(adoptée par le Comité des Ministres le 20 février 2008,
lors de la 1018e réunion des Délégués des Ministres)
Le Comité des Ministres, conformément à l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,
Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres et que ce but peut être poursuivi, notamment, par une action commune dans le domaine des droits de l’homme et de la cohésion sociale, valeurs et objectifs qui sont au cœur du Conseil de l’Europe ;
Reconnaissant que les Roms et les Gens du voyage font face depuis plus de cinq siècles à une discrimination, un rejet et une marginalisation généralisés et permanents, partout en Europe et dans tous les domaines de leur vie ; qu’ils ont été victimes de l’holocauste ; et que les déplacements forcés, la discrimination et leur exclusion de la vie sociale font que de nombreuses communautés de Roms et de Gens du voyage et personnes appartenant à ces communautés connaissent la pauvreté et une situation défavorisée à travers toute l’Europe ;
Reconnaissant que l’antitsiganisme constitue une forme distincte de racisme et d’intolérance, à l’origine d’actes d’hostilité allant de l’exclusion à la violence à l’encontre des communautés de Roms et de Gens du voyage ;
Reconnaissant le rôle des médias et de l’éducation pour ce qui est de la persistance des préjugés à l’encontre des Roms, et le fait qu’ils peuvent potentiellement aider à surmonter ces préjugés ;
Conscient que la discrimination et l’exclusion sociale peuvent être éradiquées de manière plus efficace par des politiques globales, cohérentes et volontaristes visant à la fois les Roms et la majorité, qui assurent l’intégration des Roms et des Gens du voyage et leur participation à la société dans laquelle ils vivent ainsi que le respect de leur identité ;
Considérant que tous les droits humains sont indivisibles, interdépendants et indissociables, et que les droits économiques et sociaux sont des droits fondamentaux qui devraient être étayés par des efforts concrets aux niveaux local et gouvernemental pour faire en sorte qu’ils soient accessibles également aux groupes et communautés les plus pauvres et les plus défavorisés ;
Gardant à l’esprit la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (STE n° 5) ainsi que ses Protocoles n° 12 (STE n° 177) et n° 14 (STE n° 194, à compter de la date de son entrée en vigueur), la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157), la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163) et la Convention européenne sur la nationalité (STE n° 166) ;
Tenant compte des Recommandations du Comité des Ministres aux Etats membres n° R (2000)4 sur l’éducation des enfants roms/tsiganes en Europe, Rec(2001)17 sur l’amélioration de la situation économique et de l’emploi des Roms/Tsiganes et des voyageurs en Europe, Rec(2004)14 relative à la circulation et au stationnement des Gens du voyage en Europe, Rec(2005)4 relative à l’amélioration des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe et Rec(2006)10 relative à un meilleur accès aux soins de santé pour les Roms et les Gens du voyage en Europe ;
Rappelant les Recommandations n° 563 (1969), 1203 (1993) et 1557 (2002) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et les Résolutions n° 125 (1981), 249 (1993), 16 (1995) et 44 (1997), et la Recommandation 11 (1995) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, relatives à la situation des Roms/Tsiganes en Europe ;
Gardant à l’esprit la Recommandation de politique générale n° 3 sur la lutte contre le racisme et l’intolérance envers les Roms/Tsiganes, la Recommandation de politique générale n° 7 sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale et la Recommandation de politique générale n° 10 sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans et à travers l’éducation scolaire de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) ;
Tenant compte de la Directive du 29 juin 2000 du Conseil de l’Union européenne (2000/43/CE) relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, ainsi que du Traité de l’Union européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
Ayant à l’esprit la proposition de décision-cadre du Conseil de l’Union européenne relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie ;
Ayant présent à l’esprit les Principes directeurs pour l’amélioration de la condition rom adoptés par l’Union européenne (groupe COCEN) lors du Sommet de Tampere en décembre 1999 et la Résolution du Parlement européen sur la situation des Roms dans l’Union européenne adoptée le 28 avril 2005 et celle sur la situation des femmes roms dans l’Union européenne adoptée le 1er juin 2006 ;
