Les droits de l’homme (des Roms) confrontés à la pratique des tribunaux.

Les droits de l’homme (des Roms) confrontés à la pratique des tribunaux.

Le 28 mars, durant une longue et studieuse journée à Marseille, près de 300 personnes se sont affrontées à la complexité du droit lorsqu’on l’aborde sous l’angle de son effectivité. Avec l’aide de magistrats, d’avocats et de juristes, les débats ont permis de mettre en lumière la distance et parfois les contradictions entre les déclarations de principe et leur mise en oeuvre sur le terrain. Les magistrats ont mis en avant les conflits de droits auxquels ils sont confrontés : Droit quasi-sacré de la propriété privée inscrit dans la constitution et droits sociaux de mener une vie décente, droit de vivre en famille, droit à un hébergement ou un logement ; Conflit entre le droit européen en plein développement et droit propre à chaque Etat etc..

Trois principales leçons peuvent être tirés de cette instructive journée

Lorsqu’il s’agit de l’expulsion des familles de Roms migrants accusées de squatter des bâtiments ou des terrains, les magistrats se disent souvent contraints par une législation qui privilégie la défense de la propriété privée au détriment des droits sociaux. Si certains d’entre eux appliquent sans sourciller la primauté du droit de propriété avec la caution du pouvoir politique et d’une majorité de l’opinion, d’autres essaient d’en nuancer les effets et d’ouvrir la voie à une application plus concrète des droits de l’homme. Les débats ont également permis de constater que devant la complexité du droit et l’accumulation des textes, de nombreux magistrats ont une connaissance très insuffisante des familles Roms qu’ils ont à juger et des raisons qui les conduisent à émigrer. La confusion avec les Roms Tsiganes français est fréquente. Le conflit entre la législation française et européenne contribue à entretenir un peu plus cette complexité.

Des avocats qui depuis de longues années sont engagés avec les associations dans la défense des familles Roms ont témoigné de la difficulté de leurs tâches. Ils sont hélas trop peu nombreux à maîtriser toutes les subtilités de la législation et à s’engager dans des batailles souvent perdues d’avance. Les débats ont permis cependant de constater qu’une défense bien construite permet des avancées significatives en matière de respect des droits sociaux. Nul doute que les décisions récentes des instances judiciaires européennes, malgré la lourdeur et la complexité de la saisine de ces instances ouvrent une voix nouvelle.

Les participants ont, au cours de cette journée, pu constater que malgré sa complexité et sa froideur apparente, le monde judiciaire pouvait comprendre des hommes et des femmes à même d’entendre la voix des ‘sans droits’ et mettre en avant les principes universels des droits de l’homme. Le recours aux tribunaux n’est donc pas vain même s’il laisse parfois un goût amer. Certains ont d’ailleurs regretté que les voies de recours contre des décisions judiciaires estimées scandaleuses ne soient pas plus fréquemment mises en oeuvre. D’autres pourront, en s’appuyant sur leur expérience, considérer que le recours au juge est une perte de temps et que les dés sont pipés. Certes la lecture des ordonnances des tribunaux est le plus souvent désespérante, mais le combat pour l’égalité des droits n’est pas inutile et les magistrats présents lors de cette journée témoignent que le respect des droits universels est un long combat. L’Union Européenne, malgré toutes ses lacunes, est une alliée précieuse pour garantir à tous et spécialement aux Roms/Tsiganes leurs droits de citoyens européens.

Alain FOUREST
Marseille le 2 avril 2014


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