{{ UNE FAMILLE TZIGANE VIRÉE EN CACHETTE}}
LA MARSEILLAISE 27 / 08 /2007
Marignane. La mairie expulse les parents et leurs six enfants sans proposer la moindre solution de relogement.
Plus d’une année de négociations et d’engagement militant n’auront pas eu raison de l’acharnement de la municipalité de Marignane. Hier, bulldozer, force de l’ordre et camions de déménagement sont venus expulser Camille Buche et Françoise Sargero et leurs six enfants, une famille tzigane. Les voies d’accès sont barrées par la police et les militants sont contraints de « suivre » l’opération de l’autre côté de la berge du canal du Rove. En face, seul le bruit du caterpillar leur parvient, œuvrant à l’abri d’un rideau de bambou.
Les oubliés
En 2000, une loi prévoit la création d’aires d’accueil pour les gens du voyage dans les villes de plus de 5 000 habitants. En 2003, un schéma départemental est publié. Une circulaire de cette même année prévoit même la possibilité de créer à côté des terrains dits familiaux, susceptibles de bénéficier des mêmes financements. Cela aurait pu proposer une solution correcte pour la famille Buche-Sargero.
Décembre 2006, février 2007 : régulièrement, des associations interpellent la préfecture pour qu’elle oblige les communes défaillantes à respecter la loi. Sans effet. « Dans le même temps, tout est fait pour empêcher la sédentarisation », note encore Alain Fourest. « A Marseille, les quelques cités familiales sont laissées à l’abandon et les logements murés après expulsion des familles. Sans oublier les démolitions, sans aucune proposition de relogement. »
A.S.
« Le grand-père est arrivé à la fin des années 50. Il logeait d’abord dans un cabanon puis s’est installé ici en 1962. Il avait l’accord du maire d’alors, Laurent Deleuil, puisqu’il travaillait pour lui, s’occupant des ordures », explique Marie-Antoine Gini, de la Pastorale des Migrants. Cette institutrice à la retraite suit la famille depuis un an pour veiller à la scolarisation des enfants, notamment les deux plus petites de 9 et 12 ans. Mais, le maire UDF a cédé la place à Daniel Simoniaque, ex-FN recyclé en UMP, qui ne goûte que peu cette installation étrangère en terre municipale, même si la famille a la nationalité française.
La machine a expulsé est alors lancée en mars 2005. « Nous avons été avertis trop tardivement pour intervenir en amont. Il ne nous restait plus que la négociation à l’amiable pour obtenir un relogement dans un lieu qui corresponde à leurs besoins », rappelle Alain Forrest de l’association Rencontres Tziganes. Un point de vue alors partagé par la préfecture d’Istres qui accepte de surseoir à l’expulsion.
« Un logement adapté, cela a un sens. En l’occurrence, il s’agit d’un bout de terrain avec de l’eau et de l’électricité. Et que leur a-t-on proposé ? Un T5 dans un tel état que personne n’aurait osé accepter ! », tempête Alain Forrest. Reste aussi la solution d’équiper le terrain qu’ils occupent actuellement. « Surtout qu’ils sont bien installés, ayant construit une cabane correcte », précise Jean-Claude Apparition de la Ligue des Droits de l’Homme. Dans ce terrain courant le long du canal du Rove, les poteaux électriques sont légion et la connexion à l’eau pas très compliquée. Mais la mairie argue que les voisins sont gênés, qu’elle a besoin du terrain pour agrandir la déchetterie. « Des arguments fallacieux ! », balaye Alain Forrest. « Nous avons même des lettres de nombreux voisins qui réfutent ce point de vue. »
Suivie par le sous-préfet d’Istres, la mairie a donc décidé de s’asseoir sur son obligation de relogement et la famille apprend que l’expulsion est programmée pour le 10 août. Les courriers se multiplient et les militants obtiennent même une lettre de Jean-Claude Gaudin en date du 8 août, où il assure « intercéder auprès du maire pour qu’une solution permette à la famille de vivre décemment ». D’évidence, le président de la Communauté urbaine a peu d’influence sur le maire de Marignane puisque l’expulsion a finalement lieu.
Pourquoi cette précipitation ? « Par racisme, explose Alain Forrest, parce que les élections arrivent et parce que nous sommes entrés sous l’ère Sarode : on fait ce qu’on dit et notamment quand il s’agit des plus faibles ! »
ANGÉLIQUE SCHALLER
Photo STÉPHANE CLAD