GENS DU VOYAGE ET ROMS :
LA DANGEROSITE D’UNE POSTURE ETHNIQUE ET REPRESSIVE
Les événements dramatiques récents survenus à St-Aignan (Loir-et-Cher), où un jeune homme est décédé au cours d’une opération de gendarmerie, donnent lieu aujourd’hui à une odieuse stigmatisation de l’ensemble des gens du voyage et des Roms de la part du Président de la République qui les érige en boucs-émissaires des difficultés rencontrées en matière de sécurité par le gouvernement.
En annonçant la tenue d’une réunion d’opportunité le 28 juillet, le chef de l’Etat entretient une confusion entre gens du voyage et Roms, renforçant l’inutile et dangereuse ethnicisation du débat, qui nous entraîne bien loin de l’idéal républicain.
Concernant les gens du voyage, la logique d’expulsion ne saurait être mise en avant sans faire écho aux carences des dispositifs d’accueil imposés par la loi. Le rôle de substitution des préfets pour pallier l’inertie des communes ou établissement publics de coopération intercommunale n’est que très rarement mobilisé. C’est de la responsabilité de l’Etat.
Rappelons que les gens du voyage sont citoyens français et toujours soumis à une législation d’exception, jugée discriminatoire pas la Halde, qui en fait une population contrôlée comme aucune autre.
La situation des Gens du voyage appelle des réponses publiques concertées et volontaristes, plutôt que des annonces dont on discerne mal qui elles concernent et les effets positifs qu’elles pourraient produire, au vu des pratiques déjà en cours. Les Roms roumains et bulgares sont citoyens de l’Union européenne et jouissent naturellement d’une parfaite liberté de circulation, dans un régime transitoire discutable.
On imagine par contre aisément que législation d’exception, stigmatisation et amalgame font le jeu de tensions et de rejets dont personne n’a ni envie ni besoin.
Pourtant, partout en France, la démarche de concertation de gens du voyage et le courage politique de municipalités donnent à voir l’évidente possibilité du « vivre ensemble ».
Dimanche dernier, un hommage appuyé d’Hubert Falco aux Tsiganes internés en France entre 1939 et 1946, a affirmé la place des gens du voyage dans l’histoire française. Cette reconnaissance a été vécue comme une avancée significative vers la reconnaissance d’une pleine citoyenneté. Espoir vite déçu par une communication du chef de l’Etat qui rappellera sans aucun doute aux historiens de nombreuses manifestations de politiques d’exclusion et d’oppression.
L’ANGVC, l’ASNIT et Action Grand Passage, l’UFAT et la FNASAT – Gens du voyage dénoncent avec fermeté une approche ethnicisante et stigmatisante dont elles redoutent les conséquences à la fois sur les familles et sur l’évolution des politiques publiques qui seront mises en œuvre.
Contacts :
Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques (ANGVC) : Alice Januel, 06.20.67.62.90.
Union Française des associations Tsiganes (UFAT) : Fernand Delage, 06.31.45.24.92.
Association Sociale Nationale Internationale Tsiganes (ASNIT) : Désiré Vermeersch, 06.07.74.60.21.
FNASAT – Gens du voyage, Laurent El Ghozi, 06.14.87.27.33 / 01.40.35.00.04.
COMMUNIQUE ROMEUROPE FNASAT
Roms : N’inversons pas les responsabilités !
Le Collectif Romeurope exprime ses plus vives inquiétudes suite aux déclarations du Président de la République après les événements dramatiques intervenus à Saint Aignan (Loir-et-Cher) et dénonce l’amalgame fait entre les Gens du voyage et les Roms et la stigmatisation de ces deux populations.
Alors que le Gens du voyage sont des français qui ont la particularité de vivre en caravane et d’être itinérants toute ou partie de l’année, les quelques 15 000 Roms présents en France sont essentiellement venus de Roumanie et de Bulgarie, citoyens européens bénéficiant de la liberté de circulation en France.
Mais le Gouvernement français a imposé, au moment de l’entrée en 2007 de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l’Union européenne, des mesures transitoires qui excluent en pratique les ressortissants de ces deux pays du marché de l’emploi et des prestations sociales. Ne pouvant travailler légalement ni avoir des ressources régulières, ils sont contraints de vivre dans de véritables bidonvilles ou abris précaires.