Connaissant les recherches, les données collectées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) et les avis de cette dernière, ainsi que ses rapports consacrés spécialement aux Roms et aux Gens du voyage ;
Ayant présent à l’esprit le Plan d’action de 2003 de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) visant à améliorer la situation des Roms et des Sintis dans l’espace de l’OSCE ;
Tenant compte des objectifs définis dans le cadre de l’initiative multilatérale de la « Décennie pour l’intégration des Roms » (2005-2015), lancée par neuf gouvernements du centre et du sud-est de l’Europe et soutenue par la Banque mondiale, l’Open Society Institute, le Conseil de l’Europe, la Banque de développement du Conseil de l’Europe, le Programme des Nations Unies pour le développement, l’OSCE et la Commission européenne ;
Rappelant que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe et la Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 du Conseil de l’Union européenne encouragent toutes deux les Etats à entreprendre des actions positives pour prévenir ou compenser les désavantages liés à l’origine ethnique ou à l’appartenance à une minorité nationale, dans le but de promouvoir une égalité pleine et effective ;
Gardant à l’esprit que les structures constitutionnelles, les traditions juridiques, sociales et culturelles, et l’allocation des compétences diffèrent d’un Etat membre du Conseil de l’Europe à l’autre, ce qui peut entraîner des différences dans les modalités de mise en œuvre de la présente recommandation,
Recommande aux gouvernements des Etats membres :
– d’adopter, conformément aux principes et dispositions énoncés dans l’annexe à la présente recommandation, une stratégie nationale et/ou régionale cohérente, globale et dotée d’un financement suffisant, accompagnée de plans d’action, d’objectifs et d’indicateurs à court et à long termes, afin de mettre en œuvre des politiques propres à combattre la discrimination juridique et/ou sociale à l’encontre des Roms et/ou des Gens du voyage, et à mettre en œuvre le principe de l’égalité ;
– de suivre et de publier des rapports d’évaluation réguliers sur l’avancement de la mise en œuvre et l’impact des stratégies et des politiques destinées à améliorer la condition des Roms et/ou des Gens du voyage ;
– de porter la présente recommandation à l’attention des organismes publics nationaux et locaux ou régionaux autonomes, des communautés de Roms et/ou de Gens du voyage et de l’ensemble de la population dans leur pays respectif par les voies appropriées, notamment les médias, et de s’assurer que ceux-ci lui accordent leur soutien.
Annexe à la Recommandation CM/Rec(2008)5
sur les politiques concernant les Roms et/ou les Gens du voyage en Europe
I. Définitions
L’expression « Roms et Gens du voyage » utilisée dans le présent texte désigne les Roms, les Sintés, les Kalés, les Gens du voyage et les groupes de population apparentés en Europe, et vise à englober la grande diversité des groupes concernés, y compris les personnes qui s’auto-identifient comme « Gypsies ».
Une « politique » est un plan global énonçant des méthodes et objectifs généraux, et visant à orienter et à déterminer les décisions présentes et futures, notamment dans le domaine de la législation et de la programmation.
Une « stratégie » est un plan détaillé reposant sur des objectifs à long terme pour l’obtention de résultats positifs dans des situations, comme l’emploi des Roms, ou bien une technique pour l’élaboration de projets adaptés aux situations de cette nature.
Un « programme » est une série de projets poursuivant un objectif global commun.
Un « projet » est une série d’activités poursuivant des objectifs précis, conçues pour produire un résultat spécifique dans un délai donné.
« L’objectif spécifique du projet » est l’objectif central du projet. L’objectif spécifique doit répondre au problème central et être défini en termes de bénéfices durables pour le(s) groupe(s) cible(s). Il ne doit y avoir qu’un seul objectif spécifique par projet.
Un « objectif » est la description du but d’un projet ou programme. Le concept générique d’objectif englobe les activités, les résultats, l’objectif spécifique et les objectifs globaux.
Un « produit/output » est le produit clairement identifié issu d’activités.
Les « résultats » sont les « produits » des activités mises en œuvre. L’ensemble des résultats contribue à la réalisation de l’objectif spécifique, à savoir le moment où les groupes cibles commencent à percevoir des bénéfices durables.
« L’impact/l’issue » est l’effet du projet sur son environnement plus large et sa contribution aux objectifs sectoriels plus larges, résumés dans les objectifs globaux du projet, et sur la réalisation des objectifs politiques cadres.
