Pas d’avenir pour les Roms en France ?

Intervention de Patrick BRAOUZEC Député
 
 
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour exposer sa question, n° 1024, relative aux discriminations à l’encontre de la population Rom.
 
M. Patrick Braouezec. Madame la secrétaire d’État, à l’issue du sommet de Cordoue, nous sommes tous, je crois, extrêmement déçus par les non-décisions prises à l’endroit de la population rom. En effet, les conclusions du sommet ne sont pas à la hauteur des espoirs des élus et des associations qui viennent quotidiennement en aide aux Roms présents sur leur territoire.
 
Il devient urgent de reprendre en main leur avenir au niveau national, en levant les mesures transitoires qui empêchent les Roumains et les Bulgares d’accéder au marché de l’emploi, mais aussi en faisant en sorte que l’État prenne ses responsabilités et coordonne l’effort de solidarité qui s’impose à l’échelon national et régional. Tel était le sens de la question que j’ai posée au Gouvernement le 21 juillet dernier, et dans laquelle je formulais la proposition d’une table ronde interministérielle réunissant les élus franciliens, proposition qui a été retenue.
 
Pourtant, et bien que la mobilisation des élus, de gauche comme de droite, soit pressante et constante, tout cela est resté lettre morte, car leur action locale reste vaine sans une coordination constructive et pérenne de l’État. La solution du problème suppose une prise en charge régionale respectueuse du principe de solidarité – il n’aura échappé à personne que ces installations sauvages concernent principalement les territoires les plus populaires. Ainsi, la moitié des Roms présents en France résident en Île-de-France, dont 2 500 en Seine-Saint-Denis et près de 2 000 dans la communauté d’agglomération que je préside.
 
Pourtant, le droit, qu’il soit français ou européen, ne manque pas de résolutions et de recommandations permettant de faire respecter les droits fondamentaux des populations roms. Je ne dresserai pas la liste des délibérations et recommandations qui devraient être prises en considération et appliqués au niveau national.
 
Confrontés à un insupportable entre-deux – puisqu’ils ne sont considérés ni comme des citoyens communautaires, ni comme des migrants extracommunautaires –, les Roms sont exclus des dispositifs nationaux de politique sociale et d’accès à l’emploi : toutes les voies d’insertion leur sont fermées. À cela s’ajoutent les lourdeurs qui entravent la délivrance des autorisations de travail ou des titres de séjour et la taxe exorbitante à laquelle sont assujettis les employeurs de ressortissants roumains ou bulgares.
 
Les élus locaux auront beau mener des politiques d’insertion et de scolarisation, assurer le suivi médical et installer des aménagements d’urgence dans les camps de fortune où vivent ces populations, ils se heurteront toujours à l’impossibilité d’aller plus loin et de travailler à long terme.
 
La très grande majorité des organisations syndicales et associatives insiste sur le risque minime que l’on prendrait en décidant de laisser 2 000 à 3 000 personnes entrer sur le marché du travail régulier. Dans l’intervalle, l’ouverture des frontières sans droit au travail a pour effet pervers de stimuler l’économie souterraine, le travail au noir et d’aggraver la précarité.
 
D’autres expériences européennes montrent que la levée des mesures transitoires a l’effet inverse. Ainsi, lorsque notre voisin espagnol, qui accueille près de la moitié des Roms en Europe, soit 700 000 personnes, les a levées l’année dernière, il n’a déploré aucun appel d’air.
 
Plus près de nous, dans mon département de Seine-Saint-Denis, des expériences de prise en charge administrative adaptée à leur situation juridique débouchent sur des possibilités de logement et d’emploi, grâce à des villages d’insertion qui, sans être la panacée, contribuent au processus positif d’intégration.
 
Alors que les élus locaux de tous bords – des élus de droite m’ont ainsi apporté leur soutien – tirent la sonnette d’alarme face à cette situation qui n’est pas de leur ressort et face à l’absence cruelle de moyens, alors que des préconisations juridiques nationales et européennes prônent une attitude conciliatrice, le Gouvernement semble faire la sourde oreille et ignorer ses missions régaliennes.
 
Ma question est donc double : compte tenu du contexte européen, qu’attend le Gouvernement pour lever les mesures transitoires ? En outre, quand comptez-vous organiser cette fameuse table ronde régionale afin que les élus locaux travaillent, avec le soutien de l’État, à une solution pérenne et respectueuse des droits des Roms ?
 
