Editorial
{{« Romaphobie »}}
Article paru dans l’édition du Monde du 06.11.07
Giovanna Reggiani a été enterrée samedi 3 novembre à Rome. Son meurtrier présumé est un ressortissant roumain, Nicolae Romulus Mailat. La veille au soir, quatre Roumains ont été attaqués par un groupe d’individus à coups de bâton et de couteau aux abords d’un centre commercial à la périphérie de Rome. Ils ont été hospitalisés dans un état grave. Au même moment, entrait en application le décret-loi adopté dans l’urgence permettant l’expulsion sans procès ni recours de citoyens de l’UE qui « contreviennent à la dignité humaine, aux droits fondamentaux de la personne ou à la sécurité publique ». Le ministre de l’intérieur, Giuliano Amato, a expliqué au journal La Repubblica que c’est justement pour éviter les débordements de xénophobie, « ce tigre qui risque de sortir de sa cage », que le gouvernement italien a décidé d’agir vite et fort.
Dans la presse transalpine, « roumain » est devenu synonyme de « rom ». On comprend la réticence à désigner une ethnie. Mais, en l’espèce, ce sont bien des Roms qui sont en cause. C’est vrai, dans l’UE, les Roms posent problème. Ils mendient, se regroupent dans des bidonvilles, certains pratiquent toute la palette des conduites délinquantes. Ils gênent et ils inquiètent.
Pourtant, ce problème d’insertion, bien que très visible, est sans commune mesure avec les problèmes que doivent affronter leur vie durant la très grande majorité de ces Européens oubliés du progrès : extrême pauvreté, marginalisation, discriminations en termes de logement, de santé, d’éducation, de travail. Les Italiens échauffés – mais ce pourraient être des Français – qui disent : « Ils n’ont qu’à rentrer chez eux », doivent savoir que ceux qu’on n’appelle plus les Tziganes ne sont guère plus « chez eux » en Roumanie, Bulgarie ou Slovaquie, où ils sont nés, qu’ici. Ils y sont souvent encore plus méprisés et maltraités.
En 2005, le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation des Roms. Leur nombre est estimé entre 12 et 15 millions sur le continent, entre 7 et 9 millions dans l’UE. Rappelant les persécutions dont ils ont été victimes au cours de l’histoire – de l’esclavage en Roumanie au génocide par les nazis – et la « romaphobie » qu’ils subissent en permanence, les eurodéputés préconisaient une série de mesures : sociales, culturelles, éducatives et symboliques. Ils demandaient notamment que les Roms soient reconnus comme minorité européenne.
Les députées hongroises au Parlement de Strasbourg Livia Jaroka et Viktoria Mohacsi montrent, par leur présence, que certains Roms s’en sortent. Ils sont même de plus en plus nombreux, et la « Décennie d’inclusion des Roms », une initiative prise en 2005 par neuf pays d’Europe centrale, y contribue. C’est le bon chemin. Le problème rom ne s’atténuera que si l’on s’attaque aux problèmes des Roms. Et non aux Roms eux-mêmes.
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Non à la directive de la honte !}}
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Appel aux parlementaires européens}}
Le 29 novembre, un projet de directive sur la rétention et l’expulsion des personnes étrangères sera soumis au Parlement européen.
Depuis 1990, la politique européenne conduite par les gouvernements en matière d’immigration et d’asile s’est traduite par une réduction continue des garanties et des protections fondamentales des personnes. L’Europe se transforme en une forteresse cadenassée et met en oeuvre des moyens démesurés pour empêcher l’accès à son territoire et expulser les sans-papiers.
Le projet de directive, s’il était adopté, constituerait une nouvelle régression*En prévoyant une rétention pouvant atteindre 18 mois* pour des personnes dont le seul délit est de vouloir vivre en Europe, il porte en lui une logique inhumaine : la généralisation d’une politique d’enfermement des personnes étrangères qui pourrait ainsi devenir le mode normal de gestion des populations migrantes.
*En instaurant une interdiction pour 5 ans de revenir en Europe pour toutes les personnes renvoyées*, ce projet de directive stigmatise les sans-papiers et les transforme en délinquants à exclure.
Le projet de directive qui sera présenté au Parlement est le premier dans ce domaine qui fasse l’objet d’une procédure de co-décision avec le Conseil des ministres. Le Parlement a donc enfin la possibilité de mettre un terme à cette politique régressive qui va à l’encontre des valeurs humanistes qui sont à la base du projet européen et qui lui donnent sens.
Les parlementaires européens ont aujourd’hui une responsabilité historique :
réagir pour ne pas laisser retomber l’Europe dans les heures sombres de la ségrégation entre nationaux et indésirables par la systématisation des camps et de l’éloignement forcé.
Nous appelons les parlementaires européens à prendre leu responsabilités et à rejeter ce projet.