Un « indicateur » est un changement observable ou un événement qui prouve la survenue d’un changement à court ou à long terme. Les indicateurs peuvent se situer à tous niveaux d’effort et d’effet, des produits aux objectifs.
Les « repères/points de référence » sont un type d’indicateur concrètement vérifiable relatif aux objectifs (généralement aux activités) à court et moyen terme qui permet de mesurer les réalisations tout au long du projet plutôt qu’à la fin. Les repères indiquent également les moments auxquels il conviendrait de prendre les décisions ou d’achever une action.
La « participation » est la part active que prend une personne ou un groupe de personnes à une activité, dépassant le cadre de la simple consultation pour devenir une forme d’engagement concret, constant et efficace.
Le « suivi » est l’appréciation systématique et continue de l’avancement d’un projet (travail) au fil du temps pour vérifier que les choses se déroulent comme prévu et procéder méthodiquement aux ajustements requis.
« L’évaluation » est l’examen périodique de la pertinence, des performances, de l’efficacité et du taux de réalisation des objectifs généraux.
La « diffusion » est la large transmission de connaissances, de produits développés et de résultats de projets (par exemple, méthodes, produits, programmes éducatifs, instruments/outils, modèles, enseignements et idées politiques) auprès de groupes cibles jouant un rôle dans le processus d’intégration au processus général.
« L’intégration au processus général » est une stratégie permanente, orientée sur les processus, visant à intégrer les méthodes de travail ciblant des groupes particuliers ou des aspects spécifiques à des politiques organisationnelles régulières, dans le but ultime d’influencer la politique et la mise en œuvre, et d’entraîner des changements fondamentaux. Exemples : horizontalement (au sein des activités ou des secteurs d’organisations analogues), verticalement (dans les politiques locales, régionales ou nationales) ou transnationalement (dans des organisations partenaires ou par l’intermédiaire d’instances telles que la Commission européenne ou le Conseil de l’Europe).
« Action positive » : « Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un Etat membre de maintenir ou d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l’origine ethnique. » (Directive 2000/43/CE). « La loi doit prévoir que l’interdiction de la discrimination raciale n’empêche pas de maintenir ou d’adopter des mesures spéciales temporaires destinées à prévenir ou à compenser les désavantages subis par [les Roms et/ou les Gens du voyage] ou à faciliter leur pleine participation dans tous les domaines de la vie. Ces mesures ne doivent pas être maintenues une fois atteints les objectifs visés. » (Recommandation de politique générale n° 7 de l’ECRI sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, paragraphe 5).
Dans l’article 1.1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la « discrimination raciale » telle que définie en droit international, est « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».
L’article 2.2 de la Directive du Conseil de l’Union européenne 2000/43/CE définit la discrimination raciale de « discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique ». La discrimination peut prendre les formes les plus variées et comprendre les formes directes et indirectes de discrimination :
– « une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, dans une situation comparable. » Une annonce d’emploi qui dit « Roms s’abstenir » est un exemple de discrimination directe ;
– « une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ». Demander à toutes les personnes candidates à tel ou tel emploi de passer un test dans une langue, même si celle-ci n’est pas nécessaire pour cet emploi, est un exemple de discrimination indirecte.
II. But
Les stratégies nationales et/ou régionales devraient avoir pour objet de garantir l’égalité et l’intégration des Roms et/ou des Gens du voyage dans la vie sociale, économique et politique, de promouvoir l’autonomisation et le renforcement des capacités des groupes sociaux concernés, de sensibiliser l’ensemble de la société à la culture et au mode de vie des Roms et/ou des Gens du voyage, de garantir le respect de l’identité des Roms et/ou des Gens du voyage et d’assurer une protection efficace contre la discrimination directe et indirecte, et le racisme à leur encontre.
