{{{Le Parlement français accélère la procédure d’expulsion des gens du voyage}}}
LE MONDE | 29.11.06 | 14h30 Mis à jour le 29.11.06 | 14h30
Le projet de loi sur la prévention de la délinquance, examiné en première lecture par les députés, s’attaque à une « nuisance au quotidien » qui préoccupe de nombreux élus locaux : les campements sauvages de gens du voyage.
De nouvelles dispositions sont, en effet, sur le point d’être adoptées par l’Assemblée nationale pour accélérer l’évacuation de Tsiganes installés sur un terrain sans le consentement de son propriétaire.
Ce durcissement des règles est intervenu en deux temps. Le 19 septembre, les sénateurs ont adopté un amendement, présenté par Pierre Hérisson (UMP, Haute-Savoie), qui permet au maire ou au propriétaire de la parcelle occupée de demander au préfet de sommer les nomades de partir.
Les Tsiganes disposent alors de 24 heures pour réclamer l’annulation de l’injonction préfectorale devant le tribunal administratif – celui-ci ayant trois jours pour statuer. Si le juge n’est pas saisi ou s’il valide la mise en demeure, les gens du voyage doivent quitter les lieux, faute de quoi les forces de l’ordre peuvent les déloger manu militari.
« AMALGAME »
Jusqu’à présent, ces contentieux relevaient du juge civil. Mais les maires trouvaient la procédure coûteuse et beaucoup trop lente. Désormais, la décision sera entre les mains des services de l’Etat, sous le contrôle d’une juridiction administrative. Dans l’esprit de M. Hérisson, qui est, par ailleurs, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, cette réforme substantielle devait se limiter aux communes qui respectent la « loi Besson » de juillet 2000 sur l’accueil des nomades et aux municipalités qui ne sont assujetties à aucune obligation.
Mais un amendement, défendu par le député Eric Woerth (UMP, Oise), étend le champ d’application de ces dispositions : sont concernées les villes qui, tout en n’ayant pas encore rempli leurs obligations, ont démontré la volonté de s’y conformer ; les communes, équipées d’un « emplacement provisoire » agréé par la préfecture, sont également visées.
Les associations dénoncent cette initiative, qui crée un « amalgame insupportable entre délinquance et gens du voyage », selon Véronique Davienne, de ATD-Quart Monde. Le législateur élabore des normes « à sens unique », s’indigne-t-elle, car les nomades sont punis, tandis que les maires, en retard dans la mise en application de la loi Besson, ne subissent aucune sanction.
Dans une lettre ouverte en date du 17 novembre, une douzaine d’associations demandent le retrait de ces « dispositions anticonstitutionnelles », qui privent les gens du voyage de l’intervention du juge judiciaire dans des litiges touchant aux « libertés individuelles » et au « principe d’inviolabilité du domicile ».
C’est la deuxième fois, depuis le début de l’actuelle législature, que les parlementaires votent des dispositions destinées à combattre les installations illicites de gens du voyage. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait renforcé les sanctions contre les nomades qui commettent ce type d’intrusions. A l’heure actuelle, quelque 8 000 places en aires d’accueil sont à la disposition des Tsiganes alors que les besoins sont estimés à 44 000.
Article paru dans l’édition du 30.11.06