Les Vagabontou sur le chemin de la gloire !

Marseille : une fanfare rom signe la B.O d’un jeu vidéo

Créée à Marseille, la formation des Vagabontu signe la B.O. de »Lapinscrétins », le nouveau jeu vidéo d’Ubisoft

C’est une musique qui vous attrape l’âme et vous la serre fort, comme dans un poing. « C’est une doina. Au pays, quand tu en entends, tu pleures, tu bois et puis tu pleures. » Dans Lapins crétins, la grosse aventure, ce chant poignant porté par la voix de Ghita Jorga accompagne l’ascension vers la lune des lapins les plus barrés du monde. Des drôles d’agitateurs qui ramassent, dans leurs charriots, tout ce que notre société de consommation produit à l’excès. Ça vous rappelle quelque chose ?

Peu connue à Marseille, la musique de la fanfare rom Vagabontu résonne désormais dans le monde entier grâce au jeu du français Ubisoft. En juin, si une « abracadabrante » histoire de visas ne s’en était pas mêlée, la fanfare aurait pu défendre le jeu à Los Angeles, « près de James Cameron et d’un tas d’autres stars ».

Vous vous pincez pour y croire ? Il y a de quoi mais Ghita, lui, ne s’étonne de rien : cet homme a de l’or plein le sourire et le coeur. « C’est un sésame ouvre-toi », sourit Maryvonne Breschi, la chargée de diffusion de Vagabontu. Né à Pungiesti, dans la région de la Moldavie, en Roumanie, Ghita joue de la trompette « depuis toujours ».

Dans sa famille, descendante des anciens montreurs d’ours qui parcouraient l’Europe, « tout le monde est musicien et joue dans les orchestres » qui, là-bas, rythment toute la vie, au cours de fêtes frappadingues qui s’étirent sur trois jours. La musique, à Pungiesti, ça s’apprend sur le tas, à l’arrache, avec « la fatigue, les réactions des gens », raconte Ghita.

Durant les années Ceaucescu, les musiciens Roms disposaient d’un statut, de salaires : après la chute du bloc soviétique, « l’Occident est arrivé chez nous, avec ses amplis : et tout à coup, les gens ont préféré payer deux types avec une sono, qu’une fanfare de 12 personnes. On n’a plus autant travaillé. »

Lui prend sa valise et sa trompette, paie un passeur et gagne, en mini-bus, Marseille où vit déjà son frère, Beluri. « On s’est enfermés trois semaines dans une chambre d’hôtel, à Noailles, et il m’a appris tous les airs que vous aimez ici : Besame mucho, Petite fleur », se souvient le jeune homme. Aux terrasses, avec son « négatif » – les Roms nomment ainsi leur petite machine à play-back – il s’extasie : « La première journée, j’ai gagné 40€. »

En Roumanie, le salaire moyen est de 150€. Alors de visa touristique en reconduite à la frontière, et de squat en squat, Ghita est resté : « J’ai commencé à me faire des amis, des gens qui me disaient : joue ta musique, monte une fanfare. » Dans un premier temps, Ghita est sceptique : « J’avais honte, je pensais que ça n’intéresserait personne ici. »

Il faudra une Fiesta des Suds où se produit la fanfare Ciocarlia, « des voisins » de Moldavie, qui, ce soir-là mettent le feu à la salle, pour que Ghita prenne confiance : « C’était… pff. » Presque aussi fou qu’à Pungiesti.

Avec son frère, et huit autres musiciens qui font les allers-retours au gré des concerts, il crée Vagabontu. Une musique facétieuse, chaloupée, « très différente des orchestres de Kusturica ». Et les Lapins crétins, dans tout ça ? C’est un chargé des musiques traditionnelles pour la Région, Philippe Fanise, qui fait le joint : « Lionel, son fils, assurait la direction musicale du jeu, à Montpellier ».

Parti écouter Vagabontu dans son élément naturel, en Moldavie, il revient conquis. Le tome 1 des Lapins s’est vendu à plus de 16 millions d’exemplaires dans le monde. Ghita en rigole : « De toute façon, il faudra tout partager à dix, hein. » Pour le musicien, le plus important est ailleurs : son épouse gadji, la belle Emilia, enseignante marseillaise, et leur petit Augustino, un an et demi : « Il se promène déjà partout avec ma trompette », sourit-il.

http://www.vagabontu.org

Par Delphine Tanguy ( dtanguy@laprovence-presse.fr )


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