III. Principes généraux
Les stratégies concernant les Roms et/ou les Gens du voyage devraient être conçues sur la base des principes suivants :
i. suivre une approche fondée sur les droits, globale, dynamique et intégrée ;
ii. reconnaître la diversité des communautés roms et/ou des Gens du voyage et de leurs besoins, qui appellent des réponses variées et flexibles ;
iii. favoriser la participation des Roms et/ou des Gens du voyage comme composante essentielle des stratégies les concernant à tous les stades, de la conception à la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation, et promouvoir le renforcement des capacités des communautés ;
iv. assurer l’équilibre hommes-femmes et l’équilibre des âges dans la représentation des Roms et/ou des Gens du voyage ;
v. assurer un suivi effectif de la mise en œuvre de la stratégie à l’aide de repères et de critères clairement définis pour de meilleurs résultats ;
vi. intégrer une évaluation permanente des stratégies, soumise à un réexamen et à une amélioration continus ;
vii. veiller à avoir des approches ciblées et intégrées.
IV. Cadre législatif
i. Tous les pays devraient adopter des lois antidiscriminatoires spécifiques et générales conformes aux normes internationales et européennes, créer des organismes de lutte contre la discrimination habilités à promouvoir l’égalité de traitement et à aider les victimes de la discrimination ; et veiller à ce que ces lois soient effectivement appliquées. L’efficacité des lois antidiscriminatoires civiles et administratives pourrait être améliorée en faisant peser la charge de la preuve du côté de la personne accusée de discrimination, en introduisant dans le champ d’application de la loi les notions de discrimination et de harcèlement directs et indirects, en encourageant la discrimination positive et en prévoyant des sanctions et des voies de recours efficaces et proportionnés.
ii. La législation devrait imposer aux pouvoirs publics le devoir légal de promouvoir l’égalité et la non discrimination, et d’allouer les ressources nécessaires pour que ce soit possible.
iii. Etant donné que l’antitsiganisme et la violence à l’encontre des Roms et/ou des Gens du voyage sont des phénomènes répandus en Europe, les Etats membres ne l’ayant pas encore fait devraient ériger le mobile raciste en circonstance aggravante dans les poursuites pour infractions pénales et faire en sorte que ces infractions pénales couvrent les infractions à caractère raciste à l’encontre des Roms et/ou des Gens du voyage.
iv. Ces dispositions légales devraient être pleinement mises en œuvre pour veiller à ce que les infractions à caractère raciste ne bénéficient d’aucune impunité. Les victimes de ces infractions devraient être activement encouragées à les signaler à la police ou à d’autres autorités compétentes en la matière.
V. Elaboration de la stratégie
1. Détermination des besoins
i. Les objectifs visés par la stratégie devraient reposer sur une évaluation des besoins approfondie et scientifiquement fondée, réalisée par les autorités, mais tenant compte du point de vue d’un large éventail d’ONG de Roms et de Gens du voyage actives sur le terrain, notamment les organisations de femmes et de jeunes, mais aussi d’ONG et d’autres organismes compétents travaillant sur les questions relatives aux Roms et/ou aux Gens du voyage.
ii. L’évaluation des besoins, à condition qu’elle soit autorisée par le droit national et qu’elle soit conforme aux normes internationales existantes sur la protection des données, notamment la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n° 108), devrait se faire par exemple par le biais d’enquêtes auprès des ménages pour collecter des données quantitatives et qualitatives sur la condition des Roms et/ou des Gens du voyage, ventilées par sexe, par âge et en fonction d’autres indicateurs pertinents.
Ces données seront utiles pour établir la situation initiale à l’aune de laquelle les progrès pourront être mesurés, ainsi que pour suivre les progrès réalisés et évaluer les résultats de la stratégie. Si ces données sont utilisées, il conviendra de définir clairement les indicateurs utilisés pour effectuer le suivi dans la stratégie.
L’absence de données ne doit pas être invoquée pour interrompre ou reporter indûment l’élaboration des programmes ou des stratégies. La réalisation d’enquêtes indépendantes et l’organisation de consultations publiques avec les acteurs concernés devraient permettre de combler les lacunes.
iii. Lorsque les Roms et/ou les Gens du voyage ne possèdent aucune pièce d’identité, les autorités devraient effectuer un recensement à l’échelle nationale dans un délai donné, gratuitement et avec des procédures simplifiées ; en déployant des efforts particuliers en direction des catégories de population rendues plus vulnérables par leur situation de personnes déplacées, leur accès limité à l’information et/ou par la barrière linguistique ou l’illettrisme, comme les femmes, les personnes âgées, les personnes dont la langue maternelle n’est pas la langue officielle, etc.
iv. Dans une collecte de données à l’échelle de la population, les pouvoirs publics devraient respecter les principes de confidentialité, de consentement éclairé et d’auto-identification volontaire.
