Pourquoi les années trente ?

Pourquoi les années Trente ?

Depuis quelque temps, à travers les différents médias, des éditorialistes, des politiques ou des historiens font référence aux années trente pour nous expliquer les dérèglements actuels et parfois prévoir un avenir encore plus sombre. Crise économique, crise sociale, crise politique ou de régime, crise morale, autant de symptômes que l’on retrouve en analysant les conditions historiques qui ont conduit l’Europe des années trente aux pires excès et au nazisme. Sachons toutefois raison gardée : comparaison n’est pas raison. Il n’est cependant pas inutile de faire un retour en arrière et, sous l’oeil vigilant des historiens, analyser les conditions qui ont pu nous conduire à de telles extrémités.

Depuis quelques années, grâce aux travaux de nombreux chercheurs et historiens comme Henriette Asséo, Guenter Lewy ou encore Claire Auzias, la réalité du génocide tsigane par le régime nazi n’est plus contestée même si, comme en France, cette reconnaissance demeure en suspend. Il a fallu attendre le 24 octobre 2012 pour qu’un mémorial soit inauguré en Allemagne, à Berlin, en mémoire des 500 000 Roms/Tsiganes et Sinti ayant péri dans les camps de la mort. Cette fin tragique organisée scientifiquement par les sbires d’Hitler à partir de 1940 est l’aboutissement d’un processus de stigmatisation qui a pris racine dans les années trente à travers toute l’Europe. En Roumanie comme en Hongrie ou en Autriche, dès la fin de la première guerre mondiale, les Roms/Tsiganes sont considérés comme une population asociale et inassimilable et des mesures de mise à l’écart se multiplient. De centres de regroupement en camp de travail, ils servent de boucs émissaires pour des gouvernements autoritaires qui trouvent un large acquiescement de la part d’une opinion publique inquiète pour son avenir. Les experts allemands de l’extermination ont trouvé lors de l’invasion des pays de l’Europe de l’Est un terrain fertile à la poursuite de leur projet. 

Les pays libres de l’Europe de l’Ouest n’ont pas totalement échappé à cette idéologie de désignation du fléau Tsigane’. En France, il a fallu attendre de nombreuses années avant que l’on se souvienne des dizaines de camps de regroupement forcé qui ont conduit à la mort de milliers de Tsiganes nomades.

« La liquidation aussi brutale qu’anarchique menée par les Allemands, largement aidés par les autorités locales, a dispersé les familles et détruit le tissu d’un enracinement pluriséculaire. « Chacun à sa place dans l’ombre », disent les Tsiganes. Aujourd’hui, une Europe malthusienne regarde leurs familles, au mieux comme un archaïsme, au pire comme une menace « in Les Tsiganes une destinée européenne.. Henriette ASSEO.

Ce que nous entendons chaque jour dans les propos des responsables politiques en Europe comme en France, ce que nous constatons dans les stratégies de stigmatisation et de rejet des Roms/Tsiganes, qu’ils soient français ou étrangers, doit nous alerter sur les dérives auxquelles ont conduit au siècle dernier, de telles politiques. Si, avec d’autres, nous avons vigoureusement réagi aux derniers propos du Ministre de l’Intérieur, Manuel VALLS, qui affirme que « les Roms ont vocation à rester en Roumanie où à y retourner » c’est à la lumière d’une lecture attentive de l’histoire. En cette veille du 8 avril consacrée à la journée internationale des Roms Nous avons le devoir de rappeler sans cesse les tragédies de l’histoire pour éviter qu’elles ne se renouvellent.

Alain FOUREST
Marseille le 6 avril 2013


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