Un impérieux devoir de mémoire

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Il y a quelques semaines l’intervention du Président de la République proposait que chaque élève de CM2 parraine un enfant victime de crimes nazis durant la dernière guerre. Cette proposition a fait l’objet de diverses polémiques en particulier de la part des historiens et des enseignants. A cette occasion, on a pu noter que, sauf rares exceptions, la plupart de commentateurs faisaient référence au génocide des juifs (la Shoah) passant sous silence le génocide des Tsiganes (Samudaripen). Cet « oubli » récurrent nous paraît lourd de sens et nécessite d’en mesurer la portée. Il ne s’agit pas ici de faire des comparaisons douteuses et encore moins de minimiser l’horreur du « projet hitlérien » d’extermination du peuple juif mais de comprendre pourquoi, après plus de soixante ans, notre mémoire collective semble sélective, oubliant que, avec la complicité des Etats Européens y compris la France, le pouvoir hitlérien a exterminé 500 000 tsiganes dans des conditions d’horreur absolue.

On peut trouver plusieurs raisons à ce « trou de mémoire » collectif et les intéressés eux-mêmes en conviennent. Pour la plupart, les tsiganes d’aujourd’hui ont fait le choix d’oublier cette période de leur histoire. Les plus anciens qui en gardent des traces vivantes disparaissent peu à peu. Depuis quelques années toutefois diverses associations, avec l’appui de chercheurs et d’historiens, s’efforcent de retrouver cette mémoire oubliée. La dernière manifestation organisée par L’ANGVC à Montreuil-Bellay, montre un souci pédagogique mais aussi les obstacles qui demeurent face à un rappel douloureux. Dans la région provençale, l’association Samudaripen à Arles milite dans ce sens depuis plusieurs années. Une stèle a été inaugurée dans la plaine de la Crau en mémoire du camp de Saliers. Des expositions ont été organisées aux Saintes-Maries-de-la-Mer mais aussi dans les écoles par les archives départementales. Depuis trois ans déjà, à l’occasion des cérémonies du souvenir au camp des Milles à Aix-en Provence, les autorités rappellent le génocide tsigane. Enfin les responsables du projet de mémorial prévu en ce lieu proposent d’y intégrer un chapitre sur les tsiganes.

Ces démarches récentes et encore modestes méritent d’être largement diffusées et amplifiées. En effet il n’est pas jour sans que nous soyons les témoins inquiets, à travers les médias, les discours, ou les propos des uns et des autres, d’une hostilité injustifiée sinon d’un racisme ordinaire vis-à-vis des tsiganes, qu’ils soient français ou étrangers. Cette banalisation du rejet de l’autre malgré une législation répressive, semble s’accélérer comme le montre le sondage récent fait auprès des maires qui, à plus de 59%, se disent défavorables à l’accueil des tsiganes dans leur commune. Il est grand temps de réagir et de rappeler sans cesse, avec l’aide des historiens, les conséquences dramatiques auxquelles peuvent conduire de telles attitudes. Ce devoir de mémoire s’impose à tous.

Alain FOUREST

Marseille le 10/03/2008


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