2. Elaboration d’une stratégie cohérente et coordonnée
i. La stratégie en faveur des Roms et/ou des Gens du voyage devrait, au besoin, comporter une révision des pratiques législatives et administratives existantes, afin d’en garantir une mise en œuvre cohérente et coordonnée, et de lever les obstacles en la matière, notamment la discrimination fondée sur le sexe et le mode de vie itinérant ou semi-itinérant. Les parties prenantes devraient pour ce faire s’appuyer sur des travaux de recherche et des enquêtes, et organiser en outre des campagnes de sensibilisation.
ii. La stratégie devrait intégrer les bonnes pratiques déjà identifiées, les connaissances acquises par la recherche, les enseignements tirés du suivi et des évaluations approfondies des programmes/politiques nationaux en faveur des Roms et/ou Gens du voyage dans toute l’Europe, et des recommandations faites par les organisations internationales, nationales et locales compétentes.
3. Participation à l’élaboration des politiques/stratégies
i. Le processus ou l’organisme concevant la stratégie devrait être, dans la mesure du possible, représentatif de toutes les structures concernées, et devrait travailler en partenariat avec les différentes communautés de Roms et/ou de Gens du voyage touchées par la stratégie, ainsi qu’avec celles vivant dans leur voisinage.
La structure et la composition de l’organisme ou des organismes devraient favoriser le développement de politiques intersectorielles. Les organisations gouvernementales et non gouvernementales nationales et internationales peuvent être consultées, s’il y a lieu et si cela est utile.
La représentation des Roms et/ou Gens du voyage devrait respecter la parité hommes-femmes et la participation des jeunes.
ii. Les Etats devraient dès le départ associer les pouvoirs locaux et régionaux à l’élaboration de la stratégie et faire en sorte que ces derniers s’engagent à la mettre pleinement en œuvre. Les pouvoirs locaux et régionaux devraient mettre au point des plans d’action pour mettre en œuvre les stratégies nationales aux niveaux local et régional.
4. Gestion des risques
En concevant la stratégie, il faudrait accorder une attention particulière à l’identification et à la gestion opportunes de tous les risques possibles pouvant menacer sa bonne mise en œuvre.
5. Suivi et évaluation continus
La stratégie devrait prévoir un suivi et une évaluation permanents, indépendants, participatifs, coordonnés et transparents.
6. Financement
i. Le budget de l’Etat devrait prévoir des ressources financières suffisantes, dans la mesure du possible sur le long terme, pour garantir la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation effectifs de la stratégie. Une stratégie ne devrait donc être adoptée qu’avec l’assentiment des autorités chargées de la politique budgétaire et devrait comporter une estimation des coûts des mesures proposées.
ii. Les gouvernements devraient fournir un soutien budgétaire durable en faveur de la participation des Roms et/ou des Gens du voyage à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de la stratégie.
iii. Les pouvoirs locaux et/ou régionaux devraient inclure des actions spécifiques destinées à améliorer les conditions de vie des Roms et/ou Gens du voyage dans leur planification budgétaire locale et/ou régionale, afin de garantir un financement suffisant pour la mise en œuvre.
VI. Adoption de la stratégie
1. Cadre législatif
Lorsque les pratiques législatives et constitutionnelles le permettent, la stratégie et/ou les différentes mesures destinées à sa mise en œuvre devraient être adoptées à travers un texte législatif ou appuyées par la législation, afin d’assurer leur durabilité et leur permanence.
2. Communication de la stratégie et sensibilisation
i. Le texte de la stratégie et de tout décret d’application la concernant devrait être rendu accessible aux membres des communautés bénéficiaires. La stratégie devrait être traduite, selon les demandes, en romani ou dans les langues utilisées généralement par les communautés locales de Roms et/ou de Gens du voyage, et diffusée par le biais des médias relatant les pratiques ou les lois nationales (journal officiel, radio, télévision, presse, Internet, etc.).
