{2{LIBERATION}2}
{{{La communauté interpelle les présidentiables et réclame l’abolition des lois Sarkozy.}}}
{3{Les gens du voyage installés dans la discrimination}3}
Par Tonino SERAFINI
QUOTIDIEN : vendredi 30 mars 2007
Pour se faire entendre, les gens du voyage prennent la plume. Dans une lettre ouverte aux candidats à la présidentielle, ils réclament l’abrogation de la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 et de celle sur la prévention de la délinquance de février 2007, portant la signature de Nicolas Sarkozy, qui ont étoffé un arsenal législatif fourmillant de dispositifs particuliers faisant des gens du voyage des citoyens de seconde zone. L’adoption de ces textes, qui restreignent et répriment lourdement le stationnement des caravanes, avait provoqué un choc au sein de la communauté. La mobilisation qui a suivi s’est traduite par un «afflux d’inscription sur les listes électorales, et ceux qui l’étaient déjà vont tout faire pour aller voter», a affirmé hier Michel Mombrun, président de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage.
Entraves. Le responsable de la fédération a souligné que cette communauté (entre 300 000 et 500 000 membres, en l’absence de statistiques officielles) vit souvent sur «le territoire national depuis plusieurs siècles». Elle reste pourtant exposée à une foule d’entraves et de discriminations : «Séjours empêchés, brimés ou interdits, accès difficile à l’école et à la santé, habitat-caravane non reconnu comme logement, droit de vote limité, carnet et livret de circulation», a énuméré Michel Mombrun. La question cruciale est celle du stationnement illégal des caravanes, qui obéissait jadis à une procédure civile. Depuis la loi Sarkozy de mars 2003, il relève du pénal. Avec à la clé des sanctions iniques : peines allant jusqu’à six mois de prison, 3 750 euros d’amende, éventuellement saisie du véhicule et suspension du permis de conduire.
Cet arsenal a été complété, dans la loi de répression de la délinquance, par une disposition jugée «très discriminatoire». Alors qu’aucune expulsion locative ou d’immeuble squatté ne peut se faire sans un jugement rendu par un tribunal d’instance, l’évacuation d’un stationnement de caravane est possible à l’initiative du préfet, sans jugement préalable. Ce dernier peut prendre sa décision dès qu’il existe un arrêté du maire et qu’une demande d’expulsion est faite par l’élu ou le propriétaire du terrain occupé.
Ces dispositions s’appliquent dans les communes ayant réalisé une aire d’accueil prévue dans la loi Besson de juillet 2000, mais aussi dans les collectivités ayant simplement désigné un terrain provisoire en vue de la création d’une aire d’accueil. Cette législation sur mesure permet aux élus d’être très répressifs envers le stationnement illégal, alors qu’eux-mêmes n’ont pas satisfait aux obligations de la loi Besson. Ce texte, du nom de l’ex-secrétaire d’Etat au logement du gouvernement Jospin, entendait s’attaquer au manque d’aires d’accueil. Il prévoyait la création de 40 000 places équipées (électricité, toilettes, douches, tout à l’égout, etc.) réparties sur tout le territoire, l’Etat finançant 70 % des travaux.
Parade. Tout aurait dû être réalisé pour fin 2004. Mais les élus ont traîné les pieds. «Quand une loi est contre nous, elle est appliquée à la lettre. Quand elle nous est favorable, on l’ignore», déplore James Dubois, président de l’association Gens du voyage. Selon les statistiques du ministère du Logement, sur les 40 000 places prévues, 10 500 ont été créées. Sarkozy a trouvé la parade : si les gens stationnent illégalement faute d’aire d’accueil, il suffit de réprimer et d’expulser dare-dare.
{2{L’école des caravanes est finie}2}
Pour encourager la mixité, des classes élémentaires et maternelles réservées aux gens du voyage vont fermer dans le Loiret.
Par Mourad GUICHARD
QUOTIDIEN : vendredi 30 mars 2007
Orléans correspondance
Lorsqu’en 1980, l’école primaire des enfants du voyage ouvre ses portes sur l’aire d’accueil de La Source (Loiret), elle a pour mission de disparaître au plus vite, pour que les enfants se mélangent avec les élèves des écoles voisines. Ce voeu est sur le point de se réaliser… près de trente ans plus tard. A la fin de l’année scolaire, les sections maternelle et primaire vont fermer, et ce devrait être le cas du collège l’an prochain. «A l’époque, nous étions dans une logique d’intégration», se souvient Doune Chastel, la directrice de cette structure. «Nous voulions et continuons de préparer les enfants à une vie scolaire dans les quartiers, mélangés avec d’autres enfants d’horizons divers . Le principe d’une école ethnique m’est vite apparu comme insupportable, poursuit Doune. On ne peut socialiser ces enfants si on les laisse en permanence avec leurs cousins et leurs voisins de caravane.»
«Cinq semaines par an». Dans l’une des salles de classe, Kaïna, Walki, Jordi, Oliver, François et Princesse sont attablés face à Bruno, leur professeur «multifonction» de 42 ans : «J’ai pour mission de les conduire au collège, précise-t-il. Mais sur les soixante-dix que j’ai vus passer en quelques années, seuls cinq s’y sont vraiment rendus. Et encore, pas bien longtemps.» Des statistiques qui n’entament pas son moral. Grégory, son collègue, relativise : «Les enfants restent en moyenne cinq semaines par année scolaire. Ce qui ne simplifie pas les choses. Cette assiduité relative nous oblige à prendre du temps avec chaque enfant.»
«Par haut-parleur». Jérôme, élève à l’école régionale du travail social d’Olivet (ERTS), et qui a effectué son stage à La Source, estime également qu’il faut fermer la structure pour encourager la mixité : «Je me souviens que les enfants tournaient autour des caravanes. Il fallait parfois les appeler par haut-parleur pour leur signaler qu’il y avait cours». Mais il s’interroge : «Il faut ouvrir ces enfants sur les établissements scolaires alentour. Mais les professeurs de ces écoles sont-ils prêts à recevoir des gens du voyage ?»