Racisme en Hongrie

 
1er mai 2011

M. Orban veut sévir contre l’extrême droite hongroise

Vienne Correspondante
Dans le nord-est, les provocations contre les Tziganes ont débouché sur des violences
 
 
 
Après des semaines de tensions, sur fond d’impuissance des autorités hongroises, le gouvernement du conservateur Viktor Orban s’est enfin donné les moyens juridiques de réprimer les groupes paramilitaires fascisants, qui entretiennent dans les zones déshéritées de la Hongrie un climat d’intimidation envers la minorité rom.
 
Un décret ministériel, adopté cette semaine, punit d’une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 forints (380 euros) – et, en cas de récidive, de prison – " l’exercice illégal de la force publique ". Cette mesure a été prise sous la pression des violences qui ont fini par éclater, mardi 26 avril, à Gyöngyöspata, un village à 80 km au nord-est de Budapest, devenu un laboratoire explosif pour les apprentis sorciers de l’extrême droite.
 
On a relevé quatre blessés, dont un grave, lorsque des affrontements ont opposé une centaine de Roms de la localité et des membres du groupe paramilitaire Vederö (Force de protection), dont le chef, Tamas Eszes, brigue la mairie de Gyöngyöspata. Ces miliciens portent des treillis semblables à ceux de l’armée hongroise, et comptent souvent dans leurs rangs d’anciens militaires ou policiers.
 
Selon Tamas Eszes, ce sont les Tziganes qui ont attaqué ses hommes à coups de barre de fer " sans motif, alors que ceux-ci se promenaient ". Les Roms affirment qu’ils ont réagi à des jets de pierres contre leurs maisons, et à l’agression d’un adolescent. Pendant le week-end de Pâques, quelque 260 femmes et enfants roms – sur une communauté de 450 personnes – avaient été éloignés du village, M. Eszes ayant claironné son intention d’entraîner ses troupes sur un terrain situé aux portes du quartier tzigane.
 
La police, qui avait surtout brillé par son absence, a dissous ce " camp d’entraînement ", et a été massivement déployée, mercredi, pour repousser les militants néonazis venus " libérer Gyöngyöspata ". On voyait notamment des membres de Betyarsereg (l’Armée betyare), qui se réclame des bandits hongrois du XIXe siècle. Entré il y a un an au Parlement (avec 16,8 % des voix), le parti d’extrême droite Jobbik n’était pas directement mêlé aux violences du 26 avril. Mais il s’est empressé de souligner que, malgré ses promesses et une majorité des deux tiers, M. Orban est incapable de garantir l’ordre. Or c’est le Jobbik, concurrencé sur le terrain des idées par la droite, qui avait déclenché l’escalade, début mars, en organisant à Gyöngyöspata, puis dans d’autres localités, des patrouilles de sa propre milice, Szebb Jövöert (" Pour un avenir plus beau ").
 
Sur son site Barikad, le Jobbik dénonce sans relâche la " terreur tzigane ". Quand la police a arrêté des patrouilles, la justice les a fait relâcher. " Ce qui se passe est très inquiétant, car le gouvernement ne contrôle plus la situation, observe Krisztof Szombati, du parti des Verts libéraux. Il faut espérer qu’il va vraiment prendre les choses en main. " M. Orban, qui préside jusqu’au 30 juin l’Union européenne (UE), s’est vu admonesté par le médiateur pour les minorités auprès du Parlement, Ernö Kallai.
 
" Créer l’hystérie "
 
" La Hongrie n’a pas un problème tzigane, elle a un problème nazi ", a lancé l’ancien premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany. Mais c’est sous son règne que le Jobbik avait créé sa Garde hongroise, en 2007, et qu’un petit groupe a planifié une série d’attentats contre des Roms (six personnes en sont mortes) – sans doute avec l’appui logistique de membres des services de sécurité.
 
Alors que les Roms hongrois se déplaçaient très peu au sein de l’UE, certains de leurs représentants ont évoqué un exode " en masse " vers d’autres pays, y compris les Etats-Unis, en quête d’un asile plus sûr. D’autres, parmi les plus jeunes, veulent se doter de leurs propres structures d’autodéfense. Chère à l’extrême droite, la rhétorique de la " guerre civile " peut avoir des effets délétères sur un pays appauvri, et nostalgique d’un passé mythifié par les conservateurs au pouvoir.
 
Les services de sécurité, quant à eux, évoquent un complot international. Selon l’agence hongroise MTI, ils ont ouvert une enquête pour " déterminer si des services secrets hostiles – à la Hongrie – , ou certains milieux d’affaires, ont joué un rôle dans une campagne médiatique diffamatoire ". Selon cette thèse, des " puissances étrangères " auraient voulu présenter le départ en bus des femmes et des enfants de Gyöngyöspata comme une " évacuation ", afin de " créer l’hystérie " dans le village.
 
Joëlle Stolz
 
 
 

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