ii. Des actions de sensibilisation à la politique/stratégie en faveur des Roms et/ou des Gens du voyage devraient accompagner la stratégie à tous les stades, de son élaboration à son évaluation. Les campagnes de sensibilisation sur le contenu et les progrès accomplis devraient viser tous les échelons hiérarchiques des pouvoirs publics et les bénéficiaires visés, mais aussi l’ensemble de la population. Les pouvoirs publics, à tous les échelons, devraient recevoir des informations, des lignes directrices et une formation concernant leur obligation de mettre en œuvre la stratégie et de s’abstenir de tout acte discriminatoire.
iii. Ces campagnes devraient fournir des informations sur la situation des communautés de Roms et/ou Gens du voyage, sur les dispositions antidiscriminatoires, sur les droits des personnes et sur les recours possibles en cas de discrimination. Les informations sur les organismes chargés de lutter contre la discrimination devraient être fournies dans une langue facilement compréhensible par ses principaux bénéficiaires.
iv. Des campagnes de sensibilisation visant à promouvoir le respect et la compréhension de l’histoire et de la culture des Roms et/ou Gens du voyage devraient accompagner la publication de la stratégie. Le soutien et la participation d’autres communautés, en particulier les populations vivant à proximité des Roms et/ou des Gens du voyage et interagissant avec ceux-ci, devraient être encouragés. Il faudrait encourager le dialogue interculturel et la compréhension de la culture romani, de la culture liée à un mode de vie itinérant ou semi-itinérant ainsi que les attentes de la majorité.
VII. Mise en œuvre de la stratégie
1. Mécanisme de mise en œuvre
i. Un dispositif de mise en œuvre suffisamment financé et doté en personnel devrait être mis en place aux échelons national, régional et local.
ii. La coopération et la coordination interministérielles entre les différentes instances concernées devraient être assurées pour éviter les doubles emplois et garantir l’efficacité de la mise en œuvre.
iii. Les textes législatifs et administratifs concernés devraient comprendre :
– des informations claires sur le mandat, notamment la composition, la coordination, les domaines de compétence, les pouvoirs statutaires, les responsabilités et le financement du mécanisme de mise en œuvre responsable ;
– les délais et les objectifs de la mise en œuvre concernée, les dotations budgétaires, l’obligation de fournir des informations et de coopérer avec les instances chargées du suivi de la stratégie.
2. Action positive
i. Les Etats concernés qui ne l’ont pas encore fait devraient envisager de modifier leur législation nationale pour permettre des actions positives visant à surmonter les désavantages particuliers dont souffrent les Roms et/ou les Gens du voyage, et à promouvoir l’égalité des chances pour ces communautés dans la société.
ii. Des mesures positives devraient être envisagées, par exemple, pour permettre aux Roms et/ou aux Gens du voyage d’avoir des possibilités égales d’accès à l’éducation et/ou au marché du travail à tous les niveaux, et d’être recrutés comme conseillers dans différents domaines (éducation, santé, logement, emploi, etc.). Des mesures positives devraient également être prises pour encourager les Roms et/ou les Gens du voyage à entreprendre des carrières notamment dans l’éducation, les médias, l’administration publique et la police. Une participation égale des Roms et/ou des Gens du voyage aux processus électoraux aux niveaux national, régional et local devrait être encouragée.
3. Médiateurs ou assistants
i. Des médiateurs ou des assistants, dans la mesure du possible des Roms et/ou des Gens du voyage, devraient être employés et désignés par les pouvoirs centraux, locaux ou régionaux, avec la participation préalable des communautés de Roms et/ou de Gens du voyage concernées, pour servir de personnes contact, informer ces communautés et faciliter les procédures, notamment administratives, dans les différents domaines de la mise en œuvre de la stratégie/politique. Ces personnes devraient relever de l’administration publique et devraient recevoir une formation particulière et de qualité, financée, dans la mesure du possible, par les pouvoirs centraux, locaux ou régionaux.
ii. Toutefois, ces médiateurs ou assistants ne devraient jouer qu’un rôle subsidiaire et provisoire, et non se substituer à des mesures globales à long terme en faveur de l’émancipation et de l’éducation de ces communautés.
