La polémique sur les Rroms migrants à travers la presse

{{Communautés roms : Bruxelles à la rescousse}}
LE MONDE | 11.12.07 | 14h58 •

L’adoption dans l’urgence par l’Italie, fin octobre, d’un décret pour faciliter l’expulsion des Roumains, après le meurtre d’une Italienne par un Rom roumain, a provoqué de fortes tensions entre Bucarest et Rome. Le double amalgame Rom-criminalité et Rom-Roumains a donné lieu à une succession de déclarations peu amènes, dont celle du maire de Rome, Walter Veltroni, dénonçant « un péril roumain ». L’Italie est la première destination d’immigration des ressortissants de Roumanie, peuplée de 1,8 million de Roms.

La question de leur intégration s’est, par ce fait divers, imposée à l’Italie et, par ricochet, à l’Union européenne (UE), que les premiers ministres italien et roumain ont appelée à l’aide. Les 7 millions de Roms d’Europe – sa plus importante minorité transnationale – vivent en majorité à la marge de la société.

A Bucarest, Rome ou Madrid, des campements de Roms s’installent en périphérie des grandes villes dans des conditions insalubres et forment souvent des foyers de délinquance. Depuis que Roumains et Bulgares sont devenus membres de l’UE, leur rapatriement pour « situation de dénuement » est devenu fréquent en Europe de l’Ouest, Suisse comprise. En France, le nombre de ces « rapatriements humanitaires » est ainsi passé de 400 en 2006 à 1 239 en 2007, dont 788 pour des Roumains et des Bulgares.

Mais les Roms ne sont pas mieux intégrés dans leurs pays d’origine. Aussi s’efforcent-ils de renforcer leur représentation au sein des instances internationales – à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), au Conseil de l’Europe, au Parlement. Des programmes visant la promotion de leur culture et l’intégration de leur communauté ont été mis en place dans les Etats où ils se trouvent.

Un bureau européen d’information sur les Roms, ERIO, analyse des informations collectées par les Etats et les organisations non gouvernementales dans différents pays. Ses enquêtes ont permis de mieux cerner l’évolution de la population rom en Europe. La présence d’un nombre de Roms supérieur aux estimations en Turquie, en Ukraine ou en Russie a ainsi été révélée, même si l’absence de statistiques ethniques limite la fiabilité de ces études.

Des programmes cadres ont été adoptés au niveau national, financés par l’Union européenne et la société civile (Open Society Institute, Banque mondiale, Fondation Soros, etc.). Leurs résultats sont tangibles mais inégaux. Avant l’intégration en son sein de la Roumanie et de la Bulgarie, l’UE a dépensé 150 millions d’euros dans un fonds social destiné spécifiquement aux Roms, mais on ne sait pas toujours à quoi cet argent est employé.

Le bilan général reste médiocre. « Les allocations familiales, les allocations logement, les indemnités chômage ou invalidité représentent toujours la source de revenus la plus fréquente des familles roms en Roumanie », indique le rapport 2007 du Fonds d’éducation des Roms à Budapest.

« DÉFICIENTS INTELLECTUELS »

Les pays concernés ont pourtant consenti des efforts pour, à la demande de Bruxelles, lancer des politiques d’intégration des minorités. Ainsi, en 2002, deux ans après l’adoption de deux directives européennes, la Roumanie a décidé la prise en charge par le ministère de la santé de médiatrices sanitaires, elles-mêmes roms. Celles-ci sont chargées d’identifier et de prévenir les problèmes de santé de leur communauté. Le bilan de leur action est relativement positif. « Les enfants roms sont beaucoup mieux suivis médicalement et plus souvent vaccinés », témoigne Florina Busuioc, 39 ans, médiatrice à Bucarest.

De l’avis général, le plus grand frein à l’intégration, outre les préjugés, reste le faible niveau d’éducation, lui-même facteur clé de l’accès au marché du travail. Le taux de chômage des Roms est parfois dix fois supérieur au taux national. En République tchèque, il est de 70 % pour les Roms contre 7,9 % pour l’ensemble de la population. Leur taux de scolarisation chute dès le secondaire. Et, en Europe centrale, de nombreux enfants sont placés en « écoles spéciales pour déficients intellectuels » dès le primaire.

La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a jugé discriminatoire, à la mi-novembre, le placement forcé dans ces « écoles spéciales », et a condamné la République tchèque pour cette pratique, également courante en Slovaquie, en Hongrie, en Bulgarie et en Roumanie. « C’est une grande victoire », s’est félicitée Vera Egenberger, directrice du Centre européen des droits des Roms à Budapest, car il crée une jurisprudence.

