{{ {{{Lettre ouverte aux élus, à l’Etat français, à ses représentants}}} }}
Gordon est mort ce samedi 16 février, à Gargenville, dans les Yvelines. Il aurait eu huit ans au mois de mai. Gordon a fait une chute de dix mètres en passant au travers du toit de l’usine désaffectée où il vivait en caravane avec ses parents.
Gordon et sa famille sont français depuis plusieurs générations. Ils sont de ceux qu’on nomme tour à tour tsiganes, voyageurs, nomades, manouches, gitans, bohémiens, etc…
Ils sont de ceux qui sont sans cesse pourchassés, expulsés, errant de places interdites en places interdites du seul fait que la loi sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage n’est pas respectée par les communes.
Ils sont de ceux qui sont mal-logés, non pas parce qu’ils sont pauvres, mais parce qu’ils sont tsiganes, voyageurs, vivant en habitat mobile.
Gordon était un élève du camion école. Parce qu’il était en situation illégale et précaire d’habitat, il ne pouvait aller à l’école comme tous les autres enfants, alors l’école venait à lui sur le terrain, au milieu des rats, des détritus, des décombres de l’usine désaffectée sans trop bien savoir si le site n’était pas pollué.
Combien faudra-t-il d’enfants morts, de mères défigurées par la douleur, de pères en pleurs pour que soit prise la juste mesure des conditions réelles de vie des familles du voyage ?
Gordon est mort parce qu’il était voyageur, parce qu’avec sa famille il n’avait pas la possibilité d’habiter en caravane sur un terrain exempt de tout danger, parce qu’on lui a refusé l’accès à un habitat adapté, parce qu’il n’y a pas d’aire d’accueil alors qu’il était de passage dans les Yvelines.
Gordon est mort parce que des considérations fallacieuses priment dans les débats sans fin et retardent la mise en application de la loi Besson, parce qu’on privilégie les protections fort coûteuses, humiliantes et inefficaces pour empêcher les installations sauvages au détriment de l’aménagement de terrains, parce qu’on se renvoie la balle entre l’Etat et les collectivités, parce qu’on a d’autres préoccupations parfois aussi dérisoires que « flatter l’électorat » au détriment de la vie d’un enfant, parce qu’on use de répressions injustes et de mesures ségrégatives au détriment des lois républicaines.
Faut-il rappeler l’article 223-6 du code pénal sur la non assistance à personne en danger?
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours
Il faut cesser de jouer avec la vie des uns et la crédulité des autres.
A l’argument qui consiste à dire que la mise en œuvre de la loi Besson est trop lourde financièrement pour les communes,
j’oppose les choix de terrains délibérément onéreux nécessitant des infrastructures lourdes,
j’oppose les exemples des communes qui respectent leurs obligations à moindre coût, voire en faisant des profits.
A l’argument qui consiste à se retrancher derrière les réactions des administrés contre l’installation de familles du voyage,
j’oppose la réélection systématique des Maires qui ont posé un véritable acte politique, de courage, de responsabilité et d’humanisme, digne du message délivré sur les frontons des édifices publics : liberté, égalité, fraternité, pour tous y compris pour les « nomades ».
A l’argument qui consiste à stigmatiser le caractère délinquant de cette population,
j’oppose le délit de survie,
j’oppose la nécessité pour les gardiens du droit de veiller eux-mêmes à respecter leurs devoirs.
Aux rappels incessants des devoirs des gens du voyage vis-à-vis de la société,
j’oppose le dernier rapport de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) qui dénonce les discriminations dont sont l’objet les voyageurs au regard de la société française, les lois spécifiques qui font d’eux des citoyens à part.
Pour que Gordon ne soit pas mort pour rien :
Mesdames et Messieurs les Elus
►agissez en honorables mères et pères de famille et prenez ainsi les mesures d’urgence qui s’imposent pour permettre aux gens du voyage d’habiter sur votre commune,
►réunissez l’ensemble des volontaires inscrits ou non au schéma départemental, par canton, pour créer en urgence des terrains provisoires pour les familles de passage et des terrains familiaux pour les familles résidentes permanentes, avec le soutien des services de l’Etat et des associations, régularisez les situations précaires où des familles se trouvent en danger sans conditions d’hygiène et de salubrité satisfaisantes,
Monsieur le Préfet des Yvelines
refusez les mises en demeure dans le cadre de la loi de mars 2007,
►pour garantir la salubrité, la sécurité et la tranquillité des gens du voyage dont la vie est réellement en danger, l’intégrité menacée, la légitimité injustement contestée, obligez les Maires concernés à pourvoir immédiatement à l’habitat des personnes ou substituez-vous à eux en réquisitionnant des terrains dont les frais d’aménagement devront être couverts par la commune défaillante,
►incitez les forces de l’ordre à adopter des attitudes exemptes de toute intimidation et discrimination dans le seul respect de la loi.
Si un seul individu doute encore du degré d’humanité qui habite les « gens du voyage », je peux témoigner qu’une mère manouche, qu’un père gitan pleure son enfant de la même façon que le plus civilisé d’entre nous.
Daniel BOITARD- Président ASET 78 – 31, rue de la fontaine 78820 JUZIERS- 06.12.28.06.24 –
avec le soutien de la FNASAT-Gens du voyage, l’URAVIF, le MRAP, la LDH, l’ASDT, No mad’s land, Dedans/Dehors, Croyants en Liberté Buc.