Les mots pour le dire

LES MOTS POUR LE DIRE

 
Cette année 2010 aura été marquée par une nouvelle et dramatique étape dans la stigmatisation d’une communauté de citoyens jugés dangereux et les plus souvent inaptes à bénéficier des mêmes droits que l’ensemble de la population. Pour qualifier une telle attitude, certains parlent de discrimination, de rejet, d’ethnicisation ou encore de xénophobie, comme si le seul terme approprié, le racisme, faisait honte ou peur. Et pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit quand, depuis des mois, les plus hautes autorités de l’Etat n’ont de cesse de dénoncer la « malfaisance » d’une partie de nos concitoyens et de leurs lointains cousins venus de l’Est, les Rroms. Comme chacun sait, Rroms, Tsiganes, Gitans, Manouches ou gens du voyage sont, incapables de respecter nos lois et de renoncer à leurs coutumes d’un autre âge. Ils sont inassimilables. C’est du moins ce que l’on retient des discours et des propos largement diffusés depuis l’été accompagnés de mesures réglementaires et policières qui légitiment et renforcent les préjugés les plus éculés.
 
En cette fin d’année, la majorité des parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée, ont complété à leur manière les dispositifs répressifs du pouvoir exécutif en condamnant à la destruction toute forme d’habitat léger ou précaire et en imposant une nouvelle taxe aux propriétaires de caravanes. Avec une stupéfiante hypocrisie, ces élus du peuple affirment que ces mesures ne concerneront que « les campements illicites » de Rroms.
 
Voilà déjà plusieurs années, qu’avec d’autres, non dénonçons cette politique contraire aux principes fondamentaux de la République. Devant la gravité des propos tenus durant l’été, nous avons mis en cause un racisme d’Etat et évoqué la persécution des tsiganes par les nazis. Certains ont pu trouver ces comparaisons déplacées sinon outrancières. Et pourtant le remarquable travail de mémoire engagé par les associations à l’initiative de la FNASAT a permis à beaucoup d’entre nous, tout au long de l’année, de découvrir ou redécouvrir une période sombre de notre histoire commune. Comme le rappelle Claire AUZIAS dans son ouvrage sur le génocide des tsiganes, dès les années trente, l’ensemble des nations européennes ont engagé une politique d’élimination des tsiganes qui a trouvé son paroxysme par la déportation et la mort de 500 000 d’entre eux dans les camps nazis. En France, le gouvernement de Vichy a pris sa part à cette élimination comme l’ont montré les travaux des historiens et les multiples témoignages recueillis sur les camps d’internement à travers la France. Tony Gatlif dans son dernier film LIBERTE retrace à sa manière et avec émotion, cet aspect trop occulté de notre histoire récente.
 
Alors n’ayons pas peur des mots : même si à ce jour, la phase ultime de cette politique n’est pas à l’ordre du jour, les prémices sont cependant présentes dans les discours et les comportements publics comme ils l’étaient dans les années trente en Allemagne mais aussi en Autriche-Hongrie en Pologne en Roumanie ou encore en Serbie. Il s’agissait alors de rassembler dans des camps des individus considérés comme asociaux et susceptibles de créer des nuisances et des troubles dans la population. Pour en savoir plus, on lira avec intérêt l’ouvrage de Guenter LEWY sur « la persécution de tsiganes par les nazis ». Cet indispensable travail de mémoire qu’il faut poursuivre avec lucidité doit nous permettre de mieux analyser les évènements récents en France mais aussi dans l’ensemble des pays européens et en particulier de la Hongrie qui prend la présidence de l’Union Européenne. Pour notre part, nous poursuivrons sans relâche durant l’année qui vient, la dénonciation publique de toutes formes de stigmatisation et de dérives à connotation raciste qui mettrait en cause les droits des citoyens français ou étrangers.
 
Marseille le 29/12/2010
Alain FOUREST
 
 

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