A Marseille les expulseurs ne prennent pas de vacances

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Une quarantaine de personnes ont été expulsées d’un ancien garage, 64 rue de Lyon, dans le 15e arrondissement de Marseille. Les enfants, à la scolarité régulière, et leurs parents, en formation ou en activité, sont relogés temporairement en hôtel.La Cabucelle

 

Installées depuis plus d’un an dans l’immense friche Ford de la rue de Lyon, onze familles ont été délogées au petit matin de leur squat par la police nationale. Vers 9 heures, le site entièrement vidé, à la demande du nouveau propriétaire qui souhaite y démarrer des travaux, laissaient sur le carreau une dizaine de familles roms avec de nombreux enfants en bas âge. Le Samu Social est venu, a fait semble-t-il chou blanc et est reparti. Un riverain passe l’air désolé: « c’est vrai qu’à la fin il y avait trop de monde. Plus de 150 personnes. Du coup il y avait beaucoup de rats. Mais les pauvres, c’est pas la solution de les mettre à la rue. Il faut que tout le monde vive, ait droit à un logement. Moi aussi j’ai vécu en bidonville quand je suis arrivé à Marseille…»

La situation soulève la colère chez les associations de terrain, telle Rencontres Tsiganes, qui déplore: « nous avions eu une discussion en juillet avec le préfet délégué à l’égalité des chances sur ce squat en particulier. 23 des 34 enfants sont scolarisés à Arenc Bachas ou au collège Henri Wallon et la grande majorité des adultes est en parcours d’insertion, voire ont des contrats de travail. Ils n’auraient pas du être mis à la rue, ça met tout le travail social en l’air ». Ainsi Vasil, 34 ans suit-il sérieusement une formation de mécano et se sent « stoppé en plein élan ». Jeune maman, Rosalia désespère: «Je suis agent de nettoyage. Je dois appeler mon patron pour lui dire que je ne pourrai pas venir ce matin. J’ai peur qu’il me dégage à cause de cette absence. Mais je fais comment avec les enfants? On ne sait pas où on va dormir ce soir. Je ne peux pas les laisser là ». De même, c’est la grosse tuile pour Cale qui est auto-entrepreneur et tentera de négocier en vain la récupération de sa ferraille déjà triée, en plaidant: « je suis déclaré. Il y a tout mon boulot là-dedans. Tout est réglo ». Mais la police et les vigiles ont des ordres strictes.

Une directive, mais pas de moyens

Mais le droit de propriété prévaut encore sur les droits les plus élémentaires, comme celui au logement. Après des heures passées à chercher l’ombre sur le trottoir devant le futur éco-quartier Smartseille qui pousse à deux pas de l’Unité d’hébergement d’urgence, les familles ont vu arriver Alban, un habitant du quartier ému par leur situation, avec des pack de bouteilles d’eau et des pains au lait très appréciés. Deux voitures de police sont restées stationnées à leurs côtés avant qu’arrivent quelques propositions des pouvoirs publics, conformes au devoir « d’humanité » préconisé par la circulaire interministérielle du 26 août 2012.

« Évacuer ce camp après la rentrée aurait brisé leur parcours scolaire et ne pas évacuer impliquait que le propriétaire se retourne contre la Préfecture. On a donc tout fait pour qu’une solution durable soit trouvée d’ici la rentrée pour 3 familles identifiées, parmi les onze présentes », explique pour sa part le préfet Yves Rousset. Pour les autres, la solution sera très temporaire, une ou deux nuits d’hôtel tout au plus. Ensuite, ils seront de nouveau condamnés au squat.

Myriam Guillaume

 


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