Une victoire du droit et de la raison

 Cette décision nous a tous réjouis car elle est une étape importante dans un combat mené depuis plus d’un an pour  que l’égalité des   droits entre tous les citoyens soit respectée.
 
On trouveras ci dessous le résumé d’une situation de discrimination manifeste.  La décision de la Cour d’appel  nous permet d’interpeller les pouvoirs publics pour que ces familles trouvent enfin des conditions d’habitat  dignes.
 

Terrain Eynaud – Mazargues

Avenue de Lattre de Tassigny
13009 Marseille
 
 

I Les faits

 
Le 14 février 2010, nous avons été alerté par des personnes résidant sur un terrain situé avenue de Lattre de Tassigny 13009, appartenant à la ville de Marseille et géré par la société ADOMA (ex Sonacotra). Ces personnes venaient de recevoir par voie d’huissier une convocation au Tribunal d’Instance pour le 25 mars 2010 à 14h. S’appuyant en particulier sur le non-respect de règles de sécurité d’après une note de la direction générale des services incendie de la ville de Marseille en date du 20 novembre 2006, le requérant demande au juge des référés d’ordonner l’expulsion immédiate des personnes. Nous avons conseillé à ces familles le choix d’un avocat et nous avons, avec elles, constitué des dossiers leur permettant de faire valoir leurs droits. A la suite de nombreux reports à la demande d’ADOMA, un juge s’est finalement prononcé le 25 novembre 2010, ordonnant l’expulsion immédiate et la destruction de toutes les installations sous astreinte de 30€ par jour de retard.
 
Devant une telle décision contraire à toute la législation et la réglementation concernant cette population dite à tort « gens du voyage », la cour d’appel d’Aix-en-Provence a été saisie et une décision est attendue le 7 avril prochain. En application de l’ordonnance du 25 novembre 2010, la procédure d‘expulsion a été engagée à la demande de la Société ADOMA qui a sollicité le recours de la force publique de la part de la préfecture des Bouches-du-Rhône afin de faire évacuer les familles. Elles sont convoquées par la police dans les premiers jours de mai.
 

II L’histoire

 
Une telle procédure a soulevé une très grande émotion parmi l’ensemble des occupants de ces terrains dont certains sont présents sur le site depuis 1960 : « des familles d’origine catalane sédentarisées depuis plus de 20 ans sur l’agglomération marseillaise se sont fixées sur le camping d’Eynaud suite à différents événements et la fermeture de deux campings municipaux où elles stationnaient » (extrait du Schéma départemental des gens du voyage. Arrêté le 27 septembre 1995 par le Préfet des Bouches-du-Rhône. Voir annexe 1)
 
Précisons que, à l’origine, ce terrain proviendrait d’une donation à la Ville de Marseille avec comme condition d’y accueillir des gens du Voyage (une telle information n’a pu être vérifiée en particulier sur sa durée, cette donation remontant à près de cent ans). La ville de Marseille a alors confié en 1988 la gestion de ce site à l’Association l’AREAT. Celle-ci s’est vue retirer cette gestion en 2006 pour des raisons précises qu’ils convient de recueillir auprès de la ville de Marseille. La gestion de ce site a alors été confiée à la société SONACOTRA, aujourd’hui ADOMA. Cette société a, dés sa prise de fonction, émis de nombreuses réserves sur les conditions matérielles d’installation et en particulier sur la sur- occupation engendrant des risques réels.
 
Divers projets d’aménagement ont été proposés et en particulier l’agrandissement du site afin de permettre des emplacements pour les enfants nés et ayant grandis sur ce terrain. Malgré de nombreuses réunions, notamment à l’initiative de la préfecture des Bouches-du-Rhône, aucune solution n’a, à ce jour, été réellement mise en œuvre afin d’assurer à ces familles des conditions de vie correctes en évitant les risques liés au surpeuplement. A ce titre, plusieurs actions de MOUS (Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) ont été initiées et financées par l’État.
 