Incitatrice, coordinatrice, arbitre, l’Europe a permis des avancées significatives, depuis 2005, dans le cadre de la Décennie d’intégration des Roms. Cette initiative a permis de développer des politiques nationales ciblées sur le logement, l’éducation, l’emploi et la santé dans neuf pays (Roumanie, Bulgarie, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Serbie, Croatie, Monténégro, Macédoine). « Des actions doivent être concertées au niveau européen », affirme Jean-Pierre Liégeois, fondateur de Centre de recherches tsiganes, à Paris, dans son dernier ouvrage, Roms en Europe (éd. du Conseil de l’Europe, 2007). Mais, insiste-t-il, « c’est le Rom qui détient les clés de son développement ».
Anne Rodier
Article paru dans l’édition du 12.12.07.

Lexique

Qui sont-ils ? Appelés Roms, Tziganes, Gipsies, Gitans, Sintés, Kalés, Egyptiens, Yéniches ou Romanis, ils sont arrivés en Europe à partir du XIVe siècle, en provenance du nord de l’Inde. Nomades durant des siècles, ils ont emprunté aux cultures et aux langues des pays dans lesquels ils se sont installés.

Sédentarité. En Europe centrale, ils ont été sédentarisés dans les années 1960. Les Roms sont souvent confondus avec les gens du voyages (personnes ayant choisi un mode de vie nomade), avec lesquels ils sont comptabilisés.

Migration pendulaire. Allers-retours réguliers entre le pays de résidence des Roms et un pays proche. Exemple : les membres d’une famille roumaine séjournent quelques mois en Italie, afin d’y travailler temporairement. Ils partent soit avec un statut de travailleur saisonnier, soit en simple touriste.

Religion. Orthodoxes, catholiques, protestants réformistes, baptistes, adventistes, évangélistes, musulmans…

Langue. Le romani est une langue indo-européenne parlée par la plupart des Roms.

{{ {{Organisme: Conseil de l’Europe}} }}

{{Journée internationale des droits de l’homme : le Conseil de l’Europe expose clairement ses priorités}}
{{
Le Conseil de l’Europe expose clairement ses priorités pour la protection des droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en Europe}}.

Ján Kubis, Ministre slovaque des Affaires étrangères et Président en exercice du Comité des Ministres : « En ce jour solennel, qui vise à promouvoir la protection des droits de l’homme partout dans le monde, je voudrais attirer votre attention sur la protection des droits des personnes appartenant aux minorités, car nous ne devons épargner aucun effort pour veiller à ce que leurs droits soient résolument garantis ».
Faisant référence à plusieurs problèmes graves qui touchent encore certains groupes comme les Roms et les Gens du Voyage, M. Kubis a souligné : « Ils vivent en tant que minorités dans presque tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et continuent de subir des actes de discrimination, des préjugés et des attitudes hostiles dans de nombreux pays. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation de faire face à ce problème et la Présidence slovaque accordera une attention particulière aux mesures susceptibles d’améliorer leur situation ».
René van der Linden, Président de l’Assemblée parlementaire : « Le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation de surveillance des droits de l’homme sur le continent européen, joue un rôle indispensable. Et ses objectifs sont, manifestement, loin d’être pleinement atteints. Le récent rapport de l’Assemblée sur les « restitutions » et les détentions secrètes de la CIA en Europe a indiqué que le Conseil de l’Europe n’appliquait pas deux poids, deux mesures, et qu’il était disposé à critiquer, et en mesure de le faire, les violations commises dans n’importe lequel de nos Etats membres.
J’ai signé récemment au nom de l’Assemblée un accord avec le Parlement européen qui devrait nous permettre de mieux coopérer à l’avenir, en entretenant des contacts mutuels plus fréquents et en assurant des échanges d’informations « en amont ». Je suis convaincu que ce mécanisme sera utilisé dans les travaux en cours de la Commission des questions juridiques de l’Assemblée sur les « listes noires » anti-terroristes du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne, qui seront examinés par notre Assemblée en janvier 2008 et qui soulèvent de sérieuses questions quant au respect des normes minimales en termes de droits de l’homme et de primauté du droit. »
Terry Davis, Secrétaire Général : « Si nous voulons vaincre les terroristes, nous devons rester fidèles à nos idées et à nos valeurs. Les peuples du monde doivent savoir que nous avons raison, et que les terroristes ont tort – que nous sommes justes, et que ce sont des criminels.

« Ceux qui affirment que la détention secrète, la torture et la négation du droit à un procès équitable ont arrêté un certain nombre d’attentats terroristes, devraient avoir l’honnêteté morale et intellectuelle de considérer aussi combien de futurs terroristes ces abus des droits de l’homme ont aidé à recruter ».
Halvdan Skard, Président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux : « De plus en plus, les autorités locales et régionales deviennent la première ligne de défense des droits de l’homme au sein de leurs collectivités. Le Congrès, qui représente plus de 200 000 collectivités en Europe, est clairement chargé de protéger les droits de l’homme aux niveaux local et régional.
Les autorités locales et régionales sont très bien placées pour répondre aux situations impliquant, par exemple, la traite des êtres humains, la toxicomanie, la violence familiale et d’autres violations des droits de l’homme. Autonomiser les collectivités, encourager la participation des citoyens et les associer à la prise de décisions sont autant de moyens de protéger leurs droits. »

News Press 10/12/2007 16:00 – Copyright News Press 2007. Tous droits réservés.

