{{COMMUNIQUE}}
{{Les retours humanitaires forcés : un nouveau concept !}}
Le ministre de l’Immigration a bien du mal à atteindre l’objectif de 25.000 reconduites à la frontière qui lui a été fixé pour 2007… Il s’en était justifié en août dernier en mettant en avant « la difficulté d’expulser Roumains et Bulgares », dont les pays sont désormais membres de l’UE, ce qui rend les procédures « plus complexes ». Il vient de trouver une solution : des dispositifs d’aide au « retour humanitaire », instaurés par une circulaire de décembre 2006, ont été utilisés à plusieurs reprises pour habiller des opérations d’expulsion de ces nouveaux citoyens européens.
A Bondy (93) le 26 septembre dernier, à Saint-Denis le 10 octobre, à Pierrelaye le 17, Bagnolet le 24, et dans d’autres villes encore, la police a investi à l’aube des terrains occupés par des Rroms, ressortissants bulgares ou roumains selon les cas, a fait monter les habitants dans des bus affrétés tout exprès, et leur a donné à choisir entre « la prison » ou « l’expulsion immédiate avec l’aide au retour ». Personne n’a été autorisé à récupérer ses affaires, ni à présenter les documents qui auraient pu prouver qu’il remplissait toutes les conditions pour avoir le droit de rester durablement en France. Ceux qui avaient sur eux leurs passeports se les sont vu confisquer. Les bus ont emmené tout le monde directement en Bulgarie ou en Roumanie, quasiment sans faire de halte.
A l’arrivée, des chèques correspondant à la fameuse « aide au retour » ont été remis à chacun des passagers de ces bus, d’un montant de 153 euros pour les adultes et de 46 euros pour les enfants.
Les expulsions de terrains occupés parfois depuis des années par des Rroms, de quelque nationalité qu’ils soient, ne sont pas exceptionnelles. Dès le début de l’été, ces expulsions ont été accompagnées de distribution en rafales d’OQTF (Obligation à quitter le territoire français), motivées de façon plus que fantaisiste. Les opérations de ces dernières semaines sont, elles, d’un genre tout nouveau, où se conjuguent brutalité et mépris total du droit.
Les victimes de ces retours forcés sont en effet des citoyens européens, et depuis janvier 2007, Bulgares et Roumains, à l’instar des ressortissants des dix Etats devenus membres de l’UE en mai 2004, jouissent du droit à la libre circulation en Europe.
En cas de contestation de ce droit en France, il doit leur être remis une OQTF dûment motivée. Seulement voilà : une mesure administrative est susceptible de recours, et la procédure qui s’ensuivrait empêcherait d’exécuter l’expulsion du territoire ou rendrait difficile de l’exécuter rapidement. Or il faut faire du chiffre ! Et peu importe que les personnes chassées reviennent quelques semaines après…
Par bonheur, une circulaire de fin 2006 (*) organise des retours dits « humanitaires », gérés par l’ANAEM, pour les étrangers en situation irrégulière ou de dénuement. Quelle aubaine !
Certes, cette circulaire détaille toute une procédure à mettre en œuvre : information, préparation d’un projet de réinstallation, accompagnement personnalisé avant le départ et le cas échéant à l’arrivée dans le pays de retour. Dans les opérations des dernières semaines, rien de tout cela n’a été respecté : ni vérification du droit au séjour des intéressés, ni notification d’une OQTF, ni information, ni enquête sociale… Rien, sinon les 153 euros, gages apparemment qu’il s’agit bien de la procédure ANAEM de retour « humanitaire ».
Nicolas Sarkozy, lors de sa récente visite en Bulgarie, a déclaré, évoquant le sauvetage des infirmières bulgares, que tout « opprimé (…) devient automatiquement français » !! Le paradoxe entre les larmes versées sur les infirmières bulgares (en Bulgarie) et le traitement réservé aux Bulgares (en France) est aussi éclatant que celui qui associe l’idée d’aide au retour « humanitaire » avec le sordide de ces rafles menées au petit jour, dans la précipitation, sous les menaces et le chantage, avec destruction de tous les biens des personnes raflées… Nouvelle figure de l’humanitaire, ces citoyens européens enfermés à bord de bus roulant à tombeau ouvert ?…
(*) circulaire interministérielle DPM/ACI3/2006/522 du 7 décembre 2006.