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Aller simple pour Timisoara}}
LE MONDE POUR MATINPLUS | 29.01.08 |
L’avion a décollé hier à midi de Roissy, direction Timisoara. A son bord, 150 Roms, embarqués dans le cadre d’une procédure d’aide au retour humanitaire exceptionnelle par son ampleur. Un second vol est programmé demain pour 50 autres passagers. Une aide au retour de 300 euros donnés à chaque adulte (et 100 aux enfants) ont convaincu les tsiganes, installés dans trois camps de misère à Villabé (Essonne), de rentrer en Roumanie. Ils vivaient depuis plus d’un an dans une trentaine de caravanes et cabanons, au détour d’un chemin boueux près d’un centre commercial. Une odeur de pourriture se dégage des détritus jetés à même le sol devant les caravanes.
« Toutes sortes de pathologies de la misère » sont apparues dans ces campements, indique Michel Aubouin, secrétaire général de la préfecture. A commencer par la tuberculose, prise en charge par la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales), mais qui a semé l’inquiétude parmi les habitants de Villabé. La commune et les propriétaires des terrains occupés ont saisi le tribunal de grande instance d’Evry qui, le 9 octobre, a ordonné l’expulsion. Mais la préfecture attendait la fin de l’hiver pour intervenir. C’est « à la demande des Roms », selon Michel Aubouin, que la procédure d’aide au retour a été mise en place.
Hier, donc, au petit matin, la police et le secrétaire général de la préfecture ont trouvé les 150 volontaires au départ fin prêts à monter dans les bus, avec leur peu de biens ficelé dans des valises de fortune. L’évacuation s’est déroulée sans problème, si ce n’est la colère de ceux qui restent. Une quarantaine de Roms n’étaient pas candidats au départ, tel Andreï, 23 ans, père de deux enfants : « Ils n’ont rien vérifié. Il y a des gens qui sont venus exprès de Roumanie pour toucher l’argent. A cause d’eux et de l’aide au retour, notre camp sera évacué plus vite ». Mercredi, la gendarmerie procèdera à l’expulsion.
Pour Yves Douchain, délégué du collectif Romeurope « le seul objectif est de dégager les gens. La politique d’aide au retour prétendument humanitaire est à relier avec la politique du chiffre [le nombre d’expulsions fixé au ministère de l’immigration]. C’est une commodité pour améliorer la note du préfet. » Selon lui, « beaucoup de Roms sont partis, attirés par les 3660 euros que l’Anaem (Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations) finance pour le montage d’un projet sur place, de type élevage de moutons ou de cochons. Mais en réalité, rien n’est préparé. C’est un pari impossible tant que la Roumanie ne leur fait pas une place, socialement et humainement ». Un Rom resté à Villabé, Sandor, 23 ans, arrivé en France à 11 ans, explique ainsi sa décision : « les Roms sont des esclaves en Roumanie comme les Noirs en France du temps des colonies. Je n’aime pas la Roumanie, je reste ici. » Sandor se dit persuadé que certaines personnes parties lundi reviendront dans quelques mois.
Quelle solution alors ? Yves Douchain fait valoir une expérimentation lancée en Seine-et-Marne en 2002. « Huit communes de la ville nouvelle de Sénart se sont entendues avec le préfet de l’époque pour faire accompagner les Roms par des travailleurs sociaux, dit-il. Petit à petit, les enfants sont allés à l’école, les adultes ont trouvé un travail et des logements sociaux leur ont été loués. A part pour deux ou trois, ça a marché. Cela existe aussi dans le Val-de-Marne. Il faut que ces expérimentations soient poursuivies avec l’aide de l’Etat et de l’Europe. Sinon, c’est sans issue. »
Anne Rohou
Les Roms, des citoyens européens
Depuis le 1er janvier 2007, les Roms sont citoyens européens. Ils ne peuvent donc pas bénéficier de l’aide au retour classique accordée aux immigrés africains notamment. Seule l’aide au retour dite humanitaire leur est ouverte, quand leurs conditions de vie posent de gros problèmes sanitaires. C’est le cas de la plupart des campements en région parisienne. L’an dernier, en Essonne, les aides au retour ont concerné 87 Roms. Cette semaine, ils seront au total 200 à rentrer en Roumanie.