Lynchage de Darius : La République se désintègre par le haut puis le bas.

Lynchage de Darius : La République se désintègre par le haut puis le bas.

S’il est un motif raciste à l’acte atroce dont Darius a été victime, il est à chercher dans la déshumanisation des « Roms » par le discours public depuis dix ans. Si cette violence politique ne cesse immédiatement en actes et en mots, il se pourrait bien que l’image interdite du corps martyrisé du jeune Darius meurtri dans un caddie en zone urbaine sensible préfigure l’état où sera dans un avenir prochain l’ensemble de la République en péril. Pour l’éviter, le Groupement Justice et Paix pour tous les Darius des quartiers- appelle à un rassemblement vendredi 27 juin à 18 heures devant la mairie de Pierrefitte, où il exposera aussi sa position à la presse.

Vendredi 13 juin, Georghe C., dit Darius, 16 ans, Rrom, de nationalité roumaine, a été sauvagement battu et laissé agonisant dans un chariot en bordure du quartier ruiné de la « cité des poètes » à Pierrefitte en Seine-Saint-Denis. Cette agression indique que la classe politique a fait franchir à l’ensemble de la société française un seuil supplémentaire vers sa désintégration.

La société civile consciente et active attend de la classe politique un sursaut et une remise en question radicale de l’exercice de sa fonction. Sans quoi, le mal dont est pris le corps social progressera encore par ses deux extrémités suivant un processus d’auto -alimentation : d’une part croissance de la peur et banalisation de la violence dans la population et d’autre part croissance de l’idéologie raciste/fasciste dans les élites politiques, économiques et culturelles. C’est au progrès de cette idée que servirait une guerre raciale où s’abîmerait la population.

Le maire socialiste de Pierrefitte, premier responsable de l’abandon des hommes, des femmes et des enfants, sur le territoire, dont élu, il est en charge, sans mot aucun pour la victime et sa famille, appuie dans ses déclarations à la presse les soupçons de larcin pesant sur le jeune homme. Il prive donc d’ores et déjà son corps mourant de l’état de victime, excluant, – en conscience, – que justice puisse lui être rendu, délivrant ainsi un véritable permis de tuer, et augmentant la violence à tous les niveaux. 

Depuis dix ans, le discours public procède à la déshumanisation d’hommes, de femmes, et d’enfants, étrangers résidants, dans une extrême précarité sur le territoire de France, et publiquement identifiés comme « Rom ». S’il est un motif raciste à l’acte atroce dont Darius est la victime il est à chercher dans cette déshumanisation, initiée et entretenue par les élites, au plus haut niveau de l’Etat.

La persécution par les pouvoirs publics des bidonvilles où vivent quelques milliers de Rroms roumains et Bulgares, est en réalité l’aspect le plus spectaculaire de la violence politique faite aux habitants de tous les quartiers populaires, parmi lesquels les habitants abandonnés de la « cité des poètes », privés d’emplois, de logements décents, de droit à l’éducation et à la culture, et stigmatisés comme « immigrés », « musulmans », « sauvageons ».

Au-delà du traumatisme et de l’immense tristesse, de la douleur qui revient à sa famille, et auquel doit se joindre, dans le plus grand respect, le plus grand nombre, la justice doit être impérativement rendue ! Ce drame doit servir d’ultime alerte ! Si la violence politique infligée à tous les habitants des bidonvilles comme des quartiers ne cesse immédiatement en actes et en mots, il se pourrait bien que l’image interdite du corps martyrisé du jeune Darius, meurtri dans un caddie en zone urbaine sensible, préfigure l’état où sera dans un avenir prochain l’ensemble de la République en péril.

Lynchage d’un jeune Rom : une association de voyageurs dénonce « un acte inacceptable »
26 juin 2014

By la rédaction de Dépêches Tsiganes

L’Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC) a tenu cette semaine à condamner fermement dans un communiqué « l’acte inacceptable » que représente le lynchage d’un jeune Rom laissé entre la vie et la mort à Pierrefitte (Seine-Saint-Denis).

Dans ce texte, l’association « s’émeut » des « actes de torture et de barbarie » dont cet adolescent d’origine Rom a été la victime. « Quelles que soient les motivations des auteurs de ce lynchage, l’association souhaite qu’ils soient jugés et ne peut accepter que quiconque se substitue à la justice ».
Alors que certains, notamment dans la classe politique s’évertuent pour créer des tensions à faire l’amalgame entre « gens du voyage » français depuis des générations et Roms venus plus récemment de Roumanie, de Bulgarie ou encore d’ex-Yougoslavie, l’ANGVC rappelle que certaines attitudes de rejet fondées sur la peur et l’ignorance visent aussi bien les voyageurs que les Roms. « Cet acte inacceptable renvoie au souvenir de nombreux autres, banalisés par leur passage sous silence ou leur dilution dans le flot d’une actualité hiérarchisée mais néanmoins incessante, où des individus, isolés ou en groupe, s’autorisent à Nantes, Marseille et ailleurs à chasser des familles Roms de leurs bidonvilles, à terroriser des familles en raison de leur appartenance ethnique et/ou religieuse, de leurs orientations et opinions. ou bien encore quand la peur de l’autre, de la différence, de l’inconnu, amènent certains à couper ou arracher les fils de raccordement aux réseaux de familles de gens du voyage, estimant qu’elles n’auraient pas le droit d’être là. »
Et de rappeler des évidences qui sont trop souvent étouffées de nos jours par la montée de l’extrême droite et l’irresponsabilité politique généralisée : « renoncer à la confiance dans notre système policier et judiciaire, aussi imparfait qu’il puisse être ressenti, c’est laisser la place à la +loi de la jungle+, où le fort impose sans contrôle sa loi au plus faible…Et le plus faible, pour tous ces individus qui s’estiment au dessus des lois, est vite incarné par le migrant, le juif et aujourd’hui le Rom ».
L’association rappelle également que ce lynchage s’est déroulé dans un contexte de misère sociale dans une ville de Seine-Saint-Denis et un quartier abandonné par l’Etat. Elle appelle donc à un sursaut démocratique. « Si dans un contexte de misère économique et sociale, certains ont du mal à trouver une place, nous ne pouvons pas les laisser devenir des citoyens de seconde zone », martèle l’ANGVC. « Renoncer aujourd’hui à nos principes de solidarité et nos valeurs démocratiques qui ont façonné depuis une certaine année 1789, ce qu’est notre pays, c’est laisser la place au repli sur l’intérêt individuel et la glorification de la force qui ne pourront mener qu’à des conflits meurtriers. »
Une manière de rappeler que dans la France d’aujourd’hui, lorsqu’il est agressé, un jeune vivant dans un quartier pauvre ne bénéficie ni de la même protection, ni de la même justice, ni de la même indignation qu’un jeune plus favorisé socialement.
COMMUNIQUE ANGVC : PDF
Isabelle Ligner


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