{{DES EXPERTS ONUSIEN ET EUROPÉEN DES DROITS DE L’HOMME DEMANDENT DES MESURES POUR PROTÉGER LE DROIT AU LOGEMENT DES ROMS EN EUROPE}}
24 octobre 2007
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’europe, M. Thomas Hammarberg, et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable, M. Miloon Kothari, ont fait aujourd’hui la déclaration commune suivante:
«Les droits au logement des Roms sont bafoués dans plusieurs pays d’Europe. Nos bureaux ont reçu un nombre croissant de plaintes à ce sujet concernant un nombre considérable d’États européens, notamment l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, l’Espagne, la Fédération de Russie, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Roumanie, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie.
La majorité de ces communications font état d’expulsions de communautés et de familles roms auxquelles il a été procédé en violation des normes des droits de l’homme, en particulier pour ce qui est du droit à un logement décent et à la vie privée, des garanties procédurales et des recours disponibles.
Ces dernières années, le sentiment d’hostilité à l’égard des Roms ou l’«antitsiganisme» se sont indéniablement accrus en Europe. Il est regrettable que les actions de nombreux pouvoirs publics – notamment au niveau local – aient consisté à approuver cette intensification de la haine «anti-Rom». En conséquence, le taux et le nombre d’expulsions forcées de Roms a considérablement augmenté, et la ségrégation ainsi que la ghettoïsation dans le domaine du logement semblent s’être renforcées et enracinées.
Les expulsions forcées s’accompagnent souvent de menaces ou d’actes de violence à l’encontre des Roms. On observe également que les activités des municipalités en matière d’urbanisme sont de plus en plus déterminées à la fois par les impératifs du marché et par un mépris à l’égard de personnes considérées comme des «Gitans». L’expulsion des Roms des centres-villes – hors de la vue du public – fait en effet activement partie des politiques publiques. Ces questions soulèvent de profondes préoccupations quant à la justice sociale en Europe.
Les principaux instruments internationaux des droits de l’homme qui codifient le droit à un logement décent sont notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la
Charte sociale européenne révisée. De nombreux autres traités des Nations Unies ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme et la législation de l’Union européenne dans le domaine de la non-discrimination sont également pertinents.
Le droit à un logement décent est fondamental pour pouvoir jouir d’autres droits. Par conséquent, les violations dans ce domaine ont des répercussions considérables sur la capacité des personnes et des communautés de Roms et de Gens du voyage à jouir effectivement du droit de ne pas subir de traitement dégradant mais aussi de tous les autres droits: vie privée, éducation, emploi, nourriture, santé, sécurité sociale, liberté de déplacement, droits électoraux (droit de vote et droit de se présenter à des élections). Le fait que les Roms vivent dans des bidonvilles a conduit, ces dernières années, à ce que les services ambulanciers refusent d’envoyer des véhicules en cas d’urgence médicale et à ce que la Poste refuse ses services ou ne les assure pas, empêchant les personnes concernées de saisir les opportunités de bourse d’étude et de bénéficier d’autres biens et services.
Le niveau inférieur d’éducation des Roms observé dans nombre de pays européens s’explique souvent par un placement loin d’établissements scolaires corrects ou des expulsions répétées. Le droit au logement est aussi lié à l’inégalité entre les sexes, et la discrimination ainsi que les violences multiples que connaissent les femmes roms doivent être prises en compte lors de la mise en place de mesures positives.
Nous sommes d’avis que des efforts concertés sont nécessaires au niveau national, local et paneuropéen pour mettre fin à la crise du logement qui touche les Roms. La législation, la politique et la pratique doivent absolument être améliorées:
·Les dispositions juridiques internes devraient être renforcées – au lieu d’être ignorées – afin de garantir la sécurité du droit d’occupation pour tous les groupes et personnes vulnérables;
·Les dispositions juridiques de protection contre les expulsions forcées devraient être mises en conformité avec le droit international; les autorités nationales sont encouragées à appliquer les Principes de base et les Directives sur les expulsions et les déplacements liés au développement élaborés par le Rapporteur spécial sous l’égide du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies;
·Lorsque des personnes ou des communautés sont expulsées de leur logement ou de leur terre à la suite d’un conflit ethnique ou autre ou en raison d’actes arbitraires commis par l’administration publique ou des personnes agissant en son nom, un recours et des mesures de réparation appropriés devraient être rapidement disponibles; les personnes ou entités ayant enfreint la loi devraient être traduites en justice;
·L’utilisation de mesures relevant du droit pénal pour empêcher les modes de vie itinérants devrait cesser, et des terrains adéquats devraient être réservés aux Gens du voyage dans les pays, régions ou zones où ces communautés existent;
·Les campements non officiellement autorisés de Roms devraient être officialisés et mis aux normes de manière à garantir la dignité des habitants. Les communautés de Roms concernées devraient être pleinement et véritablement consultées;
·Les pays devraient mettre en place des cadres juridiques solides afin de s’assurer que les collectivités locales respectent le droit international en matière de droit au logement;
·Les normes juridiques européennes relatives à la législation contre la discrimination devraient être rigoureusement appliquées afin de mettre fin au traitement arbitraire fondé sur l’hostilité raciale à l’encontre des roms.