Bien vivre ensemble ?

C’est, sous forme interrogative, le titre du colloque organisé le 4 octobre à Rennes par des associations de gens du voyage (Différence et France Liberté Voyage). Plus d’une centaine de personnes ont ainsi pu s’informer et échanger librement sur les perspectives politiques et législatives concernant la communauté des gens du voyage. Interpellés par des responsables engagés de longue date dans la reconnaissance de leurs droits de citoyens français à part entière, des élus (Dominique RAIMBOURG, Député), des chercheurs (Samuel DELEPINE), une représentante de la DIHAL ont pu ainsi répondre avec rigueur et franchise aux interrogations des uns et des autres. Comme annoncé dans le programme, les débats ont essentiellement porté sur la loi de 1969 perçue comme le symbole de la discrimination légale faite aux voyageurs. Un compte-rendu de cette journée studieuse sera prochainement diffusé par Nara RITZ son animateur. Pour notre part, nous résumerons dans les quelques points qui suivent nos impressions sur ce à quoi il faut s’attendre dans les prochains mois.

Une loi largement condamnée qui perdure

Mis en cause par plusieurs rapports officiels (rapport DERACHE en juillet 2013, rapport de la Cour des Comptes octobre 2012), par le Conseil Constitutionnel octobre 2013, par diverses commissions parlementaires, par l’ancien Premier Ministre Jean Marc EYRAULT, par l’ONU, par le Conseil de l’Europe, par la plupart des juristes et, bien entendu, par les associations de voyageurs, ce texte de loi qui s’applique à un groupe de citoyens français en les considérant comme une catégorie à part est, encore à ce jour, en application et ces effets discriminants sont ressentis au quotidien comme une insulte au droit républicain. Certes, à la suite d’une procédure judiciaire longue et hasardeuse engagée par des voyageurs, le Conseil Constitutionnel a ouvert une première brèche en supprimant le carnet de circulation et en simplifiant partiellement le droit de vote. On a pu constater que ces premières évolutions ont bien du mal à entrer en application et que, sur le terrain, des élus et des fonctionnaires semblent en ignorer l’existence. Bref c’est l’ensemble de cette loi indigne qui doit être supprimé comme on nous l’annonce depuis bientôt trois ans et comme le Président de la République s’y est engagé.

Dominique Raimbourg, en charge de ce dossier, a confirmé l’existence d’une proposition de loi déposée devant le Parlement en novembre 2013. Ce texte attendu avec impatience est aujourd’hui soumis aux multiples aléas du travail parlementaire et du plan de charge d’un gouvernement bousculé par les urgences de la vie politique. On apprend ainsi que, si ce texte devrait rassembler une majorité de députés, il n’en sera pas de même avec la nouvelle composition du Sénat qui va s’efforcer d’en modifier ou d’en ralentir la mise en application. Si aucun obstacle nouveau n’apparaît, Dominique Raimbourg estime que ce texte pourra entrer en vigueur à l’été 2015 ! Enfin, peut-être.

Ce texte, s’il peut satisfaire la bonne conscience républicaine de chacun d’entre nous en faisant disparaître une loi discriminante, laisse en suspens de nombreuses questions pratiques. A ces questions soulevées par les voyageurs, Dominique Raimbourg a reconnu qu’il n’avait pas de réponse à ce jour. On peut les résumer ainsi : la reconnaissance de la caravane comme un logement, les terrains familiaux, le droit de propriété, les modalités de la domiciliation, les terrains de grand passage, etc…Le projet de loi attendu ne répond pas à ces questions. C’est la refonte de la loi Besson de 2000 qui doit être engagée mais qui nécessite paraît-il un long travail parlementaire. La loi ALUR qui ouvre la porte à des formes d’habitat léger alternatif n’aborde ce sujet que de manière marginale. Samuel Delépine a résumé le point de vue des participants en affirmant que « pour les voyageurs, vivre sur un terrain en caravane en respectant la légalité est toujours impossible » alors que, la sédentarisation totale ou partielle est une démarche qui se généralise partout en France.

L’avocat Olivier Le Mailloux qui a défendu avec succès auprès du Conseil d’Etat et du Conseil Constitutionnel l’illégalité de la loi de 1969 estime pour sa part, que, en l’absence d’une réelle volonté politique, les recours devant les tribunaux doivent être engagés à chaque occasion. Une nouvelle procédure est actuellement en instance au Conseil d’Etat. Malgré la lourdeur et la complexité des démarches, la Cour Européenne des Droits de l’Homme(CEDH ) est l’instance qui tranchera les litiges en faveur du droit d’aller et de venir et de s’installer.

Les informations recueillies et les débats ont permis de relativiser les effets de la suppression de la loi de 1969 qui, lorsqu’elle entrera en application, sera cependant une avancée au moins symbolique. Il est apparu clairement qu’un long chemin reste encore à parcourir pour que l’égalité des droits soit une réalité reconnue par tous. On a pu constater les multiples obstacles qui subsistent pour que les lois existantes soient connues et appliquées par les maires qui dans chaque commune dispose d’un pouvoir quasi absolu.

Les responsables associatifs et tous les militants, qu’ils appartiennent ou non à la communauté des voyageurs, reconnaissent l’importance des batailles contre les discriminations qui restent à engager et à gagner. Ils admettent l’urgence d’une mobilisation plus large de tous et d’une meilleure coordination de leurs interventions. Ils reconnaissent également l’importance d’une large information de l’opinion publique.

 CE N’EST QU’UN DEBUT, LE COMBAT CONTINUE POUR BIEN VIVRE ENSEMBLE

 

Marseille le 8 octobre 2014
Alain FOUREST


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