«Émigrés ? Migrants ? Exilés ? Réfugiés ? Peu importe comment nous les appelons, ce sont eux qui nous appellent.» – Bernard Pivot
Ne les appelez plus “migrants“ : cette interpellation d’un journaliste de la station AL-JAZIRA a semé la confusion alors que depuis quelques mois des centaines de milliers d’hommes de femmes et d’enfants tentent au risque de leur vie de fuir les guerres, la violence, les pillages, les viols, la confiscation de leur vie par des régimes sans droit, par des hordes barbares. En fonction du pays dont ils sont originaires on tente de leur mettre des étiquettes et de faire des distinctions en fonction de critères très discutables. Il y aurait des réfugiés politiques relevant d’une demande d’asile, venant de pays en guerre, des migrants économiques, d’autres issus de pays considérés comme sûrs, d’autres encore attirés par notre richesse. En Slovaquie ou en République Tchèque, on se dit près à accueillir au compte-goutte ces nouveaux “migrants réfugiés“ sélectionnés en fonction de leur appartenance religieuse ou ethnique. En Hongrie, on dresse des barrières et on les accueille à coup de grenades lacrymogènes. « Le terme de migrant est-il adapté pour décrire les horreurs auxquelles on assiste chaque jour aux frontières de l’Europe ». Alertés enfin par l’émotion de nombreux citoyens européens qui se mobilisent, les principaux leaders de l’Union Européenne essaient sans beaucoup de résultats, de se mettre d’accord pour répondre à cette urgence humanitaire.
En France, après un long silence, le Président de la République vient d’annoncer que 24 000 de ces “réfugiés“ seront accueillis durant les deux prochaines années mais il prend soin de préciser que les “migrants“ économiques seront “reconduits“ dans leur pays d’origine. Cette trop modeste ouverture laisse cependant perplexe. Voilà des années en effet qu’une politique migratoire de plus en plus restrictive est en place sous la pression des courants idéologiques d’extrême droite et de droite au mépris de la tradition française d’accueil des réfugiés de toutes origines. Les quelques “migrants réfugiés“ qui ont pu bénéficier du droit d’asile sont reçus dans des conditions souvent indignes du pays des droits de l’homme. On peut s’inquiéter sur le sort qui attend les nouveaux arrivants et sur les conditions de leur sélection par l’OFPRA. La “jungle“ de Calais comme les campements de fortune qui se multiplient à Paris depuis quelque temps et qui sont régulièrement démantelés par les forces de l’ordre démontrent l’improvisation et l’absence d’une politique responsable. Les conditions faites depuis bientôt dix ans à la dernière vague migratoire venue de l’Europe de l’Est, font craindre le pire si l’on se réfère à la situation faite aux familles Roms.
Certes, ceux que l’on désigne sous le terme “Roms migrants“ ne relèvent pas de la même catégorie puisqu’ils sont, pour la plupart, citoyens de l’Union européenne et peuvent en principe y circuler et s’y installer librement. Mais les conditions qui leur sont faites dans leur pays d’origine, justifie qu’ils cherchent eux aussi un pays d’accueil ou leurs droits soient reconnus et respectés. S’ils n’ont pas dû affronter les mêmes obstacles au péril de leur vie pour rejoindre le “pays de la liberté“, ils ont subi et subissent encore pour ceux qui ne peuvent fuir, les conséquences d’une discrimination et d’un rejet largement répandu. Aujourd’hui, en Hongrie, en Bulgarie comme en Slovaquie «des murs sont érigés pour séparer les ghettos de la communauté « blanche ». Outre ces barrières physiques, des murs invisibles fracturent la société slovaque : les Roms ont un accès limité à l’éducation, car leurs enfants sont forcés de fréquenter des écoles spéciales pour enfants handicapés ou des institutions dans lesquelles il n’y a pas de « Blancs ». Ils n’ont pas accès au marché du travail et sont contraints de vivre dans des conditions misérables au sein de zones marginalisées des villes et villages. » (collectif we report)
La multiplication de bidonvilles et de squats régulièrement évacués par les forces de l’ordre comme récemment à La Courneuve, à Lyon ou Marseille, démontre l’incapacité de notre société et de ses principaux leaders à accepter de faire un peu de place à quelques milliers de “Roms migrants“ européens.
Il nous faut donc refuser absolument de rentrer dans ce débat nauséabond qui tente de faire des distinctions entre les “migrants“, quelles que soient leurs origines. C’est bien de l’accueil inconditionnel qu’il s‘agit de promouvoir en référence a l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays y compris le sien et de revenir dans son pays.
Après une première étape émotionnelle et sans préjuger d’une évolution du comportement de nos concitoyens, il nous faut agir et manifester pour que les réfugiés d’aujourd’hui et de demain, venus d’au-delà de la Méditerranée, soient dignement accueillis en France comme en Europe.
Marseille le 11 septembre 2015
Alain FOUREST