Nous revenons une nouvelle fois sur ce sujet qui ne cesse d’alimenter non seulement les discussions d’experts mais aussi les débats politiques et les inquiétudes de nos contemporains. La lecture du numéro 186 (septembre octobre 2015) de la revue, “le débat“permet de mieux comprendre ce concept complexe et souvent ambigü trop souvent exploité à des fins polémiques. Les différents articles exposent la manière dont de nombreux pays d’Europe et du Monde, confrontés à la présence ou à l’arrivée de populations d’origines et de cultures diverses initient de manière pragmatique des politiques publiques permettant de les “intégrer“ tout en leur reconnaissant une identité culturelle originale. D’un pays à l’autre, l’histoire, le contexte géographique et politique conduisent à mettre en place des moyens adaptés à chaque groupe ethnique, culturel ou religieux. Dans leur très grande majorité, les responsables politiques de ces pays, malgré des soubresauts récents, reconnaissent que la présence croissante sur leur sol, de populations d’origines et de cultures divers est une réalité incontournable qu’il convient d’assumer dans les meilleures conditions et dans l’intérêt de chaque citoyen.
En France, plus que dans les autres pays, en raison de son histoire, la confrontation entre deux approches opposées ne cesse d’envenimer le débat. Pour les uns s’appuyant sur la sacro-sainte Constitution, la citoyenneté est conçue comme un tout indivisible dont la légitimité s’exprime dans un rapport direct du citoyen avec l’Etat en marginalisant les corps intermédiaires. L’idée du multiculturalisme inquiète les républicains français parce que la politique a toujours visé à “intégrer“ des individus et non des collectivités. La reconnaissance de droits particuliers risque d’enfermer les individus dans leur particularisme, et de les assigner à un groupe, à l’encontre de leur liberté personnelle. C’est le spectre du communautarisme qu’il faut bannir. Pour les autres, une telle politique, fondée sur philosophie certes respectable, est irréaliste et hypocrite. Quelles que soient la législation et les mesures parfois discriminatoires mises en place, lorsque plus de 20 % d’une population reconnaît appartenir à l’une ou l’autre des communautés différentes de la majorité, il est illusoire de croire à sa disparition. Sans renier les valeurs universalistes qui fondent le pacte républicain, il est aujourd’hui temps d’admettre, comme le font les institutions européennes, une forme de multiculturalisme qui reconnaît des droits culturels aux diverses minorités présentes sur le territoire.
Un tel débat s’applique d’évidence aux différents groupes de Roms/Tsiganes dont la plus grande majorité a la nationalité Française et qui cependant a dû attendre le 9 juin dernier (vote de la loi supprimant la loi du 3 janvier 1969) pour espérer obtenir enfin les droits qui s’y attachent. Cet accès à la pleine citoyenneté ne doit pas pour autant conduire, comme certains l’affirment à nier les spécificités culturelles reconnues à ce peuple. Cette culture qui à travers le monde permet à chacun de renouer avec ses racines ne se résume pas aux modes traditionnelles d’expression : la musique et la danse trop souvent se résument au folklore. La culture c’est aussi la langue, la mémoire familiale et historique, une façon de vivre ensemble et pourquoi pas, de préférer habiter en caravane et en plein air.
C’est à tort que le nomadisme est encore perçu en France comme un élément majeur qui permettrait de définir les Roms/Tsiganes alors que ce mode de vie itinérante n’est plus pratiqué que part une minorité d’entre eux. Pour les autres la sédentarisation ne signifie pas pour autant la disparition de ce qui fait l’essentiel de leur culture qu’ils tentent souvent avec difficulté de maintenir et faire connaître. Revendiquer une pleine citoyenneté qui leur a longtemps été refusée doit être compatible avec l’expression d’une culture répandue et reconnue dans le monde entier.
