En Hongrie enfin une condamnation

En Hongrie, lourdes condamnations contre des auteurs de crimes anti-Roms

LE MONDE | 07.08.2013 à 14h52 | Par Anne Solesne Tavernier

La justice hongroise a reconnu coupables de « crimes racistes », mardi 6 août, quatre hommes qui avaient assassiné six Roms et grièvement blessé cinq autres en 2008 et en 2009. Zsolt Peto et les frères Arpad et Istvan Kiss ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Le quatrième accusé, Istvan Csontos, a, lui, été condamné à treize ans de prison pour complicité.

Entre juillet 2008 et août 2009, les accusés, alors âgés de 28 à 42 ans et membres d’un noyau de supporteurs de l’équipe de football de Debrecen aux penchants néonazis, ont mené contre des membres de la communauté rom neuf attaques à la grenade, au fusil et au cocktail Molotov dans le nord-est du pays. Ces meurtres avaient frappé l’opinion par leur cruauté. Un enfant de 5 ans et son père avaient été tués par balles alors qu’ils tentaient de fuir leur maison qui avait été incendiée.
Des centaines de personnes s’étaient rassemblées au tribunal, sous haute surveillance policière, pour attendre l’issue de ce procès symbolique, dans un pays où le racisme anti-Roms, à l’origine de nombreux faits divers, se nourrit depuis plusieurs années du climat politique.
Le parti d’extrême droite Jobbik, entré au Parlement avec 47 députés en 2010, avait créé trois ans auparavant une milice, la Magyar Garda (« garde hongroise »), pour « soutenir moralement et physiquement la nation hongroise » et « lutter contre la criminalité tzigane ». Accusée de racisme, la formation paramilitaire avait été interdite en 2009.
En avril 2011, à Gyöngyöspata, village situé au nord-est de Budapest, des heurts avaient opposé une centaine de Roms et des membres du groupe paramilitaire Vederö (« force de protection »). Le gouvernement nationaliste conservateur de Viktor Orban avait alors pris de timides mesures : tout « exercice illégal de la force publique » serait puni d’une amende de 380 euros au maximum ou de prison en cas de récidive.
« ANIMAUX LÂCHES, RÉPUGNANTS ET NUISIBLES » À « ÉLIMINER »
Les Roms, qui représentent de 5 % à 8% de la population hongroise (10 millions d’habitants), se heurtent à de nombreuses discriminations, que ce soit pour accéder à l’éducation aussi bien qu’au logement ou à l’emploi.
En janvier, Zslot Bayer, membre influent du parti au pouvoir Fidesz, avait comparé les Roms à des « animaux lâches, répugnants et nuisibles », appelant à les « éliminer ». Le premier ministre avait refusé de condamner les propos de « son ami » alors qu’en 2012, déjà, M. Bayer déclarait : « Dans la Hongrie d’aujourd’hui, des millions de gens sont victimes de Tziganes qui les volent, les frappent, les humilient ou les tuent. »

Dans ce contexte, le verdict rendu mardi est exemplaire. Pour l’avocat des parties civiles, « cette condamnation, la plus lourde dans le droit hongrois, est justifiée ». L’Association pour les droits civiques des Roms nuance : « Les accusés voulaient créer une guerre civile entre Hongrois et Roms hongrois. Les chefs d’inculpation auraient dû être « crime contre l’humanité, terrorisme et racisme ». » Amnesty International a salué ce verdict tout en prévenant : « Les autorités hongroises n’en font toujours pas assez pour empêcher les violences contre les Roms. » Le ministre des ressources humaines, Zoltan Balog, a déclaré que ce jugement « renforce a conviction qu’aucun auteur de crime raciste ne peut échapper à la loi en Hongrie et que les meurtriers particulièrement sauvages paieront à la hauteur de leurs actes ».
Ces condamnations interviennent en pleine commémoration du génocide de la minorité rom. Le 2 août 1944, les nazis avaient assassiné près de 3 000 Roms à Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
Anne Solesne Tavernier


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