“Emeutes“ de Moirans : un nouvel emballement politico-médiatique

Il y a moins d’un an nous dénoncions une fois de plus dans un éditorial l’exploitation médiatique et politique des évènements survenus dans la commune de Moirans. A la suite du refus d’un juge des libertés, un jeune gitan incarcéré s’était vu refusé une autorisation provisoire de sortie pour assister à l’enterrement de son frère. Des membres de sa communauté se sont livrés à des actes de violences réprimés par les forces de l’ordre. Le Premier Ministre Manuel Valls, rendu sur place le 6 novembre, a tenu un discours particulièrement dur : « ce qui s’est passé à Moirans c’est une émeute, un déchaînement de violences avec un but, faire plier une décision de justice (…) Saccager, détruire, prendre en fait en otage une ville, une population, semer la terreur et le chaos, tous ces faits sont d’une extrême gravité et ils ne peuvent pas rester impunis, faut-il le rappeler ». Durant plusieurs jours, les divers médias ont relayé ces propos accompagnés d’images choc mettant parfois en cause l’ensemble des familles de gens du voyage sédentarisées dans cette commune depuis de longues années.

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Nous avions alors, à l’appui de témoignages recueillis sur place, et sans minorer la gravité de ces faits, mis en doute les analyses simplificatrices souvent fort éloignées de la vérité. Grâce notamment à des photos, nous avions constaté que les affrontements avec la police se déroulaient en partie dans une cité HLM et non dans le terrain occupé les voyageurs. De même, quelques jours plus tard dans un message adressé à un responsable des voyageurs, Gérard SIMONET maire de Moirans,  s’excusait ainsi « de la tournure des événements de Moirans concernant les amalgames fait par les médias pour l’appellation gens du voyage » En quelques jours le mécanisme de “bouc émissaire“ avait une fois de plus servi d’alibi facile permettant aux autorités de montrer leur détermination à faire respecter l’ordre.

 

Moins d’un an plus tard ce fait-divers (et qui aurait dû le rester) revient au-devant de la scène médiatique à l’occasion du procès intenté contre les 12 personnes alors interpellées durant les affrontements. Cette fois, la bulle médiatique atteint son paroxysme. Le jour d’ouverture du procès, on peut lire dans http://www.laprovence.com/En directFaits divers en direct Lundi 19/09/2016 à 12H50

Ouverture du procès de 12 suspects des émeutes

« Alors que les opinions se crispent face à la crise des réfugiés, les gouvernements doivent sortir des discours « abstraits » et se colleter au terrain s’ils veulent « contrer les voix anti-immigration », estime l’OCDE dans un rapport publié lundi« La confiance des citoyens dans la capacité de leur gouvernement à gérer les migrations tend à s’effriter », »

L’article se poursuit sur le même ton sans aucun rapport, avec le procès de Moirans, objet du titre. Dans le doute il peut s’agir d’une erreur d’impression, mais le mal est fait. L’amalgame est bien réel aux yeux du lecteur. Gens du voyage, Roms migrants, réfugiés, immigrés, la confusion, volontaire ou non, est bien réelle.

Les titres et commentaires de la presse le 22 septembre après le réquisitoire du parquet sont du même esprit :AFP, publié le jeudi 22 septembre 2016 à 14h23

Moirans:des peines allant de 6 mois de prison avec sursis à 14 mois ferme ont été requises jeudi à l’encontre des 12 prévenus âgés de 18 à 58 ans. « Mansuétude » ou « laxisme »? Le parquet a requis jeudi jusqu’à 14 mois de prison ferme à l’encontre de trois suspects des émeutes de Moirans (Isère) à l’automne 2015 mais il a demandé du sursis à l’encontre des neuf autres prévenus. Pour le journaliste, le choix ne fait pas de doute, ces émeutiers méritent une plus lourde peine. On suivra avec intérêt les réactions des médias et des responsables politiques dans les prochains jours à la lecture de la décision du tribunal.

Une telle exploitation politico médiatique que nous dénonçons depuis de longues années, contribue directement à la marginalisation et à la stigmatisation des Tsiganes. Certains , avec fatalisme, se replient sur leur communauté, d’autre encore et notamment les plus jeunes se révoltent et parfois ont recours à la violence. Faut-il encore s’en étonner ?

 

Marseille le 22/09/2016

 

Alain FOUREST

 


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