Des extrémistes, de la misère, de la beauté…et des Roms.
Il y a de cela quelques jours, lors d’un conférence de l’OSCE et au travers d’une conversation informelle maintenue avec Orhan Tahir, avocat rrom bulgare et féroce chien de garde contre les dérives totalitaires et des exactions commises en Europe à l’encontre des Roms, de nombreux Roms, activistes et intellectuels, avons évoqué la position critique de l’ intelligentsia romani et l’étroitesse de sa marge de manœuvre en tant que telle dans la défense des droits fondamentaux de ceux, qui parmi nous, sont victimes d’exactions fascistes. Toujours plus puissants, plus structurés, plus confiants et forts d’une Europe qui se radicalise, les crimes tsiganophobes restent impunis. En Hongrie, Roumanie, Bulgarie, République Tchèque, en Ukraine, en Italie, en Slovaquie, ils intimident, violentent et persécutent leurs concitoyens pour le simple fait qu’ils sont Roms. Bien évidemment, ces néonazis, cultivent le fond et la forme, le discours et l’esthétique. Ils sont facilement reconnaissables et perpétuent ainsi la mémoire des chemises noires, des bottes qui claquent, de la croix gammée.
Ce qui c’est passé à Marseille, dans la cité des Créneaux, jeudi 27 septembre, pourrait n’ avoir que très peu de relation avec la réalité de l’anti-tsiganisme et la tsiganophobie en Europe Centrale. Cependant, il s’agit bien de violences physiques et psychologiques, d’un état de droit bafoué, de la dignité humaine rabaissée. Il s’agit bien d’êtres humains, de femmes, d’hommes et d’enfants. Il s’agit bien de Roms. Il est vrai que ni les Dock Martins ni les chemises noires n’étaient protagonistes. Pas de signes fascistes, pas de discours sur la pureté de la race. Juste des gens, les habitants d’un quartier, de toutes les couleurs et confessions, d’un quartier défavorisé de Marseille, un quartier dont les habitants ont la mémoire courte et ne semblent pas se souvenir de leur enfance dans les bidonvilles des collines phocéennes.
Bien sur, dans une France où l’hégémonie des mémoires étouffe la compréhension et l’appréhension de l’histoire, un tel paradigme n’en est que plus effrayant et pourtant…quelque part tellement logique.
Marseille, ville de toutes les cultures, de tous les possibles, Capitale Européenne de la Culture en 2013 ! Marseille et ses Boumians, ses Manouches, ses Gitans, ses Roms…
Et pendant ce temps à Paris, on célèbre la Bohème, l’histoire et la beauté dans une exposition extraordinaire et unique qui réunit au Grand Palais des oeuvres de maîtres qui nous parlent, non pas de l’histoire des Roms mais de celle du regard de l’autre sur ce peuple.
C’est donc en si peu de jours un trop plein d’émotions, une overdose de réalités et de contractions, de dégoût et de rage, d’éclat et d’obscurantisme.
Aujourd’hui, au sortir du Grand Palais, j’ai honte. J’ai honte d’être Française et je suis fière d’être Romni. Aujourd’hui, j’ai honte des dirigeants de ce pays, des « élus de la République » et j’éprouve un sentiment de peine pour ceux des éventuels électeurs qui, entrainés dans la folie ont mis le feu à ce terrain. J’ai honte de vous Mme. Ghali, de vous M. Valls, de vous M. Gaudin, comme j’ai honte des Le Pen…
Mais comme dit le proverbe : les enfants du forgeron n’ont pas peur des étincelles. L’ espoir garde le pauvre en vie et la peur tue le riche.
Sarah Carmona
Ass.Prof. Université de Provence
Regards de Femmes Tsiganes