La double peine

LA DOUBLE PEINE
 
Lors du débat que nous avons initié en mai dernier à Arles sur le bilan des lois BESSON les représentants des voyageurs ont constaté que, malgré les bonnes intentions de son auteur, ce texte ne conduisait qu’à réduire un peu plus leur liberté. L’obligation qui leur est faite de stationner sur un « terrain » désigné (c’est le terme employé par beaucoup d’entre eux) a pour conséquence de leur interdire tout le reste du territoire communal, qu’il soit public ou privé. C’est bien là l’aspect pervers de cette loi qui porte en elle une nouvelle restriction au droit d‘aller et de venir reconnu par la constitution à tout citoyen.
On objectera que ces « terrains d’accueil » S’ils avaient été réalisés sur l’ensemble du territoire auraient permis de conditions de séjour plus satisfaisant et moins précaires. Par ailleurs, le respect de la propriété privée et l’évolution de l’urbanisation ont restreint pour chacun d’entre nous la liberté de circulation. On peut aussi s’interroger sur le refus de la plupart des gestionnaires de camping publics ou privés de recevoir des « gens du voyage »
A l’évidence la loi Besson a été perçue par les élus qui l’ont approuvée comme une timide concession ayant comme contre partie un contrôle renforcé du « nomadisme » considéré plus que jamais comme contraire à la sécurité publique.
La récente décision du Conseil Constitutionnel qui reconnaît la conformité de l’article 9 de la loi autorisant les maires à interdire tout stationnement sur son territoire en dehors de l’aire d’accueil autorisée ne fait que confirmer cette orientation politique qui réduit à une peau de chagrin le choix des gens du voyage à maintenir malgré tout un mode de vie itinérant.
Dans d’autres pays européens comme en Espagne par exemple, cette crainte historique du nomadisme a conduit depuis longtemps à en interdire la pratique et à développer la sédentarisation obligatoire. La France n’a pas à ce jour osé aller si loin dans la contrainte, mais les multiples restrictions au nomadisme ont conduit de nombreuses familles à renoncer au moins provisoirement au voyage. Elles n’ont pas pour autant renoncé à leur mode de vie et fait le choix d’un habitat traditionnel individuel ou collectif. La proximité de la nature et la vie en plein air et l’habitat léger (caravane, mobil home etc.) demeure leur priorité. On notera que ce type d‘habitat n’est pas seulement souhaité par les gens du voyage mais par de plus en plus de citoyens.
Mais la recherche de ce type d’habitat se heurte à de nouveaux obstacles sous prétexte du respect des règles d’urbanisme voir de sécurité ou d’hygiène. Qu’il soit propriétaire ou simple usager d’une parcelle de terrain, le voyageur qui se sédentarise une partie de l’année est confronté à l’hostilité générale e et à la vindicte de la plupart des élus et de fonctionnaires. On ne compte plus les menaces et les procédures judiciaires engagées pour contraindre « ces intrus » à s’en aller voir ailleurs. Et pourtant des textes réglementant les terrains familiaux (circulaire du 17 décembre 2003) auraient permis de répondre à cette attente, mais ils ne sont pas appliqués.
 
Circulation et stationnement de plus en plus contraints, sédentarisation impossible c’est bien à une double peine que les gens du voyage sont aujourd’hui assignés. Ceux qui refusent cette alternative impossible et veulent coûte que coûte préserver leur culture et leur mode de vie ont, à juste titre le sentiment d’être rejetés à la marge de la société. Ceux qui renoncent, et acceptent le « droit commun » ne se voit proposer d’autre choix qu’un habitat social souvent dégradé.
Le rejet ainsi institutionnalisé d’une partie de la population sous couvert de l’égalité des droits est une hypocrisie manifeste qui remet notre capacité à vivre ensemble dans le respect de chacun.
Alain FOUREST
Marseille le 14 juillet 2010
 


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