En 2002, dans la perspective de la mise en application de la loi du 5 juillet 2000 dite loi BESSON, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, un schéma départemental rédigé par l’AREAT prévoyait la réalisation de deux aires d’accueil dans la ville de Marseille. Dans un premier temps, la mairie de Marseille a prétendu être en règle grâce à l’aire de St Menet et au terrain d’Eynaud. Après avis négatif de la commission départementale, le préfet faisait connaître au Maire de Marseille que l’aire d’Eynaud ne pouvait répondre aux critères de terrain d’accueil définis par la loi, ce terrain étant exclusivement occupé par des familles sédentarisées. Par courrier en date du 11 février 2003, Le Maire de Marseille reconnaissait : « L’aire d’Eynaud créée en 1993 accueille 35 caravanes soit une population tsigane de 119 personnes …. Concernant l’aire d’Eynaud, j’ai bien noté qu’abritant à présent une population tsigane majoritairement sédentarisée, elle ne peut être considérée comme une aire d’accueil »
 
Pour répondre aux exigences de la loi définies par le schéma départemental, la ville de Marseille doit donc disposer sur son territoire de deux aires d’accueil. A ce jour, seule l’aire de St MENET remise en état est ouverte. (On rappellera pour mémoire que ce terrain a fait l’objet de nombreuses discussions avant que le préfet autorise et finance sa réhabilitation. Situé entre l’autoroute et la voie ferrée, il est dans un site classé SEVESO et d’une accessibilité très précaire). Comme la plupart des autres communes des Bouches-du-Rhône, la ville de Marseille se trouve donc dans l’illégalité.
 
Il ressort de ce premier constat que le « terrain d’Eynaud » ne peut donc être considéré comme une aire de passage et relever des règles de fonctionnement applicable à ce type d’équipement collectif. C’est d’ailleurs ce que reconnaît explicitement le rédacteur du rapport concernant la révision du schéma départemental des Bouches-du-Rhône présenté en septembre 2009 au Conseil Général des Bouches-du-Rhône et au Préfet et qui est le préalable à la révision du schéma d’accueil des gens du voyage.
 
Mazargues à Marseille : implanté sur le quartier du même nom à Marseille, c’est sûrement le site le plus ambigu d’habitat résidentiel tsigane du département. Géré par ADOMA, c’est un site d’auto-construction mis à disposition par la ville pour des familles locales le « temps d’un chantier ». Dans la réalité, les familles sont restées sur ce site à partir duquel elles ont construit une vie sociale bien insérée dans ce quartier.
De recherche de confort en décohabitations sur site, les familles ont petit à petit construit des abris, parfois de bonne qualité, raccordés à l’eau et l’électricité avec des abonnements individuels. Tout cela sans droit ni titre pour le faire et sans disposer des raccordements sanitaires. Ces aménagements sont pour cela dépendant de l’ancienne maison du gardien dans laquelle se trouvent 3 WC et 3 douches pour environ 170 personnes !
Ces aménagements ont permis une forme de banalisation apparente de la vie sur ce secteur mais dans des conditions de sécurité elles aussi très aléatoires puisque les constructions ont absorbé près d’un tiers de la voirie déjà étroite. En conséquence les accès pompiers en fond de voies sont impossibles.
Toutes les familles présentes travaillent, essentiellement en tant que commerçants forains sédentaires sur les marchés de la Plaine et du Prado, de ce même côté de la ville. Toutes d’origine gitane, avec quelques mariages mixtes gitans-gadjé ou gitans-manouches, elles ont des liens familiaux avec Perpignan ou elles se rendent une ou deux fois par an. (Extrait page 19 du rapport sur la révision du schéma départemental d’accueil des gens du voyage juillet 2009 des Bouches-du-Rhône.
 

III Le constat

 
L’expulsion de ces familles soulève de nombreuses questions juridiques et sociales qui méritent pour le moins des éclaircissements :
 
 
Le statut du terrain Eynaud :
 
Il ne s’agit ni d’un terrain d’accueil de gens du voyage, ni d’un camping au sens strict réservé à des touristes de passage, ni d’un lotissement. Il s’agirait plutôt d’espaces destinés à l’habitation. On pourrait désigner ce lieu comme un « hôtel meublé de plein air ». Nous ne disposons pas des contrats dits d’occupation qui d’après les assignations « ne seraient pas des contrats habituels de location et ni des contrats de résidence. » (termes du référé)
 
De quoi s’agit-il alors ?
 
