Berlin : Un mémorial aux Tsiganes tués par les nazis

NOUVELOBS.COM | 19.12.2008

Un mémorial aux Tsiganes tués par les nazis

La construction à Berlin d’un mémorial dédié aux Sinti et aux Roms tués par les nazis en Europe pendant la seconde guerre mondiale vient d’être lancée.

L’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz en 1994. (Sipa)

L’Allemagne va ériger un monument en mémoire des centaines de milliers de Tsiganes (Sinti et Roms) déportés et tués par les nazis en Europe. La construction est lancée vendredi 19 décembre à Berlin, 66 ans après la signature par Himmler, chef des S.S, d’une circulaire désignant ce peuple comme « un ennemi biologique, de race étrangère et de sang étranger », et ordonnant leur déportation. Les S.S était une organisation paramilitaire nazie responsable d’effroyables massacres dans les pays occupés pendant la Seconde guerre mondiale. Sur les 700.000 Tsiganes que comptait l’Europe à l’époque, entre 250.000 et 500.000 d’entre eux ont été exterminés.

Prévu depuis 1992
Le projet a été laborieux à mettre en place, pour cause d’imprécision s’expliquant par la pénurie de documents. En Allemagne, sur 40.000 Tsiganes, 25 000 ont été tués, tandis que la France de Vichy les plaça dès octobre 1940 dans des camps d’internement.
Dans la typologie raciale nazie, les Tsiganes étaient classés comme une catégorie « hybride » dont la non-sédentarité caractérisait la « dégénérescence ».
Ceci justifiait aux yeux du IIIe Reich leur stérilisation et leur déportation dans des camps. Ils y seront exterminés, comme à Auschwitz-Birkenau, ou livrés aux expériences médicales de chercheurs nazis, comme au camp du Struthof en Alsace.
Alors que le mémorial aux quelque six millions de juifs d’Europe ayant péri dans l’Holocauste trône depuis trois ans déjà près de la porte de Brandebourg à Berlin, la construction d’un monument aux Sinti et Roms se heurtait depuis longtemps à des désaccords entre différents représentants de la communauté concernée.
La décision du gouvernement allemand remonte pourtant à 1992, et toutes les conditions sont réunies de longue date pour cette construction: le financement de deux millions d’euros fournis par l’Etat fédéral, le terrain dans le grand parc central du Tiergarten face au Parlement et le projet de l’artiste israélien Dani Karavan.

Dispute sémantique
Mais une bagarre sans fin entre le président du Conseil central des Sinti et Roms allemands Romani Rose et la présidente de l’Alliance Sinti Natascha Winter sur le choix de l’inscription ont retardé la réalisation du mémorial.
M. Rose souhaitait une citation tirée d’un discours de l’ancien président allemand Roman Herzog évoquant « les Sinti et les Roms » tandis que Mme Winter exigeait que le terme « Tsigane » figure dans la dédicace.
En 1982, le Conseil central avait décidé de remplacer par Sinti et Roms le terme Tsigane, employé depuis 500 ans mais qu’il considère comme péjoratif. Or le terme Sinti exclut certains groupes des gens du voyage, tandis que Roms est souvent utilisé par les Tsiganes pour s’auto-désigner.
Finalement, les protagonistes ont tranché: chacun sera libre d’utiliser le terme Sinti et Roms pour désigner le mémorial, mais sur le monument même les victimes devront être définies comme le groupe ayant été poursuivi en tant que Tsiganes.
Un long débat qui se termine bien, comme s’en félicite le ministre de la Culture allemand Berd Neumann : « Ce fut un processus difficile mais désormais le mémorial va enfin pouvoir voir le jour ces prochaines années ». Sur un puits rempli d’eau sombre sera également inscrit un poème de l’Italien Santino Spinelli, intitulé « Auschwitz »: « Visage effondré/Yeux éteints/Lèvres froides/Silence/Un cœur déchiré/Sans souffle/Sans mots/Pas de larmes ».


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