Attendue depuis plusieurs années, la domiciliation est une procédure essentielle pour l’accès aux droits sociaux d’un grand nombre de personnes sans domicile fixe , qu’elles soient gens du voyage ou Roms. Il faut espérer que les textes, publiés le 11 juillet par le ministère des Affaires Sociales et de la Santé apporteront enfin une indispensable clarification et contraindront les CCAS à appliquer la loi .
A lire ci-dessous analyse du collectif ROMEUROP
Election de domicile : Nouvelle instruction du 10.06.16
Dans le cadre de la simplification du dispositif de domiciliation impulsée par la loi Alur du 24 mars 2014, des évolutions législatives et règlementaires ont été élaborées (revoir également le mail envoyé le 24.05.16). Une instruction visant à expliciter la mise en œuvre de ces évolutions vient d’être publiée, elle remplace la circulaire de 2008 :
Voici rapidement les principales nouveautés et changements :
- Le dispositif de domiciliation spécifique pour l’AME est supprimé
- Le dispositif « asile » reste spécifique
- La condition du lien avec la commune, qui posait de grandes difficultés, est précisée. Il reste à voir de quelle manière elle sera interprétée. La notion de séjour se substitue à celle d’installation, indépendamment du statut de l’occupation. L’appréciation du lien avec la commune par les CCAS se fera au regard de pièces justificatives. Une liste non-exhaustive a été établie, vous la trouverez ici : p. 12-13 de l’annexe 1)
- 12 de l’annexe 1: « Doivent être notamment considérées comme ayant un lien avec la commune […] et devant être domiciliées, les personnes dont le lieu de séjour est le territoire de la commune (ou du groupement de communes), indépendamment du statut ou du mode de résidence.
Le terme de séjour doit être entendu de façon large, il ne saurait évidemment être réduit au seul fait d’habiter dans un logement sur le territoire de la commune. Il renvoie à des réalités diverses :
àle logement fixe sur le territoire communal : avec statut d’occupation (foyer, chambre, etc.), avec statut d’occupation précaire ou inadéquat (mobil-homes, voitures, convention d’occupation précaire), sans statut d’occupation (squat, bidonvilles)
àle logement ou la résidence mobile sur le territoire communal
àsans logement : personnes vivant à la rue ou dans l’espace public sur le territoire communal
Le lien avec la commune peut également être établi par l’un des éléments suivants :
- ü l’exercice d’une activité professionnelle sur la commune ;
- ü le bénéfice d’une action ou d’un suivi social, médico-social ou professionnel sur le territoire de cette commune auprès d’une structure institutionnelle, associative, de l’économie sociale et solidaire notamment des structures de l’insertion par l’activité économique ;
- ü les démarches effectuées auprès des structures institutionnelles ou associatives sur la commune (exemples : demandes auprès des centres d’hébergement d’urgence, des foyers, des bailleurs sociaux, des institutions sociales, les recherches d’emploi, les démarches administratives, les soins, un suivi social…) ;
- ü la présence de liens familiaux avec une personne vivant dans la commune ;
- ü l’exercice de l’autorité parentale sur un enfant mineur scolarisé dans la commune.
Aucune durée minimale de présence sur la commune ou le groupement de communes ne peut être imposée, dés lors que la personne justifie de son lien avec la commune au moment de la demande d’élection de domiciliation.
Le lien avec la commune ou le groupement de communes peut notamment être attesté par l’un des justificatifs suivants :
- ü justificatifs de logement ou d’hébergement : quittances de loyer, bail, quittances d’énergie, contrat d’hébergement, document individuel de prise en charge (DIPC), justificatif 115 ou SIAO, jugement d’expulsion, attestation de la CAF, de la CPAM ou d’autres organismes, avis d’imposition, justificatif d’occupation sur une aire d’accueil (contrat d’occupation)… ;
- ü constat de présence sur la commune par tout moyen
- ü justificatifs de l’exercice d’une activité professionnelle : contrat de travail, fiche de paie, extrait Kbis… ;
- ü justificatifs d’une action ou d’un suivi social, médico-social ou professionnel ou de démarches effectuées auprès des structures institutionnelles, associatives, de l’économie sociale et solidaire notamment les structures de l’insertion par l’activité économique : droits ouverts sur la commune, demande d’hébergement ou de logement, certificat médical non descriptif, attestation de soins, attestation PMI, démarches Pôle emploi, chantier IAE, carte d’accès à une structure d’aide alimentaire ;
- ü justificatifs de liens familiaux : livret de famille, acte de mariage, de PACS ou de concubinage, acte de naissance ou de décès, jugement d’adoption, de reconnaissance, de délégation d’autorité parentale, jugement du Juge aux affaires familiales, du Juge des enfants, tutelle ou curatelle, toute pièce prouvant que l’enfant est né ou réside sur la commune, certificat de scolarisation des enfants, d’inscription à la crèche, attestation de la CAF, attestation de la qualité d’ayant-droit. »
- La création d’un formulaire de demande. Ainsi pour toute demande, l’intéressé doit remplir ce formulaire pour lequel l’organisme (CCAS et organismes agréés) doit accuser réception. Il doit alors fixer une date d’entretien pendant lequel l’intéressé recevra la réponse d’acceptation ou de refus d’élection de domicile. Un délai de 2 mois a été fixé mais le silence gardé à l’issue du délai ne vaut pas accord. Il y aura cependant une preuve d’un dépôt de demande et donc un refus plus facilement attaquable. Au dos de la demande figure la décision.
