A Lourdes, les Evêques de France prennent clairement position

Les « propos haineux » contre les Roms condamnés par les évêques de France.

8 novembre 2013
By la rédaction de Dépèches Tsiganes

Mgr Georges Pontier, nouveau président de la Conférence épiscopale de France, a ouvert mardi 5 novembre à Lourdes l’assemblée plénière des évêques de France, en dénonçant « l’injure faite aux plus démunis » par les puissants, et plus particulièrement « les propos haineux » contre les Roms.

« S’agissant des choses de ce monde, nous savons que la manière du Christ a été de partir des plus pauvres, des petits, des affligés », a rappelé Mgr Pontier, archevêque de Marseille, devant environ 120 évêques réunis à Lourdes jusqu’à dimanche 10 novembre. « Regarder la vie du monde à partir d’eux, de leurs besoins, de leurs cris humanise, invite à des choix qui privilégient la fraternité, la justice et la solidarité ».
Théologien s’inscrivant dans la démarche d’humilité du pape François, Mgr Pontier s’est fait connaître pour ses positions sociales et humanistes dans les quartiers pauvres de Marseille, notamment aux côtés des sans-papiers et des Roms.
Si l’Eglise n’a pas toujours été exemplaire envers les tsiganes au fil de l’Histoire, Mgr Pontier s’inscrit dans les pas des défenseurs catholiques de ces populations discriminées, stigmatisées voire persécutées depuis des siècles en France et en Europe.
Le président de la Conférence épiscopale a d’ailleurs consacré une large partie de son discours aux Roms, sans les nommer directement et en condamnant de manière virulante la manière dont ils sont traités en France, parlant notamment de « propos haineux », « des violences qu’ils subissent » et de « surenchères politiciennes ».
« Nous sommes particulièrement attentifs au sort qui est fait aux populations d’origine bulgare ou roumaine venues vivre dans notre pays », a-t-il déclaré. « Depuis deux ou trois ans nous ne voyons se dessiner aucune politique autre que celle de leur refuser un accueil réalisable et souhaité par le plus grand nombre d’entre eux ».
Prenant le contre-pied des récentes déclarations controversées du ministre de l’Intérieur Manuel Valls sur la supposée incapacité des Roms à s’intégrer en France, l’archevêque de Marseille a mis l’accent sur leur capacité à s’intégrer lorsqu’on leur en donne la possibilité.
« Des expériences ici ou là le prouvent : des enfants, quand cela est rendu possible, s’intègrent bien en milieu scolaire ; des adultes soutenus par des associations souvent admirables quand elles leur offrent leur compétence sans les instrumentaliser, apprennent notre langue ; des projets naissent ».
Mgr Pontier a cependant déploré « l’insuffisance des moyens que notre société accepte de mettre pour l’accompagnent de ceux qui se comportent de manière raisonnable et pacifique ».
« Le problème de l’habitat comme celui du travail sont cruciaux. Détruire un bidonville peut sûrement se justifier pour des raisons évidentes d’hygiène. Mais le détruire est-il plus urgent qu’abandonner, sans perspective, à une nouvelle errance ceux qui y avaient fait un refuge familial provisoire ? », a-t-il ajouté alors que les expulsions de bidonvilles sans solution de relogement se sont poursuivis sous le gouvernement socialiste en dépit des engagements de campagne de François Hollande.
« Et que dire des propos haineux à leur égard, prononcés sans aucune retenue ? Que dire des violences qu’ils subissent ? », s’est interrogé l’archevêque. « Nous ne pensons pas que notre société se grandisse par de tels propos ni par ce refus de solidarité et de fraternité, même si nous n’ignorons pas la complexité de la question, ses exigences compréhensibles et sa dimension européenne évidente à prendre en compte avec leurs pays d’origine », a-t-il martelé.
« Quand on ne veut pas se faire frère des plus démunis, on les stigmatise puis on les éloigne et enfin on les ignore. Quand on se fait proche d’eux, et nous en avons de multiples témoignages, voilà que l’amitié naît et que les peurs s’estompent », a assuré Mgr Pontier. « Nous nous réjouissons de voir de nombreux chrétiens choisir ce dernier chemin, avec bien d’autres d’ailleurs ».
« Comment ne pas redouter que le sort fait à ces femmes, ces enfants, ces grands-parents, ces hommes ne soit en fait trop influencé par des surenchères politiciennes locales ou nationales ? », a-t-il conclu alors que médias et politiques ont, dans cette période de campagne pour les municipales de mars 2014, placé les Roms dans un rôle, malheureusement traditionnel, de boucs émissaires de toutes les crises que traverse le pays.
« Voilà qu’en même temps on nous informe sur le fossé qui se creuse encore et encore entre les plus riches et les plus pauvres de notre pays. L’aveuglement est grave. C’est une injure faite aux plus démunis », a-t-il lancé. « Quand retrouverons-nous le sens minimum d’une fraternité et d’une solidarité réelles ? Quand s’arrêtera la course au toujours plus pour quelques-uns, afin que chacun ait ce qu’il faut pour vivre ? »
Isabelle Ligner


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