La loi Besson en question

EDITORIAL

La loi Besson en question ?

Lorsqu’en 1999 le ministre Louis Besson préparait une nouvelle loi sur « l’habitat des gens du voyage » nombre d’entre nous pensèrent qu’enfin le Parlement et l’ensemble des institutions de la République allaient reconnaître les droits réels de ce peuple trop longtemps pourchassé et jugé dangereux parce que différent. Le précédent de l’article 28 de la loi sur le droit au logement du 30 mai 1990, la longueur des débats parlementaires, en particulier au Sénat mais aussi les nombreux amendements déposés et la lenteur de la procédure auraient dû déjà nous alerter sur le caractère controversé et ambigu de ce texte. Bien qu’habillement balancé la lecture de chacun des partenaires s’averrait en grande partie contradictoire. Aux yeux des parlementaires comptants de très nombreux maires, la carotte les intéressait avant tout, c’est-à-dire la possibilité légale et rapide d’interdire tout stationnement sur leur territoire en dehors des terrains désignés. Pour beaucoup de tsiganes voyageurs, c’était enfin se voir reconnaître concrètement le droit d’aller et de venir et bien sûr de s’arrêter dans des conditions de confort convenable sur l’ensemble du territoire sans subir les menaces et les opprobres les plus divers.

Le texte enfin publié, il fallut attendre un an de plus après de longues tractations pour que les décrets d’application et les diverses circulaires donnent enfin le signal de départ. On s’étonnera que ce délai n’ai pas été mis à profit pour entendre et prendre en considération le point de vue des intéressés, en particulier au sujet de la localisation des terrains et de la dimension des emplacements. Dans les départements, c’est avec une lenteur remarquée que les schémas départementaux souvent mal conçus, se mettaient en place et les commissions consultatives départementales, organismes très formels, ne laissaient qu’une place dérisoire aux représentants de voyageurs. La plupart des maires, au moins dans nos régions du sud contestaient la démarche. Certains n’hésitant à faire voter leurs conseils municipaux pour s’opposer à toute aire d’accueil sur leur territoire. Sans être toujours aussi directe, l’opposition des élus locaux se manifestait de diverses manières : Propositions de localisation contraire à la loi, prix des terrains et programme de travaux exorbitants ou encore mise en avant des multiples nuisances et enfin et surtout hostilité de la population.

Bref , malgré un délai supplémentaire de deux ans accordé par le Parlement en août 2004, sept ans après le vote de la loi, elle n’est que très partiellement appliquée dans l’ensemble de la France et en particulier dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui se trouve au dernier rang avec un taux de mise en oeuvre qui ne dépasse pas 15/%. Dans les trois principaux départements de la région : Bouches-du-Rhône, Var et Alpes-Maritimes, seuls trois terrains d’accueil nouveaux ont été ouverts correspondant à moins de 100 emplacements alors que les schémas en prévoyaient 3800. Une évaluation nationale non encore publiée n’est guère plus encourageante puisqu’on annonce un taux de réalisation inférieur à 30% .

Reconnaissons le : la loi du 5 juillet 2000 comme la précédente du 30 mai 1990 est un échec. Pour autant faut-il la remettre en cause comme le propose certains élus et comme le fait le Gouvernement et le Parlement depuis trois ans par une série d’amendements et de nouveaux textes qui dénaturent l’esprit et le texte de la loi du 5 juillet 2000 ?

Nous ne le pensons pas. Si imparfaite qu’elle soit , elle a cependant permis la réalisation de quelques aires d’accueil grâce à des maires respectueux de la loi et ouverts au débat. Il serait paradoxal qu’ils subissent les conséquences de la carence de leurs collègues.

Nous préconisons donc, dans un premier temps, l’application stricte de la loi Besson qui conditionne en particulier toute mesure d’expulsion à la mise en oeuvre du schéma départemental par les maires. Mais il faut aller plus loin. La question de l’habitat des tsiganes doit être pris dans un sens le plus large et elle ne saurait se limiter à l’ouverture de quelques aires d’accueil supplémentaires quelle qu’en soit la qualité . Terrains familiaux, aires de grand passage, habitat adapté, c’est tout simplement le droit au logement opposable qu’il faudra reconnaître à ces citoyens voyageurs. Telles sont les pistes qu’il faut explorer en s’appuyant sur l’expérience des uns et des autres mais aussi et surtout sur une analyse des besoins et sur l’avis des premiers intéressés : les tsiganes qu’il soient voyageurs ou sédentaires ou parfois un peu les deux à la fois. L’association Rencontres Tsiganes est, pour sa part, disposée à participer à la réflexion et à y associer toutes les bonnes volontés sans préjugés et sans à priori.

Marseille le 10/07/2007 Alain FOUREST


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