L’attestation a aussi été changée. Ne figurent plus les raisons/motifs de la demande d’élection de domicile, ce qui rend l’attestation moins stigmatisante (par exemple si on demandait une domiciliation AME, tous les organismes/institutions auxquels on pouvait avoir à donner l’attestation savaient que qu’on se trouve en situation irrégulière).
- L’intéressé n’a plus à se rendre physiquement tous les trois mois au lieu où il est domicilié, il a par contre l’obligation de se manifester, ce qui peut être physique ou téléphonique.
- Tout organisme de sécurité sociale et département peut vérifier auprès du domiciliataire (organisme agréé ou CCAS) que la personne y est bien domiciliée. Les CCAS et organismes ont l’obligation de communiquer dans un délai d’un mois.
- J’attire votre attention sur la publication prévue pour fin septembre des schémas départementaux de la domiciliation, censés harmoniser l’offre et coordonner les différents acteurs.
Sur l’instruction, j’attire votre attention sur la partie sur le champ d’application du dispositif p. 2 de l’annexe 1 :
- – Les habitants des bidonvilles et les squats comme faisant partie des personnes sans domicile stable.
Nous rappelons que toute personne disposant d’une adresse postale stable lui permettant de recevoir de consulter son courrier de manière constante n’a pas besoin de recourir à une élection de domicile. L’opportunité d’élire domicile et la stabilité du logement/hébergement ne peut être appréciée que par la personne elle-même.
- – La circulaire de 2008 (aujourd’hui abrogée) faisait la distinction en fonction du statut administratif/droit au séjour des personnes. Si on est en situation régulière ou irrégulière, on n’avait pas les mêmes droits qu’on soit ressortissant de l’UE ou non. Or cette circulaire était contraire à l’article 264-2 du CASF qui stipulait que « L’attestation d’élection de domicile ne peut être délivrée à la personne non ressortissante d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui n’est pas en possession d’un des titres de séjour ». Cette appréciation dans la circulaire qui résultait en un traitement égal des citoyens européens et non-européens restreignait largement les droits des citoyens européens en ne leur donnant accès qu’à l’AME et l’AJ.
Dans cette nouvelle instruction la partie « Le cas particulier des ressortissants étrangers en situation irrégulière (hors citoyens UE, EEE, Suisse » p. 3, est censée clarifier cette distinction entre :
- – Personnes en situation régulière de pays tiers et citoyens européens (+membre de leurs familles) peuvent bénéficier de l’élection de domicile pour l’ouverture de nombreux droits
- – Les personnes en situation irrégulière hors UE, EEE, Suisse ne peuvent par contre demander une élection de domicile seulement pour certains droits :
- o L’AME
- o L’AJ
- o L’exercice des droits civils reconnus par la loi (nouveauté, définition p. 7 de l’annexe 1)
L’instruction rappelle tout de même l’article L.264-2 alinéa 3 du CASF qui stipule que les organismes en charge de la domiciliation n’ont pas à contrôler le droit au séjour des personnes qui s’adressent à eux.
Autres aspects intéressants :
- – L’opposabilité de l’élection de domicile : dès lors qu’une personne obtient une attestation de domicile, on ne peut lui refuser l’accès à un droit ou à une prestation ou service essentiel au motif qu’elle n’a pas de domicile stable notamment pour : les démarches en matière de droits et prestations sociales, pro, fiscales, des services essentiels tels que l’accès à un compte bancaire, les démarches de scolarisation.
Sur ce point de la scolarisation, il est précisé que si l’élection de domicile doit permettre à l’enfant d’être scolarisé sur la commune, elle n’est cependant pas obligatoire.
Vous pouvez trouver toutes les informations sur le site service public à cette adresse : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F17317
Pour les trouver en ligne:
1) Décret n° 2016-632 du 19 mai 2016 relatif au lien avec la commune pour la domiciliation, JO du 21/05/16https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032551267
2) Décret n° 2016-633 du 19 mai 2016 relatif aux demandes d’élection de domicile pour l’aide médicale de l’Etat (AME)
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032551273
3) Décret n° 2016-641 du 19 mai 2016 relatif à la domiciliation des personnes sans domicile stable
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032551718
Ces décrets viennent donc modifier le Code de l’action sociale et des familles (CASF) sur la partie portant sur la domiciliation.