En France, ce débat sur le multiculturalisme dérive fréquemment vers les concepts d’identité et d’origine ethnique. Pourtant l’histoire démontre la diversité des origines qui constituent aujourd’hui les Français. Malgré les grands principes constitutionnels chaque jour apporte la preuve que partout, des ‘communautés’ anciennes ou plus récemment arrivées, expriment publiquement leurs appartenances et mettent en valeur leur histoire et leur culture. Comment concilier la liberté et l’égalité individuelle de tous les citoyens et la reconnaissance publique des spécificités culturelles qui sont collectives ? Un républicanisme tolérant devrait permettre de concilier les principes de la citoyenneté et la reconnaissance de pratiques culturelles répondant aux aspirations des populations.
Bonnes et joyeuses fêtes à tous
Alain FOUREST
Marseille le 18/12/2015
Commentaires
Une réponse à “Vers une société multiculturelle !!”
Bonjour Monsieur Alain Fourest, je vous rejoins tout à fait dans le contenu de votre propos.
Je trouve in-croyable que le multi-culturalisme qui est un fait depuis la nuit des temps fasse polémique chez une partie des gens du « peuple », qui s’entêtent à épouser des idées col-portées par des « élites », chez lesquels il s’agit principalement d’ une question de préservation de leurs fortunes et de leurs pouvoirs, de leurs positions de domination dans la société et qui réussissent horriblement bien dans l’exercice de diviser pour mieux régner, par la propagation insidieuse ou tapageuse de modes de pensées et de façons d’être et d’agir via tous les médias à leurs bottes ( sauf rares exceptions) ….
Les média dans cette question représentent un des instruments les plus puissants du capitalisme au niveau mondial dans les processus de « lavage de cerveaux » des populations, de conformisation de la pensée, dans l’appel aux instincts les plus « primaires » du cerveau reptilien…
L’in-croyable est la crédulité persistante d’une partie de la population…. On devrait certainement plutôt dire « l’aveuglement », « l’ignorance défensive »: pour se défendre i.e. conserver ses pseudos « acquis », il faudrait nier l’existence de l’autre, donc d’une partie de soi-même, or cela ne peut se faire toujours qu’au service du pire…….
En effet l’humain est par essence composé multiple et l’humanité est composée d’êtres divers et variés, ayant en commun leur appartenance à l’humanité. L’humanité est plurielle. A l’inverse, le capitalisme fabrique de l’individu et des individualités bien différenciées, qui se conforment les uns aux autres comme des séries d’objets identiques sortis d’usine.
Or, la réalité, quand on veut bien s’extirper des « images chocs et tapageuses » et du « spectacle médiatique hystérique », nous fait rencontrer des vraies personnes, chacune unique par leurs parcours singuliers, donc partager une humanité plurielle!
Personnellement je me sens humaine, mais d’aucun pays ni d’aucune culture en particulier, le mot « patrie » sonnera toujours étrangement à mes oreilles, le mot « identité » aussi, l’être humain est multi-culturel depuis la nuit des temps….
Ma vraie famille, celle de coeur, est composée de gens de tous pays, de toutes cultures, qui portent l’amour comme bannière, sans Dieu ni maîtres, je me sens liée à eux par leur profond sens de la re-connais-sens de l’autre, par le respect de la nature qui les nourrit et préserve la vie, par leur profonde sagesse, leurs valeurs transformatrices et constructrices, par leur inlassable curiosité des autres, leur sens inné de l’innocence, pas du tout naïfs….auteurs de leurs vies, de leurs modes de vie et de penser, loin des leurres de nos sociétés consuméristes productivistes capitalistes destructrices de tout, génocidaires, écocidaires, suicidaires…
Mes frères et mes soeurs de coeur, au contraire, défendent la vie de tous de toutes leurs forces, au péril de la leur malheureusement! ils font alliance, jouissent d’une intelligence innée de l’ univers, de la vie, la vraie.
Mes frères et soeurs, mes vrais amis sont la fine fleur, la perle rare de notre humanité, et notre devoir est de préserver la vie durablement à leur exemple, et d’entendre leurs messages d’une immense sagesse.
Avec ces amis modèles je veux partager ma vie, et faire en sorte que les humains restent un tissage de cultures multicolores, à la pointe de la modernité, la vraie…
Mes hommages à tous mes amis
Evelyne Burlot