Eté 2011 à Marseille

 
 

Marseille – Été 2011

Expulsions de Roms en continu…

 
 
31 mai 2011 à midi, des familles Roms sont expulsées d’un préfabriqué abandonné qu’elles occupaient depuis un an, dans le quartier de la Pauline (11ème). Une des occupantes de ce squat n’était pas là au moment de l’expulsion. Très handicapée (elle est atteinte de poliomyélite et se déplace en fauteuil roulant), elle avait pu bénéficier avec ses deux enfants mineurs de deux mois d’hôtel (financé par le Fonds d’intervention d’urgence du Conseil Régional). Au terme de cette courte période de répit, c’est donc la rue qu’elle a retrouvée.
1° juin 2011, 8h du matin, Bd Lazer à la Capelette (11 ème), expulsion d’un terrain occupé par une soixantaine de Roms. Des représentants d’Artriballes, de Rencontres Tsiganes, de la Ligue des droits de l’homme, de Médecins du Monde et de l’ADDAP sont présents. La vingtaine de Roms, présents au moment de l’expulsion, quittent le terrain sans opposer de résistance.
Depuis cette date, on dénombre une quinzaine d’autres expulsions, avec à chaque fois destruction au tracto-pelle de ces lieux de vie. 90% de la population Rom connue à ce jour, en ont été victimes.
A la violence de l’expulsion s’ajoute, cette année, la traque policière que subissent les Roms lorsqu’ils essaient de trouver un autre lieu où se « poser ». Ils sont pourchassés. Ils subissent un véritable harcèlement policier au quotidien : interdiction leur est faite de s’abriter sous une bâche, même les jours de pluie ! L’usage de bombes lacrymogènes est fréquent. On note une multiplication des agressions et une violence désinhibée. Des témoignages de ces violences policières ont été recueillis par Grégoire Cousin, chargé de mission à l’ERRC (European Roma Rights Centre)*.
Actuellement des centaines de Roms « vivent » sur des trottoirs dans la peur et le dénuement le plus total.
 
L’expulsion la plus « médiatisée »
12 juillet, 6h du matin, huit cars de CRS stationnent devant le terrain de Chanterelle (1er ardt), occupé par une centaine de Roms. C’est la Mairie de Marseille, propriétaire du terrain, qui a requis l’expulsion. Ce terrain a été cédé il y a quelques années à la Mairie par un établissement religieux, à condition qu’elle y fasse des équipements collectifs et des espaces verts. Mais le projet qui s’annonce est tout autre : résidences privées avec jardins…privatifs. Le projet est loin d’être réalisé et il n’y avait donc aucune urgence à engager une procédure d’expulsion. Ce terrain aurait pu être « aménagé temporairement » : toilettes sèches, point d’eau et containers pour les déchets. C’est du reste ce qu’avait proposé le Maire de secteur, Patrick Menucci (PS) venu tenir une conférence de presse sur le terrain quelques jours auparavant !
L’expulsion a lieu en présence de quelques militants et médias (Med’in Marseille, FR3, LCM, La Marseillaise). Les Roms ne savent plus où aller. Certains d’entre eux viennent d’arriver, expulsés d’autres lieux (rue Pontevès, Notre Dame de la Crau etc..).
Quelques uns voudraient se rendre devant la mairie de Marseille pour protester du traitement indigne qu’on leur réserve, mais c’est finalement sur la pelouse de la porte d’Aix que ces familles viendront s’installer. La suite, les médias l’ont abondamment commentée, jusqu’à l’expulsion avenue le 11 août (la Mairie avait déposé une demande en référé auprès du tribunal administratif, le jugement accordant l’expulsion, avait été rendu le 9 août). Concernant cette procédure il faut préciser que la convocation au TA a été remise aux personnes le 8 août sans que soit jointe la requête d’expulsion. Qu’à aucun moment les Roms n’ ont bénéficié de la présence d’un interprète.
Après une journée de traque, une centaine de Roms ont « accepté » d’être accueillis à l’Unité d’Hébergement d’Urgence de la Madrague.
Quelques jours après leur arrivée, L’OFII s’est rendu sur les lieux et a proposé aux familles un retour « volontaire ». Un collectif d’associations a dénoncé, dans une lettre ouverte au Maire et au Préfet de Région, de telles pratiques qui visent à transformer un lieu d’accueil en centre de rétention. Une cinquantaine ont accepté de repartir. Ils ont été rapatriés le 25 août en Roumanie sur un charter affrété pour l’occasion, avec 26 autres ressortissants roumains provenant d’autres squats.
A ce jour et comme nous l’avions annoncé, quelques familles sont déjà revenues, prouvant une fois de plus l’inefficacité de telles mesures.
Il reste à l’UHU de la Madrague une quarantaine de Roms qui ne seront pas remis à la rue sans que des projets n’aient été élaborés avec eux, c’est ce que nous ont assuré les responsables (c’est l’Armée du salut qui, par délégation de service public, gère le centre d’hébergement).
La Mairie de Marseille communique depuis abondamment sur le traitement « humain » qu’elle réserve à ces familles …
Mais quid des centaines d’autres qui se trouvent toujours sur les trottoirs de Marseille. Leurs moyens de survie: vente à la sauvette porte d’Aix et au marché aux puces des Arnavaux, vente de métaux aux ferrailleurs leurs sont interdits. Depuis le 1° août, une vieille circulaire est de nouveau appliquée : les ferrailleurs doivent régler l’achat de métaux par chèque. Impossibilité pour beaucoup de Roms d’encaisser ces chèques.
Tous les acteurs associatifs qui, depuis des années, sont en contact avec les familles Roms, s’accordent pour dire que les conditions de (sur)vie de celles ci sont de plus en plus précaires et indignes.
Le fonds d’intervention d’urgence du Conseil Régional permet d’apporter des réponses ponctuelles mais provisoires : nuitées d’hôtel, installation de WC chimiques sur des squats, tentes, bâches etc… Et on le sait, le traitement de « l’urgence » « dans l’urgence » a un coût élevé.
D’autres procédures d’expulsion sont actuellement en cours. L’une d’elles concerne un terrain appartenant à Véolia, à la Capelette. Environ 200 personnes y vivent. Elles peuvent être expulsées à partir du 15 septembre.
 
