Une grande confusion

Rappel des faits :

 D Raimbourg

 

Après une trop longue attente, dans une décision du 5 octobre 2012, le Conseil Constitutionnel déclarait illégal le carnet de circulation délivré aux “gens du voyage“ et l’obligation d’une commune de rattachement, en application de la loi du 3 janvier 1969. Cette décision bien que jugée incomplète remettait en quetion l’ensemble du cadre législatif concernant les personnes dites gens du voyage. Pour tirer les conséquences pratiques d’une telle décision un groupe de députés à l’initiative de Dominique RAIMBOURG déposait une proposition de loi qui, allant au-delà de la décision du Conseil Constitutionnel, prévoyait l’annulation de la loi du 3 janvier 1969 et remettait en cause l’ensemble de la réglementation concernant “le voyage“. Ce texte qui n’était pas porté par l’exécutif n’a pas été jugé prioritaire et a finalement été voté en première lecture par les députés le 9 juin 2015. Il doit pour être applicable être soumis au Sénat. On apprend que la Haute Assemblée a décidé de choisir la lenteur et de s’intéresser à ce dossier au début de 2016. En conséquence le texte sera définitivement voté par l’Assemblée Nationale et donc applicable au plus tôt en juin 2016.

Des conséquences inadmissibles carnets de circulation

 Quel que soit le bien fondé de cette loi, les conséquences d’un tel délai de latence sur la vie quotidienne des voyageurs sont considérables. Lors de la rencontre organisée à Rennes par des associations de voyageurs, on a pu mesurer les effets d’un tel vide juridique. Dominique RAIMBOURG présent à Rennes a regretté la lenteur de cette procédure et reconnu le flou juridique de la loi et les incertitudes quant à son application. Pour compléter le tableau d’autres textes législatifs ou réglementaires ont vu le jour entre temps. La loi dite ALUR du 20 février 2014 et le décret d’application du 29 avril 2015, tout en reconnaissant l’habitat mobile et léger comme un logement, ont durci les règles d’urbanisme concernant le stationnement des sédentaires. D’autres textes concernant le calcul des subventions aux aires d’accueil ou la domiciliation sont venus s’ajouter à cet imbroglio juridico administratif. À ce jour la cacophonie est générale. Les services des préfectures, les maires, les magistrats, les gestionnaires d’aire d’accueil, chacun interprète à sa guise le nouveau contexte législatif.

Ici la préfecture ne délivre plus de carnet de circulation alors qu’ailleurs c’est toujours possible ; dans les mairies, on refuse l’inscription sur les listes électorales ou la domiciliation auprès de CCAS ; dans les aires d’accueil on peut exiger encore le carnet de circulation ou alors on accepte pour remplir le terrain toutes personnes qui se présente en caravane quel que soit son origine ou son statut.

Quelques exemples : une aire d’accueil de la région reçoit des personnes habitant en caravane mais qui ne sont pas reconnues par les voyageurs traditionnels ; un groupe de voyageurs d’origine roumaine, immatriculés et résidant habituellement en Espagne a séjourné avec l’accord de la Préfecture sur un terrain destiné aux grands passages ; dans le Vaucluse c’est une famille de Roms Kosovars qui a obtenu un statut de réfugiés et vit en caravane en raison de ses trop faibles ressources. Elle stationne dans un terrain de camping privé au tarif exorbitant. Elle se voit refuser l’entrée dans une aire d’accueil réglementaire ; Une commerçante s’est vue refusé d’accéder à un marché forain en l’absence de carnet.

Une clarification urgente

 On pourrait multiplier ces exemples de dysfonctionnements graves qui sont à l’origine de nombreux abus et mettent ainsi en cause quotidiennement le respect du droit par ceux qui sont en charge de sa mise en œuvre. Il est urgent que le législateur et les pouvoirs publics mettent fin à cette situation ubuesque. L’accès au droit commun pour chaque citoyen et la reconnaissance de la minorité culturelle des Tsiganes sont plus que jamais un objectif prioritaire.

Alain FOUREST

Marseille le 15 octobre 2015

 


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