4. Conseils et formation
i. Toute loi nouvelle portant sur la lutte contre la discrimination devrait être assortie de recommandations pour aider les autorités chargées de veiller au respect de la loi à la mettre effectivement en œuvre. Les forces de l’ordre devraient recevoir une formation concernant leur devoir de s’abstenir de tout acte à caractère raciste, de prévenir activement de tels actes et de les réprimer rapidement, afin de garantir durablement la sécurité des communautés de Roms et/ou de Gens du voyage. Elles devraient entretenir des relations régulières avec ces communautés et leurs dirigeants de manière à encourager la coopération et la compréhension.
Il faudrait faire prendre conscience aux fonctionnaires (tels que les enseignants, policiers, praticiens de la santé et travailleurs sociaux) du racisme et de l’antitsiganisme directs et indirects dans le cadre de leur formation générale.
ii. Les Etats membres devraient veiller à ce que les autorités municipales et locales connaissent un processus de développement institutionnel les amenant à avoir des relations fondées sur l’équité et l’égalité avec les communautés des Roms et/ou des Gens du voyage. La formation du personnel, un bon encadrement, une gestion et une supervision compétentes, une orientation pratique, un suivi des performances ainsi que des procédures de recours efficaces sont des outils utiles pour assurer le changement institutionnel.
5. Rôle de la société civile
i. Les acteurs de la société civile représentatifs des Roms et/ou des Gens du voyage, notamment les ONG, devraient être encouragés à prendre part à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des politiques visant à améliorer leurs conditions de vie, aux niveaux tant national que local, de façon à faire bénéficier le processus de leur précieuse expérience et expertise.
ii. Les autorités devraient veiller à assurer la parité hommes-femmes dans tout le processus de consultation.
iii. Pour assurer un partenariat efficace avec les ONG, les Etats membres devraient encourager :
– les partenariats multiples avec les organisations de Roms et/ou de Gens du voyage ;
– la mise en place de réseaux d’organisations de Roms et/ou de Gens du voyage ;
– l’élaboration de projets communs et l’établissement de contacts réguliers entre les organisations de Roms et/ou de Gens du voyage et d’autres, non roms ;
– la diffusion de l’information auprès des communautés de Roms et/ou de Gens du voyage ;
– le renforcement de la capacité des Roms et/ou des Gens du voyage, afin de leur permettre de participer à des projets de développement destinés aux groupes vulnérables aux niveaux local, national et international ;
iv. Les organismes centraux et locaux ou régionaux devraient recevoir des ressources suffisantes pour mettre en place des initiatives dans les zones comptant d’importantes communautés de Roms et/ou de Gens du voyage.
v. Les Etats membres sont responsables de la stratégie et devraient s’abstenir de faire peser entièrement la responsabilité de sa mise en œuvre sur les ONG.
vi. Les autorités devraient tenir les ONG responsables de la bonne utilisation des fonds publics qui leur sont alloués.
6. Intégration des stratégies
i. Les besoins des communautés de Roms et/ou de Gens du voyage devraient être incorporés dans des stratégies nationales plus vastes. L’accès et la participation à la société en général sont des objectifs fondamentaux, mais il conviendrait d’appliquer également, lorsque cela s’avère nécessaire, des mesures ciblées en faveur des Roms et/ou des Gens du voyage. L’intégration des stratégies doit assurer l’existence d’un lien avec les autres activités relevant du même domaine, faciliter l’acceptation de cette problématique à tous les niveaux et permettre l’accès à tous les rouages administratifs nécessaires pour permettre aux Roms et/ou aux Gens du voyage d’avoir voix au chapitre dans les décisions les concernant. Les politiques ciblées devraient, pour leur part, garantir que les préoccupations spécifiques ne soient pas perdues de vue et que les particularités de la population des Roms et/ou Gens du voyage ne soient pas effacées dans les politiques plus générales.
L’intégration des stratégies devrait tenir compte des différences entre les sexes, et donc des besoins spécifiques des hommes et des femmes.
ii. Au-delà des améliorations apportées par tel ou tel projet, la mise en œuvre devrait chercher à atteindre des modifications systémiques.