{{La question rom, nouvelle frontière de l’Europe ?
}}

CHRISTIAN GODIN,MARC GOLDSCHMIT et GENEVIÈVE FRAISSE
LIBERATION : jeudi 8 novembre 2007

Après plusieurs jours de tensions entre Bucarest et Rome, qui voulait expulser des milliers de Roumains d’origine rom, le président du Conseil italien, Romano Prodi, et son homologue roumain, Calin Tariceanu, ont lancé hier un appel commun pour calmer le jeu.
Qu’est-ce qu’un Rom ? Il n’y a sans doute pas eu, dans toute l’Histoire, un peuple qui a été désigné par autant de noms différents, à l’intérieur d’une même langue : Gitans, Tsiganes, bohémiens, romanichels, Manouches, etc. Cette dispersion est en elle-même un symptôme : comment appeler un peuple si longtemps soupçonné de ne pas en être un, venant d’on ne sait où et qui, tout en allant nulle part, ne s’établit définitivement nulle part ? Ce trouble dans la langue est révélateur de celui où nous jettent ces gens sans Etat ni territoire, sans feu ni lieu, et, selon les préjugés séculaires, sans foi ni loi. Le nom de Rrom a été très récemment adopté par le Conseil mondial rom et les Nations unies, mais il n’est pas reconnu par tous les groupes concernés. Les Roms sont une dizaine de millions dans le monde, la grande majorité vivant en Europe. On sait aujourd’hui que leurs ancêtres viennent du nord-ouest de l’Inde, et qu’ils en sont partis au Moyen Age. A la différence des Juifs, auxquels on a pu les comparer, ils n’ont pas gardé leur religion d’origine et ont adopté celle de leurs pays d’accueil. La dispersion de ce «peuple» est sociale aussi bien que culturelle : il y a bien des différences entre un Tsigane roumain qui cherche à s’installer en France ou en Italie et un Gitan d’Espagne sédentarisé. Cela dit, les deux sont non seulement européens mais désormais membres – à défaut d’être pleinement citoyens ? – de l’Union européenne.
Que révèle la question rom ?
Menant une existence quasi fantomatique, à l’écart des villes européennes, dans les interstices de l’urbain, les Roms sont une population à la limite du visible. Ils sont le révélateur paradoxal du caractère factice, et peut-être irréductible, de ces frontières «intérieures» à l’Europe que sont les races, les nations, les classes, les masses. Inclassables dans les politiques nationales et européennes, ils doivent non seulement être protégés juridiquement (ils revendiquent un arrêt des expulsions, une régularisation de leur situation administrative, une insertion nécessaire à leur accès au travail salarié, un droit à l’hébergement, aux soins, à la scolarisation), mais aussi apparaître activement sur la scène politique. Pour cela il importe de les soustraire à une double mythologie : celle d’une population de nomades, vagabonds, un peu voleurs et très voyous, alors qu’ils sont souvent sédentaires. L’autre préjugé est l’idée qu’ils incarneraient l’essence ou la vérité de l’Europe. S’ils sont de «bons» Européens (par leur traversée des frontières nationales, leur plurilinguisme), ils portent en même temps l’Europe au-delà d’elle-même et de ses frontières «externes», attestant par là du devenir mondial de l’Europe.
Les Roms dans l’Europe
Ils sont là, à la périphérie des villes. Hors du cercle de l’Europe ? Tant que la Roumanie, pays de séjour de Roms s’il en est, était au bord de l’Union européenne, le Rom venait d’ailleurs, «naturellement». Il ne vient plus d’ailleurs, mais il n’est toujours pas d’ici ; cela, tout le monde s’en rend compte. Périphérie des villes, périphérie de l’Union européenne : comment s’en débarrasser, comment traiter des populations indociles ? Comment gommer les marges, où des citoyens de l’Union se tiennent ? Fausse image cependant : les Roms appartiennent à un Etat membre, on s’en souvient quand il s’agit de les expulser, exactement de les renvoyer. Fausse image parce que ces indésirables de l’intérieur ressemblent aussi à l’Européen dont rêve la Commission européenne. Mobile, aimant circuler, l’Européen est invité à se déplacer au gré de ses études (vive Erasmus !) ou au gré de son emploi (ah ! les délocalisations, le chômage). Puisqu’il bouge, et bouge souvent, le Rom ressemble à l’Européen. Il est à l’image de l’Européen. Il circule à l’intérieur de nos frontières. Alors il n’est plus à la périphérie de notre monde, de nos villes, de nos frontières, il est au centre, au centre de notre histoire. D’une catégorie sociale encombrante, il est désormais une figure centrale, osons dire universelle. Ironie de l’histoire ? Non, exercice de vision, perspective englobant les bords et la totalité.

http://www.liberation.fr/actualite/monde/289984.FR.php


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