Roms: Paris et Bucarest cherchent des solutions bilatérales et européennes
De Jean-Louis DE LA VAISSIERE (AFP)
BUCAREST — Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Pierre Lellouche a plaidé à Bucarest pour une "mobilisation commune" franco-roumaine pour endiguer les allers-retours de Roms roumains en France et travailler au niveau européen à leur insertion.
M. Lellouche a pratiquement consacré, jeudi et vendredi, toute sa visite à la situation précaire de cette minorité, contraire, selon lui, aux "valeurs" européennes et donc "inacceptable".
"En Roumanie ce sont deux millions de personnes, à l’échelle de l’Europe dix millions de personnes, il faudra qu’on se donne les moyens de réussir", a-t-il déclaré.
Non-intégration sur le marché du travail et dans le système éducatif, trafics d’êtres humains, prostitution, criminalité et mendicité: un groupe de travail s’est réuni vendredi dans la capitale roumaine sous la présidence de M. Lellouche et de son homologue Bogdan Mazuru pour tenter de pallier les problèmes épineux touchant les Roms.
Le document de travail qui en est issu devrait être "une sorte de modèle" pour les autres pays européens concernés, a indiqué M. Lellouche.
L’aide au retour humanitaire française semble inefficace: 8.000 Roms ont été reconduits vers la Roumanie en 2009, avec un billet d’avion, 300 euros par adulte (100 euros par enfant). Soit un budget de 9 millions d’euros, auquel s’ajoutent 4.000 euros versés à quelque 160 Roms aidés par des ONG et ayant démarré un projet professionnel en Roumanie Mais près des deux-tiers d’entre eux reviennent ensuite, selon les estimations.
"Leur donner de l’argent est voué à l’échec, la plupart vont retourner en France" pour gagner de nouveaux pécules, a prévenu Marian Tutilescu, secrétaire d’Etat roumain à l’Intérieur. M. Lellouche se propose d’engager une réflexion sur la validité de cette aide pécuniaire.
Le Premier ministre roumain Emil Boc a assuré la France de la "tolérance zéro" de son pays sur les trafics d’êtres humains. "De nouvelles voies de coopération sur le plan institutionnel et politique" doivent être explorées, mais dans le plein respect de la législation européenne sur la libre circulation des personnes", a-t-il indiqué.
Aucun cadre juridique ne permet d’empêcher les Roms, citoyens roumains et communautaires, de voyager en Europe, sauf s’ils sont des délinquants recherchés ou des mineurs non accompagnés.
M. Boc a annoncé la désignation d’un secrétaire d’Etat chargé du suivi de la réinsertion des Roms expulsés, instamment réclamée par la France, et une présence permanente et étoffée de magistrats et surtout de policiers roumains en France pour repérer les responsables des trafics. Des engagements ont été pris en matière d’éducation.
Un troisième volet de la coopération concerne l’utilisation de fonds français et européens pour l’insertion dans une société où la discrimination des Roms reste forte malgré les efforts du gouvernement roumain.
Paris et Bucarest devraient présenter des projets d’insertion à l’occasion d’une conférence européenne sur les Roms à Cordoue (Espagne), en avril. "Nous ne venons pas comme donneurs de leçons", a assuré M. Lellouche en soulignant les liens étroits et confiants de la France et la Roumanie.
A l’issue de la visite, le ministre soulignait que "les Roumains ont compris que le risque de dégradation de leur image en France et dans d’autres pays européens commençait à être sérieux".
"Dès lors, a-t-il observé, ils ont aussi réalisé qu’il fallait se mobiliser contre les trafics d’êtres humains et commencer une véritable politique d’insertion, en sachant que l’Europe est disposée à les aider".