{{ {{{HOLD UP SUR UNE CULTURE MILLENAIRE EN SURSIS}}} }}
A travers le monde, aujourd’hui, de nombreuses cultures minoritaires en sursis ou en voie de disparition font l’objet d’études et de mesures de protection car nous considérons à juste titre qu’elles font partie du patrimoine de l’humanité. Force est de constater qu’en ce qui concerne de la minorité tsigane, on assiste davantage à ce qui ressemble plus à un « hold-up » qu’à des mesures de reconnaissance et de protection.
Originaire de l’Inde et présent en Europe mais aussi dans le monde depuis des siècles, le peuple Tsigane (ou Rom) se caractérise par une étonnante capacité à se défendre contre toutes les tentatives d’assimilation voir d’extermination dont il est l’objet depuis des siècles. « L’histoire des Tsiganes est celle d’un peuple qui présente une solide construction culturelle sans être soudé par les caractères habituels d’une nation : langue, religion ou territoire. Un peuple qui fut pourchassé et toléré comme une sorte de calamité naturelle récurrente et familière » (Henriette ASSEO). Après le génocide perpétré par les nazis, les toutes récentes mesures décrétées par le gouvernement italien et approuvé par l’Union Européenne ne font que renouveler cette chasse aux sorcières qui accable le peuple des tsiganes.
Et pendant ce temps, comble du paradoxe ou de l’hypocrisie, la « culture tsigane » n’a jamais fait l’objet d’un engouement aussi généralisé de la part de « gadgés » : Musiques, danses, contes, poèmes, romans, histoires, cinéma, toutes formes d’expression puisées dans les traditions, la mémoire et le savoir faire des tsiganes, assurent le succès et les recettes de nombreux festivals, concerts, rencontres et colloques en tout genre. Si quelques-uns d’entre eux (Django Rheinart, Tony Gatliff, etc…) ont su tirer leur épingle du jeu et servent souvent de faire valoir à ces multiples « manifestations culturelles », la plupart des tsiganes d’aujourd’hui, qu’ils soient sédentaires et voyageurs, sont considérés comme inassimilables et même dangereux pour notre sécurité. Citoyens de deuxième zone, étrangers de l’intérieur, ils survivent parfois dans des conditions misérables en marge de nos villes.
Comment expliquer qu’une telle minorité dispersée à travers le monde et mais aussi très composite, puisse ainsi résister à des siècles d’oppression et maintenir vivant, une culture, des traditions et un mode de vie distincts du monde dans lequel ils vivent ? Ce refus de disparaître
s’appui à n’en pas douter sur des valeurs et une richesse qui ne sauraient se résumer à un quelconque communautarisme ou à la défense de traditions jugées parfois archaïques ou tout simplement folkloriques. Sens de la famille et de la communauté, de la solidarité, du respect des anciens, refus des conflits, méfiance à l’égard de la propriété individuelle, capacité d’adaptation et de flexibilité mais surtout soif de liberté : tels sont quelques-uns des caractères de ce peuple qui résiste depuis des siècles à toute forme imposée d’intégration.
Mais aujourd’hui cette capacité de résistance atteint peut-être une limite. Dans un monde secoué par l’incertitude du lendemain et l’absence de repères, les Tsiganes risquent à nouveau servir de bouc émissaire facile. Les contraintes économiques du marché mondial qui les assaillent plus que d’autres peuvent les réduire à une totale dépendance et à une marginalisation forcée. Comment alors pourront nous goûter et participer sans scrupule aux plaisirs de la « culture tsigane» d’un peuple disparu ? En France tout particulièrement, les obstacles idéologiques et politiques à la reconnaissance de cette minorité doivent être dénoncés et combattus. La survie et la reconnaissance de la « culture tsigane » dans toutes ses composantes et des valeurs dont elle est porteuse nécessitent d’accepter parmi nous les Tsiganes avec « leurs différences » Un génocide culturelle ne saurait servir d’exutoire aux peurs et aux angoisses de notre temps.
Alain FOUREST
Marseille septembre 2008