{{ {{{Guitares manouches et feu de camp à Monaco}}} }}
Monte-Carlo Envoyé spécial
JAZZ
Le Festival de jazz de Monte-Carlo est une drôle de machine. Déjà le lieu : l’Opéra Garnier, ses ors, ses pourpres, ses fantômes. Le budget : confortable. La programmation : téméraire. Et ses révélations. C{{omme cette carte blanche, le mercredi 25 novembre, au guitariste manouche Angelo Debarre, entouré de onze comparses, autour d’un feu de camp. Avec en fond de scène trois sublimes » verdines » – les roulottes des Roms – aux couleurs chaudes, fenêtres éclairées à tomber de vérité (c’est du carton-pâte).}}
En haut, normal, la lune. Pas de chichis-pompons, place à la musique. Car, tenir près de trois heures de musique fantastique ou inégale, ceci, cela, sans une goutte d’ennui, avec tant de grâce, par les temps qui courent, cela tient de l’exploit moral. Et de l’espoir.
{{En face, un public sagement endiablé, qui a au moins l’avantage d’être – on suppose – partiellement composé de viveurs et de joueurs.}} Sinon, à quoi bon venir à Monte-Carlo ? Galurin à bords ras et moustache en trait de crayon, Angelo Debarre aligne ses mélodies comme il distribue ses invités. La musique de Django – universel idiolecte – est tout un poème. Personne, avant Django Reinhardt, n’en avait eu l’idée. Personne n’a jamais su la reproduire. Donc, on la joue partout.
Angelo, né en 1962, auteur d’un album phare, Caprice, a fait partie, on ne rit pas, du » Hot Club de Norvège « . La musique à Django, ni style ni langue, crée des communautés, des fêtes. Sa force tient dans ce qu’elle montre : les moustaches, les chemises, les pompes vernies, et sept avant-bras droits, » au début du final « , joyeusement attelés à battre, dans un délire parallèle, la » pompe « , cette frappe si facile à jouer mal à quoi on reconnaît un manouche (avec guitare). Pas besoin d’être ostéopathe pour voir alors les plus souples, les mieux armés, les plus rigides, les voyous, les moqueurs, ceux qui swinguent comme un sac de pommes de terre, ceux qui feraient swinguer un champ de patates, ceux enfin à qui suffit le poignet (et le sourire) : Angelo, Stochelo Rosenberg et Dorado Schmitt.
Du côté électrique, les monstres de demain : Rocky Gresset et David Reinhardt. Et parmi les invités, Didier Lockwood (violon) et Thomas Dutronc. Non manouche avec guitare, Dutronc ne se la joue pas, mais tient son rang. Sans compter que ses chansons disent ce qu’il faut du désir de cette musique.
Musique qui se faufile comme le feu parmi les corps, qui joue des tours, se moque, met un masque, chante, pleure, trafique les egos et les anonymats, roule des mécaniques ou fait rouler la machine. Compétition ? Prouesse ? Mais non. Désir de trouver le fil et de faire plaisir. Il serait très vain de bouder le sien.
Francis Marmande
Monte-Carlo Jazz Festival.
Jusqu’au 28 novembre. McCoy Tyner Quartet avec Steve Kuhn, Gary Bartz, Steve Grossman (le 27) ; Marcus Miller » Tutu » (le 28). Tél. : (377)- 98-06-36-36.