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Tony Gatlif, le cinéma en toute “ Liberté ”}}} }}
La nouvelle république 19 octobre 2009
Tours. Magnifique avant-première, hier soir, lors du festival Cinéma et Politique,
avec “ Liberté ”, le dernier film de Tony Gatlif. Rencontre.
Sensible, émouvant, sincère, dur, le dernier Gatlif est un film rare. Un petit bijou de vérité. Dans « Liberté », le réalisateur met en lumière l’holocauste des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale à travers l’histoire de Taloche (NDLR : joué par un James Thiérrée magistral) et de sa famille, accueilli et soutenu par Théodore, maire vétérinaire d’un village français et Mademoiselle Lundi, l’institutrice.
Et dire que Tony Gatlif a failli ne jamais réaliser ce film ! « Pendant très longtemps, je ne voulais pas le faire. J’avais rencontré trop de Tsiganes qui ne voulaient pas en parler et pleuraient dès qu’on évoquait le sujet, alors, j’avais abandonné. » Et puis, un jour, Gatlif apprend que Jacques Chirac va rendre hommage aux Justes et l’envie ressurgit. « Je voulais faire un documentaire, retrouver des Justes qui avaient sauvé des Tsiganes, j’ai cherché, cherché, mais rien, aucune archive ! »
Alors, le réalisateur se tourne vers la fiction, mais son besoin de vérité, son implication dans la cause des Roms est trop grande, il lui faut un ancrage dans la réalité, il finit par la trouver. « J’ai découvert l’histoire de Théodore, un notaire (NDLR : devenu maire dans le film) qui avait tenté de sauver Tolloche et sa famille et celle d’Yvette Lundy, une institutrice, résistante, déportée et toujours vivante. »
L’histoire est en marche. La petite comme la grande, il l’espère. « Ce n’est pas un film d’accusation mais il est éminemment politique, c’est pour ça qu’il est bien ici ! (NDLR : au festival Cinéma et Politique) C’est un film engagé. 250.000 à 500.000 Roms ont été tués pendant la guerre. En France, il y avait quarante camps d’internement. Il mérite d’être dans l’histoire, d’être étudié. Aujourd’hui, nous sommes à la limite de l’oubli, c’est notre époque qui veut ça, alors, la France doit reconnaître l’histoire des Tziganes. C’est le minimum et c’est rien à faire, juste une déclaration… » Pour qu’enfin les Tsiganes retrouvent leur « Liberté ».
{{ {{{Alexandre Romanès raconte son cirque et sa vie de Tsigane}}} }}
Délia chante, sa fille voltige : le cirque Romanès est une affaire de famille. DOMINIQUE SECHER
Le spectacle » Paradis tsigane » est à découvrir porte de Champerret pendant trois mois
{ {{ {{{ CIRQUE}}} }} }
Les Romanès sont de retour. Depuis le 24 octobre et pour trois mois, avec leur spectacle » Paradis tsigane « , leur cirque refleurit sur l’asphalte de Paris : l’Alexandre très pince-sans-rire, et Délia, sa belle aimée. Quand Délia chante, les hérissons frissonnent.
Les Romanès sont porte de Champerret, sous leur chapiteau de bois et de toile aux banquettes sommaires mais repeintes de frais. La marmaille est là, fière de vivre comme tout un chacun dans un cirque. Les gitanes anciennes tricotent sur scène, sans compter des nouveautés de luxe : un numéro d’amants aériens à fendre le coeur, la cousine qui jongle avec ses parapluies, le tout sur fond de fanfare endiablée. A la fin, beignets et vin chaud pour tous.
Ce rêve de cirque tient sur les épaules tristes d’un clown d’après-guerre aux traits faussement fatigués. C’est lui qui tisse le fil de la fête. Fou de joie – son nouveau recueil de poèmes, Sur l’épaule de l’ange, vient d’être accepté par Gallimard -, Alexandre Romanès précise : » Eh non, on ne fait jamais de filage, on n’a jamais su. On vit, c’est bien assez, et tout ce que je veux, c’est apporter des joies à ceux qui viennent nous voir. Les sortir des saletés et des horreurs qu’on leur sert tous les jours, par la fête. Pourquoi appelle-t-on ce spectacle Paradis tsigane ? Je n’en sais rien. C’est Délia qui m’a dit : il faut un titre, va pour Paradis tsigane. »
Donc, cap sur la porte Champerret où la famille Romanès, voisins et amis viennent d’ouvrir les portes de leur paradis : » On n’est pas fin prêts, on n’a rien répété, évidemment, d’ailleurs, à quoi ça nous avancerait ? Où serait notre plaisir, celui des gens ? » De Jean Genet, dont il fut si proche, il rapporte des mots vachards et drôles sur Sartre, Duras, Barthes ou Madeleine Robinson, qui lui tiennent de méthode : » Jean, pendant dix ans, je le voyais tous les deux jours. »
Ecrire assis dans l’herbe
Délia et lui sont aussi intarissables qu’évasifs sur le centre culturel tsigane qu’ils désirent fonder : » Le dossier est déposé. Christophe Girard, adjoint à la culture à la Mairie de Paris, nous a bien aidés. Ce qu’on aimerait, c’est un lieu pour présenter les merveilles que nous découvrons. Dans tous les campements, partout en France, les Tsiganes vivent en musique, en danse, en théâtre, en contes, en tours, des moments extraordinaires. Or, rien n’en transpire publiquement, sinon le jazz manouche et trois trucs à la mode. La culture tsigane est infiniment plus vaste que ça. »
Comment il s’est mis à écrire ? Comme il est venu au cirque, après vingt ans de musique baroque. Il ne sait plus : assis dans l’herbe devant l’hôpital Bichat ; à une table, ça ne marche pas. Alexandre vient de la tribu des Sinti. Délia, qu’il a enlevée à la gitane, de chez les Lovari. » Les Lovari, ce sont des marchands de chevaux. Autant dire des voleurs de chevaux. » Les Sinti ? » Des voleurs tout court. »
Il blague. Ils se savent peuple d’artistes. Alexandre, vingt ans de luth grâce à Pierre Boulez, » fait « , partout où il passe, les prisons, comme un » payo » ferait le Louvre ou les grands restaurants : » Parfois pour de toutes petites bêtises : ainsi, un jour en Roumanie, je me retrouve embêté. Surtout, dans ces cas-là, ne jamais aller à l’ambassade de France. Donc, je rencontre un député du cru, très hautain, royaliste. Il me dit : « Je vais vous aider bien que je déteste les Tsiganes. » » Mais pourquoi ? » Parce que si tous les Roumains avaient été tsiganes, le communisme n’aurait jamais marché. Vous faisiez peur, vous comprenez ? »
Longtemps, Alexandre n’a pas osé entrer en littérature, comme un chat qui met la patte dans l’eau. » Bien sûr, le spectacle pourrait s’appeler autrement, tout ce qui compte, c’est que les gens soient dépaysés. Eh bien, qu’ils soient dépaysés ! Au point même d’être au paradis ! Tiens, au paradis tsigane, je n’y avais pas pensé. Délia a toujours raison. »
Francis Marmande
» Paradis tsigane « .
Chapiteau du cirque Romanès, 42-44, bd de Reims, Paris-17e. M° Porte-de-Champerret. De 10 ¤ à 20 ¤. www.cirqueromanes.com. Jusqu’au 10 janvier 2010. A lire, d’Alexandre Romanès : » Un peuple de promeneurs « , éd. Le Temps qu’il fait, 2000. » Paroles perdues « , éd. Gallimard, 2004.