Paris, le 17 novembre 2006
Lettre ouverte à
– Monsieur le Président de la République
– Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
– Messieurs les Présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale
– Mesdames, Messieurs les députés
Le nombre de places réalisées sur le territoire national pour l’accueil des « gens du voyage » demeure à ce jour très insuffisant au regard des besoins recensés dans l’ensemble des plans départementaux établis à cet effet par la loi du 5 juillet 2000.
Face à un besoin total estimé à 40 000 places, environ 8 000 sont aujourd’hui officiellement disponibles, soit moins de 20 % de l’objectif affiché, plus de 6 ans après l’adoption de cette loi.
Cette pénurie est créée par la défaillance, voire l’opposition des élus locaux, qui sont les seuls responsables de la non réalisation de ces aires, pourtant imposées par la loi.
Dès lors, la possibilité pour les personnes vivant en caravanes de stationner de manière régulière est plus que réduite. Elle contraint inévitablement ces familles à s’installer sur des terrains disponibles non prévus à cet effet, faute de places légales.
Malgré ce constat partagé par tous et assumé par l’Etat, le Gouvernement et le Parlement ont déjà décidé en 2003, dans la loi de sécurité intérieure, de renforcer les sanctions à l’encontre des installations des « gens du voyage » hors des aires autorisées. A l’inverse, aucune condamnation des maires qui refusent de se mettre en conformité avec la loi qui leur impose de réaliser ces aires n’est prévue.
De telles mesures demeurent injustes et irresponsables. Elles jettent l’opprobre sur ceux qui subissent au quotidien cette carence de places alors qu’ils n’en sont que les victimes et elles créent un climat de tension préjudiciable à tous.
Dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en débat à l’Assemblée nationale, que nous dénonçons par ailleurs dans la globalité, un amendement présenté par Monsieur Hérisson, adopté au Sénat (cf annexe 1), marque une nouvelle étape supplémentaire dans l’inacceptable.
Il prévoit qu’en cas de stationnement irrégulier, le maire ou le propriétaire du terrain occupé peut demander au préfet une mise en demeure aux occupants pour quitter les lieux dans un délai qui peut être réduit à 24 heures.
Les familles peuvent alors, dans cette même journée, demander son annulation au tribunal administratif, recours qui serait suspensif le temps pour le tribunal de statuer sous 3 jours. Sinon ou faute de départ volontaire, le préfet sur sa seule décision peut procéder à l’évacuation forcée du terrain.
Ce projet d’article, s’il était voté par le Parlement, porterait très gravement atteinte aux droits fondamentaux des « gens du voyage » (cf annexe 2) :
– d’une part, du fait de la suppression de l’intervention préalable de l’autorité judiciaire, qui est en vertu de l’article 66 de la Constitution garante du respect des libertés individuelles, au profit d’une seule possibilité de recours administratif a posteriori,
– d’autre part, en raison de l’atteinte flagrante au principe d’inviolabilité du domicile, ici les caravanes qui constituent l’habitat permanent des « gens du voyage », qui pourraient être évacuées sans aucun contrôle de la procédure par le juge judiciaire, ce qu’avait déjà rappelé le Conseil Constitutionnel en 2003,
– enfin, par la rupture de l’égalité des citoyens devant la Justice avec une atteinte aux droits de la défense des seuls « gens du voyage » avec des délais de recours qui peuvent varier d’une situation à l’autre, d’un préfet à l’autre, et qui peut être réduit à une seule journée.
C’est pourquoi, nous vous demandons instamment d’intervenir afin de retirer ces dispositions anticonstitutionnelles qui réduiraient encore la citoyenneté des « gens du voyage » et stigmatiseraient des personnes qui n’aspirent qu’à l’égalité des droits.
Associations signataires :
FNASAT
LDH
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