.

Il n’y a sans doute jamais eu un âge d’or, ni pour les Tsiganes, ni pour les Gadgés. C’est une erreur d’imaginer que nous vivons dans une sorte d’entracte qui s’éternise entre un bon temps qui aurait disparu et des lendemains qui chantent, lesquels tarderaient à arriver.

Il faut faire le pari de l’intelligence. Il faut faire appel à l’intelligence des gens. J’ai pris un peu de temps pour expliquer de manière simple le parcours d’un projet de loi qui ressemble un peu au jeu de l’oie, avec sa case départ, ses embûches, ses navettes, ses lectures et sa part de hasard. J’ai écrit quelques lignes pour expliquer comment on arrivait enfin au bout du processus législatif qui a abouti ce matin au vote d’une loi fondamentale qui met fin à ce passeport intérieur qu’était le livret de circulation.

L’enfant de Bohème qui n’a jamais, jamais connu de loi (comme dit la chanson dans l’opéra de Bizet, Carmen) s’intéresse à la fabrique du droit et des lois. L’explication de ce processus a été repris, commenté, partagé, et sur ma messagerie personnelle, j’ai reçu des demandes multiples face aux vides juridiques concrets causés par l’abrogation de la loi de 1969.

Le pari de l’intelligence est gagné. Les Tsiganes sont pour la plupart des gens intelligents, passionnés par les rapports qu’ils entretiennent avec la société, des rapports qu’ils souhaitent apaisés, dans le cadre de la loi, de la République.
Alors aux batteurs d’estrades qui entendent bien parler des Tsiganes, mais qui ne souhaitent pas vraiment parler avec les Tsiganes, je me permets de donner un conseil : Allez parler avec eux, laissez de côté les faits divers, allez leur parler du droit, des lois. Vous serez surpris de la justesse et de la qualité des questions qu’ils poseront pour vous demander d’éclairer vos propos. Faites le pari de l’intelligence.


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