Les bannis de la Terre

Rohingyas originaires de Birmanie et de Thailande, les Falachas originaires du Soudan et aujourd’hui en Israël, les Moken ou nomades de la mer le long des côtes Birmanes, les Kirghiz et les Kazakhs en Mongolie et à l’Est de la Chine, combien sont-ils ces peuples de traditions en partie nomades qui à travers le monde sont aujourd’hui l’objet des pires processus d’extermination ?

L’actualité la plus récente a fait brutalement apparaître la détresse de quelques-uns de ces groupes humains objets de toutes les malédictions, contraints de toujours fuir au risque de leur vie. Ils ont su pourtant à travers les siècles et les vicissitudes de leur vie d’errance maintenir une culture et des traditions qui leur permettaient de survivre dans un monde qui tend à l’uniformité et à imposer la loi du plus fort.

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Chacun peut s’émouvoir pour un temps de ces conflits lointains qui concernent ces peuples considérés comme « attardés » et pour lesquels la seule solution qui leur est proposée est de renier leur passé en adoptant sans murmure la règle commune du progrès et de la modernité. On peut aussi, à l’appel du large et de l’inconnu s’inscrire dans ces voyages qui nous promettent les découvertes d’authentiques civilisations en voie de disparition. On peut aussi s’attacher à la lecture des travaux du regretté Claude Levi-Strauss et avec ses disciples s’engager à la défense des cultures en danger de mort.

On peut enfin s’interroger sur la présence souvent proche de chez nous, de ces hommes et de ces femmes qui les yeux baissés, survivent en fouillant nos poubelles et en mendiant au coin des rues, des enfants dans les bras. On peut alors comme la majorité de nos concitoyens, parfois mal à l’aise et même un même un peu honteux de cette misère trop voyante, considérer qu’en ces temps difficiles, il n’y a pas de place pour eux et que nos gouvernants ont raison de les inciter (les contraindre) à retourner chez eux.

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On peut (on doit ?) s’interroger sur les valeurs qui fondent notre vivre ensemble et qui seraient, paraît-il, inappropriées pour s’appliquer à l’ensemble de l’humanité.
L’universalité des droits ne se partage pas en fonction des aires géographiques ou de stratégies géopolitiques des puissants.
Quoiqu’il en coûte, les principes républicains de liberté et de solidarité, voire de fraternité ne peuvent se limiter aux frontières aujourd’hui largement ouvertes sur le reste du monde.
On ne peut à la fois profiter des avantages de la mondialisation et estimer qu’ils ne sont accessibles qu’à quelques-uns.

Le monde est directement et virtuellement à portée de main, à portée de smartphone, mais ceux qui à notre porte demandent un peu de partage ne sont pas des êtres virtuels.

Alain FOUREST

18 mai 2015


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