On peut se référer à une circulaire ministérielle du Ministère de l’équipement et du logement (N°2003-76-UHC/IUH1/26) du 17 décembre 2003 relative aux terrains familiaux permettant l’installation des caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. Plusieurs circulaires ministérielles en 2006 , 2008 et 2010 ont rappelé aux préfets la nécessité de prendre en compte la sédentarisation dans la révision des schémas départementaux. Le nouveau schéma proposé pour les Bouches-du-Rhône ne prend pas en compte ce besoin manifeste.
 
On constate également sur place, qu’à l’origine, le terrain concerné était plus vaste et qu’il a été amputé d 4000 m2 environ pour y réaliser un terrain de boule apparemment très peu fréquenté. Si l’on ajoute que le terrain limitrophe est occupé par une maison ancienne et en mauvais état apparent, on peut sans difficulté concevoir l’importance de la valeur vénale d’une telle situation dans un quartier très recherché de Marseille. Il conviendra de vérifier le statut actuel et futur de ces terrains au vue du POS ou du PLU en cours d’étude
 
Le statut des résidents et leurs droits de citoyens
 
Les locataires sont des citoyens français résidents à Marseille et la plupart d’entre eux ont une carte d’électeur à Marseille. Ils sont très majoritairement commerçants forains et ils sont présents sur tous les marchés de la région mais en priorité à Mazargues et sur le Prado.
 
Il convient aussi de vérifier si les 2 gestionnaires successifs ont bien souscrit à leurs devoirs de représentants du propriétaire et effectué les travaux nécessaires pour une bonne habitabilité et pour laquelle ils ont perçu des loyers. On notera que, en 2002, la délibération du conseil municipal de Marseille qui confiait à la société ADOMA la gestion du terrain précisait : « En ce qui concerne l’aire d’Eynaud, l’État et la ville de Marseille ont décidé de conclure un protocole de requalification de cette aire »
 
La Société ADOMA met en avant pour justifier la procédure engagée le fait que certains résidents ont, avec l’autorisation du précédent bailleur, installé des mobiles-homes ou des chalets de jardin. Précisons que ces locataires contrairement à tous citoyens ne peuvent bénéficier de l’allocation logement car leur caravane n’est pas reconnue comme un logement. Cette appréciation est sujette à caution car certaines CAF reconnaissent cependant ce droit. On rappelle que la reconnaissance de la caravane comme un logement est une des revendications majeures des associations de voyageurs. Une déclaration de la HALDE publiée au Journal Officiel condamne cette discrimination manifeste (JORF n°0241 du 17 octobre 2009). De même le budget pour 2011 prévoit l’instauration « d’une taxe d’habitation sur les caravanes » justifiée au titre de l’égalité des citoyens devant les impôts.
 
On considère donc que les résidents du terrain d‘Eynaud doivent pouvoir bénéficier de l’ensemble de la réglementation concernant le droit au logement APL, FSL, droit de recours etc…y compris le droit au logement opposable.
 
Les modalités mises en œuvre par ADOMA en vue de l’expulsion de ces familles sont donc inacceptables.

 

IV Propositions.

 
1° Il convient sans délai que la mairie de Marseille propriétaire du terrain assume directement ses responsabilités de gestionnaire et prenne les mesures assurant la sécurité des personnes vivant sur ce terrain. Il n’y a pour cela aucune nécessité à faire évacuer par la force ces familles.
 
2° A l’évidence les risques d’insécurité avancés sont liés à une sur occupation en raison du trop grand nombre de familles. Cette situation est reconnue par la ville de Marseille depuis 1995 et confirmée récemment par un adjoint au maire : « c’est vrai, on est un peu coupable , on a laissé aller les choses trop longtemps »
 
3° Comme le propose cet adjoint et comme nous le réclamons depuis de nombreux mois (voir copie de la lettre au préfet laissée sans réponse) il faut mettre tout le monde autour de la table et discuter. Nous pouvons assurer que les familles sont prêtes à faire des propositions raisonnables, pourvu qu’on les prenne pour des citoyens à part entière.
 
Pour notre part nous sommes disposés à apporter notre concours à cette recherche de solutions satisfaisantes pour tous.
 
 
 
RENCONTRES TSIGANES
Marseille le 2 avril 2011
 
 
 

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