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.
 
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique. Monsieur Braouezec, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé des affaires européennes, qui accompagne ce matin le Président de la République en Moselle et m’a demandé de bien vouloir vous apporter les éléments de réponse suivants.
 
La situation des populations européennes d’origine rom a pris une dimension nouvelle pour la France et pour l’Union européenne depuis l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union, en 2007. Le nombre de Roms en Europe est estimé à 11 millions de personnes.
 
Cette situation exige une concertation spécifique entre États européens. Celle-ci a été engagée par le Conseil en décembre 2007, et c’est sous la présidence française de l’Union européenne, en septembre 2008, que s’est tenu le premier sommet européen sur les Roms.
 
Le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes s’est rendu en avril dernier à Cordoue pour y représenter la France au deuxième sommet européen sur les Roms, que vous avez évoqué. Pierre Lellouche a présenté à cette occasion une déclaration commune franco-roumaine visant à améliorer l’intégration des Roms, en priorité dans leur pays d’origine. En outre, la France soutiendra la prochaine présidence hongroise, qui a inscrit l’intégration des Roms européens au nombre de ses priorités.
 
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le député, les principes qui fondent notre politique en la matière : La non-discrimination des Roms, citoyens de l’Union européenne à part entière ; l’aide à l’intégration des Roms, en priorité dans leur pays d’origine ; le respect des conditions d’accueil et de séjour sur notre territoire, conformément à la directive du 29 avril 2004 relative au « droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres », directive qui prévoit que ce droit au séjour est, au-delà de trois mois, conditionné au fait de disposer de ressources suffisantes pour ne pas représenter une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ; enfin, la coopération avec les pays d’origine et particulièrement avec la Roumanie, comme s’y est engagé le Premier ministre roumain, lors de l’entretien qu’il a accordé à Pierre Lellouche le 11 février dernier à Bucarest, face aux situations de délinquance organisée et de trafic d’êtres humains.
 
Les mesures transitoires que vous évoquez, monsieur le député, ne peuvent être considérées comme constituant un traitement discriminatoire, puisqu’elles ne font que découler des traités d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Le Gouvernement n’entend pas, à ce stade, renoncer à la faculté ouverte par les traités de mettre en œuvre ces mesures transitoires légalement établies, tout comme neuf autres États membres de l’Union européenne. Mais, à la différence de plusieurs d’entre eux, la France a ouvert l’accès à 150 métiers, représentant 40 % du marché du travail, aux ressortissants roumains et bulgares. Ceux-ci ne sont donc nullement exclus du marché du travail, ni condamnés à la mendicité ou à la précarité. S’agissant des autres métiers, c’est la procédure d’autorisation du travail de droit commun qui s’applique. Par conséquent, à travers ces deux procédures, les ressortissants roumains ou bulgares ont accès à tous les métiers. J’ajoute, pour finir, que les dispositions transitoires concernant les ressortissants roumains et bulgares cesseront de s’appliquer dans tous les pays de l’Union européenne au plus tard le 31 décembre 2013.
 
Soyez assuré, monsieur le député, que le Gouvernement continuera d’avoir, sur ce sujet, une attitude volontariste visant à promouvoir l’intégration des populations roms en Europe, mais aussi à réprimer les réseaux de criminalité organisée qui conduisent de nombreuses populations roms d’Europe à plus de précarité et plus d’inhumanité.
 
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
 
M. Patrick Braouezec. Vous avez effectivement fait état de la diversité de positions des États européens, dont neuf ont la même rigueur face à un certain nombre de mesures. D’autres ont fait le choix de ne pas attendre fin 2013 pour lever ces mesures. Nous pourrions parfaitement suivre leur exemple et ne pas attendre cette date pour agir de même.
 
Vous n’avez pas répondu à ma deuxième question qui est fondamentale et qu’un grand nombre d’élus de la région Ile-de-France se posent également. Une table ronde doit ainsi être organisée sur l’habitat des Roms aujourd’hui, ce qui est déterminant. M. Calméjane, par exemple, député de Seine-Saint-Denis, a approuvé notre démarche.
 
 
 
 
 
 
 
 

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