Le jour de l’expulsion de la Porte d’Aix, Madame Servant, adjointe au Maire de Marseille, avait accepté de recevoir une délégation composée d’élus du Front de gauche et de Maître Dany Cohen (qui avait assuré la défense des Roms au tribunal administratif).
Elle s’était engagée à organiser, dans les plus brefs délais, une table ronde associant les représentants des collectivités locales et des associations qui œuvrent auprès des populations Roms. A ce jour, et malgré des lettres de relance, aucune proposition n’a été faite.
Seule note positive dans ce sombre été, l’ouverture de l’espace solidaire d’hébergement. Ce projet rentre dans le cadre des actions préconisées dans le protocole d’accord signé entre le Conseil Régional et un collectif d’associations**. Cet espace abrite depuis la fin du mois de juillet 10 familles, soit environ 50 personnes, dans des mobile home et des caravanes. C’est l’Ampil (association méditerranéenne pour l’insertion par le logement) qui gère le lieu et s’occupe de l’accompagnement social des familles. Elles pourront y séjourner 3 mois, renouvelable une fois ; le but étant, qu’au cours de cette période elles puissent trouver un logement et un emploi.
Il est certes trop tôt pour faire un bilan de ce dispositif. Mais l’on constate que de bonnes relations s’établissent avec le voisinage et que tous les enfants ont pu être scolarisés.
 
Le conseil régional a démontré, par son engagement, qu’il entend apporter des solutions afin d’améliorer les conditions de vie des populations Roms. Le conseil général semble vouloir emboîter le pas, notamment au travers ses missions de protection de l’enfance.
 
La Préfecture et la Mairie continuent à refuser toute proposition de solution.
 
 
Marseille 12 septembre 2011
Le Collectif associatif
 
 
 
* Grégoire Cousin (alerté par Rencontres Tsiganes et lui même préoccupé par les nouvelles qui lui parvenaient) est venu enquêter (du 4 au 8 août) sur la situation des Roms à Marseille. Il devrait remettre son rapport à la commission européenne.
 
** Associations signataires du protocole : Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, Ampil, Rencontres Tsiganes, Ligue des droits de l’homme, Secours catholique, Sichem, ADDAP.
 
 
 
 
PJ 1 : Lettre de ERRC adressé au Maire de Marseille et au Préfet de Région
PJ 2 : Revue de Presse
PJ 3 : Jugement du Tribunal administratif concernant l’expulsion de la Porte d’Aix
PJ 4 : Lettre ouverte d’un collectif d’associations au Maire de Marseille et au Préfet de Région
PJ 5 : Courriers d élus du Front de gauche adressés au Maire de Marseille
 
 

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