Depuis le début de l’été, les expulsions de familles Roms de leurs lieux de vie se multiplient partout en France, dernièrement à Saint Denis ou encore à Dunkerque, avec pour seules alternatives une nouvelle errance ou une aide au retour au pays d’origine. Ces éloignements « volontaires » aident à gonfler les statistiques du Ministère de l’Immigration artificiellement car nombre de ces « expulsés » peuvent – fort heureusement- revenir en France dans les semaines qui suivent. Ces familles sont ainsi, en fait, seulement déplacées d’une commune à une autre, dans une précarité croissante.
Abroger ces mesures transitoires pour ces citoyens européens et leur permettre un libre accès à l’emploi, mobiliser les dispositifs existants de droit commun pour les accompagner dans leurs projets de vie, et mettre en œuvre le droit à un habitat digne pour tous par la construction massive de logements accessibles pour répondre à la crise du logement, seraient une meilleure réponse que d’en faire les boucs émissaires d’une politique sécuritaire inefficace.
Qu’il s’agisse des Gens du voyage ou des Roms, il est urgent que le gouvernement cesse de confondre des situations et des actes avec les origines des personnes concernées.
Communiqué LDH
Paris, le 21 juillet 2010
Roms/Gens du voyage : boucs émissaires des carences de l’Etat
Suite aux violences intervenues à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), et au lieu de réaffirmer la nécessaire primauté de la justice pour instruire ce dramatique fait divers et les inexcusables dégradations qui s’en sont suivies, le président de la République a choisi la stigmatisation raciste des populations Roms et Gens du voyage par des amalgames inacceptables, en annonçant l’expulsion, ciblée ethniquement, de tous les campements en situation irrégulière. De telles annonces, si elles étaient suivies d’effet, ne feraient qu’envenimer les choses en renforçant des préjugés séculaires.
Plus de dix ans après l’adoption d’une loi imposant aux communes la réalisation d’aires d’accueil et de stationnement pour les Gens du voyage, à peine la moitié des places prévues sur toute la France sont aujourd’hui ouvertes. Les personnes vivant en caravane sont contraintes de s’installer là où elles le peuvent, faute de possibilités régulières. Les premiers responsables de cette situation tendue sont ceux des maires qui ne respectent pas leurs obligations légales, sans que les préfets ne les y contraignent, comme la loi le prévoit. L’injustice serait patente de sanctionner aveuglement les victimes de ces carences de l’Etat et des collectivités territoriales, sans offrir de perspectives d’accueil.
A la différence de tous les autres français, une loi discriminatoire de 1969 impose toujours aux personnes vivant en caravane un contrôle policier régulier, avec l’obligation de carnets de circulation à faire viser tous les trois mois au commissariat ou en gendarmerie. Ainsi sous surveillance constante, avec une liberté de circulation en France sous contrainte, incapables de s’arrêter là où ils le souhaitent, exclus en pratique du droit de vote du fait d’un délai dérogatoire de trois ans pour s’inscrire, ces « Gens du voyage » peuvent légitimement être défiants envers des pouvoirs publics qui les traitent en citoyens de seconde classe.
L’amalgame avec les Roms présents en France qui sont essentiellement venus de Roumanie et de Bulgarie, confirme l’ethnicisation de l’action publique du gouvernement. Ces ressortissants européens, libres de circuler au sein de tous les pays de l’Union, sont frappés, du fait de la décision du gouvernement français, de mesures transitoires qui les excluent en pratique du marché de l’emploi. Faute de pouvoir travailler légalement et d’avoir des ressources régulières, ils ne peuvent louer un appartement. Des bidonvilles sont ainsi réapparus aux périphéries des grandes villes, témoignant du manque criant de logements en France particulièrement ceux accessibles aux plus faibles revenus. Expulser ces personnes des terrains qu’elles occupent sans solution alternative ne fait que déplacer le problème et accroître la précarité. Là encore, les Roms ne sauraient être les victimes de l’incurie de l’Etat, qui refuse d’imposer aux communes leur obligation légale de réaliser 20 % de logements sociaux et les hébergements d’urgence nécessaires sur leur territoire.
Les rapports officiels se succèdent pour dénoncer la situation des Roms et des Gens du voyage en France (CNCDH 2008, Halde 2009, Ecri /Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe 2010…). Plutôt que d’en faire des boucs émissaires et d’exacerber les passions, le gouvernement se devrait de suivre enfin les recommandations qui lui sont faites pour affirmer l’égalité des droits.