Résister à la colère face aux incendiaires
nous reproduisons ici avec son autorisation une réaction d’Isabelle LIGNER journaliste à http://www.depechestsiganes.fr
En ces temps de surenchères incendiaires, il est normal et tentant de se laisser emporter par la colère face à l’injustice et aux ravages de la bêtise et du rejet de l’Autre. Mais il est tout aussi important de résister à cette tentation, car c’est bien connu, la colère est aveugle.
Alors que nous sommes chaque jour bombardés d’absurdités et de pseudo-informations, alors que Roms et gens du voyage sont régulièrement présentés, dans un amalgame délibéré, comme le problème principal d’un pays en pleine déliquescence, il est essentiel de s’obliger à prendre du recul et à réfléchir. Il s’agit de ne pas céder à l’emballement politique ou médiatique, qui, généralement s’additionnent pour le pire. Il s’agit, en un mot, de ne pas se laisser « embobiner », municipales ou pas, crise ou pas, voyageurs ou gadjé.
L’actualité de Dépêches tsiganes cette semaine met notamment à l’honneur le travail rigoureux, intelligent et cohérent d’un sociologue sur la traite des enfants d’Europe de l’Est en France.
http://www.depechestsiganes.fr/?p=8439
Alors que politiques, policiers et médias attisent les braises depuis des années sur la « délinquance Rom » ou « roumaine », Olivier Peyroux remet les pendules à l’heure grâce à un minutieux travail de terrain d’une dizaine d’années et une sérénité qui faisait gravement défaut sur ce sujet comme sur bien d’autres. Il démystifie, argumente avec justesse, précise. Et très vite de son travail, émerge une autre réalité que celle des pseudo « mineurs Roms délinquants » que l’on nous sert depuis tant d’années : celle d’une minorité d’enfants Roms et non Roms pris dans les filets de réseaux criminels de tailles variables.
Des victimes donc, qui malgré leur jeune âge, ne sont pratiquement jamais protégées en France. Parce qu’ils sont étrangers. Parce que les pouvoirs publics préfèrent investir l’argent des contribuables dans des opérations policières spectaculaires à courte vue plutôt que dans des foyers de l’enfance adaptés et suffisamment nombreux.
Face à cette enquête minutieuse, basée sur un travail de terrain au long cours, la télévision française a offert une nouvelle fois la semaine passée le spectacle affligeant d’un grand méli-mélo populiste.
Colporter la rumeur, faire appel aux réflexes les plus bas du grand public, sont des méthodes malheureusement répandues au sein des médias et plus particulièrement dès qu’une caméra pointe le bout de son nez. http://www.depechestsiganes.fr/?p=8449
Le titre du numéro du magazine « En quête d’actualité » de D8 contient déjà le mot clef : « haine ». Et il ne s’agit pas là de lutter contre l’hostilité qui se manifeste contre les Roms et les gens du voyage mais bien d’amplifier ce phénomène au moyen d’un cocktail explosif de stupidité, d’ignorance et de clichés dévastateurs. Le tout démultiplié par l’effet loupe de la caméra.
Isabelle Ligner