VIII. Suivi et évaluation de la mise en œuvre de la stratégie
1. Principes de suivi
i. Des structures gouvernementales ou processus appropriés devraient être créés afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la stratégie dans différents secteurs, ainsi qu’à l’échelon local et/ou régional. Les systèmes de suivi devraient :
– être indépendants, transparents, bien coordonnés et dotés de fonds suffisants ;
– associer des hauts fonctionnaires et divers représentants des Roms et/ou des Gens du voyage choisis par la communauté elle-même et par les ONG de Roms. La parité entre les sexes devrait être respectée ;
– s’appuyer sur une base d’indicateurs et de repères définis au préalable pour permettre l’évaluation efficace des actions entreprises sur une certaine durée.
ii. Les textes législatifs ou administratifs créant les structures de suivi ou processus devraient contenir des dispositions claires sur :
– le mandat, les compétences, la composition, la fréquence des rapports de suivi et le financement ;
– une série d’indicateurs et de repères pour chaque domaine couvert par la stratégie. Ces indicateurs doivent être clairement en rapport avec l’objectif général de la stratégie ;
– les catégories de mesures à prendre pour atteindre les objectifs de la stratégie et les pouvoirs publics compétents pour ce faire, après consultation des associations de personnes concernées ;
– les mesures/projets qui peuvent être confiés aux associations de personnes concernées en vue de leur mise en œuvre et des rapports narratifs et financiers qui en découlent, ainsi que les conditions générales à remplir dans ce contexte ;
– les procédures de coordination et d’harmonisation à suivre ;
– la responsabilité qui incombe aux pouvoirs publics de présenter des rapports de suivi ;
– les garanties d’indépendance, notamment la liberté de nommer du personnel et d’exprimer publiquement son avis, la protection contre le licenciement arbitraire ou le non-renouvellement du mandat.
2. Publication des rapports de suivi
i. Les rapports de suivi devraient être périodiques, rendus publics, traduits dans les langues utilisées par les communautés concernées (par exemple en romani) et largement disponibles dans des formats accessibles (par exemple sur cassette ou CD Rom) et sur Internet afin de donner des possibilités de bien informer, et de manière fiable, la population sur les questions relatives aux Roms et/ou aux Gens du voyage.
Des réunions publiques avec des décideurs politiques, des experts et des représentants des communautés concernées devraient être envisagées.
ii. Un processus de consultation avec les communautés de Roms et de Gens du voyage devrait être prévu dans le suivi de la mise en œuvre.
iii. Les rapports de suivi devraient faire état des opinions des organisations de Roms et/ou de Gens du voyage, y compris les opinions dissidentes.
iv. Il faudrait encourager un suivi indépendant par des organisations de la société civile et prendre leurs recommandations en considération s’il y a lieu.
3. Evaluation
i. Des évaluations devraient être réalisées régulièrement (par exemple deux fois tous les cinq ans) dans le cadre d’un programme ou d’une stratégie pluriannuels, ainsi qu’à l’issue des programmes et des stratégies, afin d’identifier les retombées et les résultats à long terme pour l’ensemble des catégories de bénéficiaires visés.
ii. Les évaluations devraient :
– être effectuées par des organismes indépendants compétents en matière de questions de développement, de suivi et d’évaluation, et comptant un large nombre de représentants des parties intéressées ;
– s’appuyer sur des informations factuelles et sur les résultats du suivi, et non seulement faire intervenir les donateurs et les organes chargés de la mise en œuvre, mais aussi s’intéresser au point de vue des autres acteurs, et en particulier s’interroger sur la pertinence des actions menées pour les bénéficiaires visés et sur l’impact réel qu’elles ont sur leur vie ;
– réviser la performance, la rentabilité et le rapport coût-avantages des organes chargés de la mise en œuvre afin de garantir leur responsabilité et d’assurer la transparence de leurs conclusions, dans le but de favoriser la confiance ;
– devenir des outils d’apprentissage destinés à renforcer les programmes et les stratégies à venir en faveur des Roms et/ou des Gens du voyage dans des domaines similaires au niveau national, régional et/ou local.
iii. Les fonds destinés aux mesures conçues pour atteindre les objectifs de la stratégie feront l’objet d’une autorisation, conformément aux procédures appliquées dans chaque Etat, pour une certaine durée dans le cadre de la mise en œuvre de la politique, et seront chaque année soumis à réexamen.
iv. Si un rapport soumis par un organisme d’audit public contient des informations suffisantes sur des aspects justifiant la poursuite d’une mesure, ce rapport d’audit peut remplacer le rapport sur les résultats de l’évaluation en incluant une référence à ce dernier rapport.