L’expulsion des Roms : Le tragique feuilleton de l’été

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{{Bidonville de la Soie}}

Le 1er Aout, l’expulsion du bidonville sera effective.
A l’exception des personnes ayant trouvé un emploi et de celles qui présentent des problèmes de santé, des familles seront soit dans l’obligation de regagner leur pays d’origine, la Roumanie, soit de rechercher un nouvel habitat de fortune dans l’agglomération.
Pour l’Alpil, cet événement est aussi l’occasion d’un bilan. Depuis février dernier, notre intervention aux côtés des habitants du bidonville a pris une forme nouvelle. Mandatée par la Préfecture du Rhône, soutenue par la Fondation Abbé Pierre, en lien avec Médecins du Monde et avec les militants de l’association Classes, elle s’est déroulée dans le double souci de répondre à la commande publique et de soutenir les personnes, les familles dans leur recherche d’intégration. Cette posture aux côtés des personnes et proche des lieux de décisions, a fait partie du mode d’intervention choisi par les fondateurs de l’Alpil. Nous continuons à nous y conformer.
Le bilan que nous tirons aujourd’hui est fait d’éléments positifs, de constats négatifs et de projets d’avenir.
1. Dans la première catégorie, nous rangeons l’engagement fort et souvent difficile de ceux qui se sont lancés dans la recherche d’une insertion sociale et professionnelle. Plusieurs personnes ont accepté malgré des conditions d’existence quotidienne très dures de se rendre sur les lieux de formation et au travail. Elles l’ont fait en dépit de la honte de se sentir différentes, par manque d’hygiène surtout, au milieu d’autres stagiaires « normaux » comme elles le disaient.
Les services de la Direction Départementale du travail et de l’ANPE se sont mobilisés. Le soutien exceptionnel du dispositif Accelair (Forum Réfugiés) a été déterminant.
Nous saluons aussi, les parents et les enfants qui bien que subissant les mêmes contraintes du taudis ont eu à cœur l’assiduité scolaire. Il va sans dire que l’action des instituteurs des écoles, de l’ASET et des militants de Classes est pour beaucoup dans cette réussite.
Dans la vie quotidienne du bidonville, des hommes et des femmes ont su prendre des responsabilités, malgré l’adversité, pour mettre un peu de lien social et rechercher les moyens d’améliorer l’hygiène et la sécurité. Dans ce domaine, la Mairie de Villeurbanne a apporté une réelle contribution, comme l’ont fait les services du Grand Lyon à leur tour. Cette conjonction d’efforts a évité des accidents comme le drame connu à Surville.
La prise en charge des problèmes de santé a été effective.
La participation et le soutien de la Fondation Vinci, en lien avec Médecins du Monde, ont été la manifestation d’une solidarité active et efficace. Elle trouve aussi sa place dans le bilan positif.
Les relogements qui ont été rendus possibles par la mobilisation du SIAL, de plusieurs associations et bailleurs (Aralis, Aslim, Grand Lyon), même s’ils n’ont pas permis la fin que nous souhaitions pour le bidonville ont permis l’accueil dans de bonnes conditions de près de 70 personnes.
De cette partie du bilan, nous retiendrons quelques enseignements. Le premier est celui de l’importance du pilotage de l’Etat qui a permis de renforcer et de donner une légitimité nouvelle aux engagements associatifs.
Le deuxième est celui de la nécessité d’une intervention de terrain permanente de professionnels et de bénévoles. Sans équipe disponible et pluridisciplinaire, il n’est pas possible d’agir aux côtés d’une population qui présente des demandes fortes et diverses.
Le troisième est, comme les deux précédents aussi un constat : seule une addition des forces et une mobilisation des compétences qui sont dispersées entre services de l’Etat, des collectivités, du secteur privé et des associations permettent un peu d’efficacité.

2. L’activité de ces deniers mois entraîne également un compte négatif.
Une augmentation de la demande Roumaine dans notre agglomération comme dans les autres régions de France avec lesquelles nous sommes en relation n’a pas trouvé de régulation faute d’un mode d’accueil organisé, administré et anticipé. En cela cette période ne diffère guère de celles que nous avons connues dans le passé (squats de l’agglomération à la fin des années 90, bidonvilles de Boelhen, de Surville, de Saint Priest, de Villeurbanne, etc…).
Nous pouvons également mettre dans cette catégorie la trop difficile mobilisation organisée des personnes concernées, prises dans des modes de concurrence interpersonnelles face à la pénurie de réponse et l’absence de cadre précis de leurs voyages dans la nouvelle Union Européenne à laquelle elles appartiennent maintenant.
La présence d’une délinquance au sein de la population n’a pas été réduite. Elle a renforcé une image négative.
L’hostilité, dont sont victimes les roms de Roumanie, n’a pas, dans ce contexte, été diminuée. Au contraire même elle a donné lieu pour la première fois à des manifestations publiques.
L’image et la réalité se confondent souvent au point que le poids de l’opinion publique se fait sentir dans les différentes réponses négatives que nous avons reçues en particulier vis-à-vis des projets d’installations de terrains aménagés.
De ces considérations négatives, nous devons également tirer des enseignements.
Enfin, l’incompatibilité entre le temps réel, celui de l’installation et de la vie du bidonville, celui des personnes et des familles concernées, et le temps du politique, de l’administration et du financier, celui de la prise de décision et de son application, demeure le principal obstacle à une action qui relève très souvent de l’urgence.
Il n’est pas possible d’imaginer la présence et l’accueil des roms de Roumanie, citoyens de l’Union Européenne sans débat et réflexion politique. L’absence, ou à tout le moins la faiblesse, de la dimension politique dans cette affaire est le premier des éléments négatifs.
Les migrations intra-européennes sont une donnée nouvelle et incontournable. Elles font partie des questions que nos cités devront affronter encore demain. C’est donc comme telles qu’elles doivent être abordées.
Enfin, le troisième point négatif que nous devons souligner est celui de l’absence de clarté de la situation des nouveaux entrants dans l’Union Européenne. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé nécessaire de mettre au point un « guide du migrant ».

3. Au terme de notre engagement dans la résolution du bidonville de la Soie, nous ne pouvons pas ne pas mettre en avant les projets qui nous semblent devoir concourir à une approche renouvelée d’une question qui trouble notre agglomération depuis maintenant plus de dix ans. Parce que la question se pose en des termes nouveaux, les conditions sont peut-être réunies d’agir de manière nouvelle.
C’est pourquoi nous appelons de nos vœux la tenue de la « conférence d’agglomération » proposée par le Préfet. Nous souhaitons qu’elle soit l’occasion d’une information précise sur les conditions, les raisons, les risques et les atouts de ces migrations. Nous souhaitons qu’elle soit l’occasion d’un échange sur les actions déjà conduites, les réussites, les échecs, les moyens mis en œuvre, dans notre région et dans les autres régions de France. Nous aimerions aussi qu’elle soit un moment de réflexion sur les solidarités européennes mais aussi inter-communales indispensables.
Nous attendons de l’Etat, mais aussi de l’Europe, une clarification des règles et des moyens d’information à destination des populations concernées.
Nous voulons enfin nouer des liens avec les acteurs de terrain, qui comme nous dans l’espace européen, interviennent pour une gestion conforme aux Droits de l’Homme de ces migrations qui font partie aujourd’hui des réalités de notre quotidien.
C’est ainsi que l’évacuation du bidonville de la Soie ne sera pas un échec.

Alpil. Juillet 2007


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