Aide au retour des Roms : Un piège ?

{{{Observations concernant l’opération de retour en Roumanie
pour les « ROMS » de Réau (Seine et Marne)
organisée en Août 2006 sous l’égide de l’ANAEM ¹
avec le concours de l’Association « le Rocheton} »²}}}

Un appel au volontariat pour un retour en Roumanie a été lancé début Août 06 parmi les 120 personnes stationnées sur le terrain de Réau depuis un an. 52 se sont portées volontaires et ont regagné, le 16 Août 06, leurs villes et villages d’origine, dans la région de Timisoara, dans un car affrété spécialement pour l’opération, avec des accompagnateurs français ( 1 membre de l’Association du Rocheton et 3 membres de la Croix Rouge car 7 d’entre elles devaient poursuivre un traitement anti-tuberculeux).
Elles ont reçu chacune 153 € comme aide de première urgence, à leur arrivée en Roumanie.

Plusieurs remarques peuvent être faites concernant cette opération :
• La préparation matérielle et les démarches administratives (passeports en règle notamment) ont été effectuées de façon satisfaisante dans des délais très brefs.
• Par contre, l’information préalable concernant les aides auxquelles elles pouvaient prétendre une fois sur place, a fait l’objet d’un grave malentendu :
* En effet l’aide financière de l’ANAEM ne peut être accordée que pour des projets à caractère économique, préalablement instruits par une association roumaine agréée par l’ANAEM, ( l’Association FELTEN) et validés par celle-ci , après accord des intéressés.
* Les candidats volontaires pour le retour avaient compris que cette aide leur serait accordée personnellement, dans la limite de 30 % des aides maximum auxquelles ils pouvaient prétendre et dans des délais très brefs, de l’ordre d’une semaine, après leur arrivée, le solde étant affecté à la mise en œuvre de leur projet de réinsertion professionnelle.
* En fait, c’est seulement 2 mois ½ après leur retour que l’ANAEM vient de recevoir de l’Association « FELTEN », et de les valider, une vingtaine de projets, essentiellement de créations d’élevage de bovins et de porcins.
* Ces divers projets vont être, courant novembre, financés à hauteur de 3 660 € par projet, l’Association recevant une avance de 70 % soit 2 562 €, à charge pour elle d’accompagner la mise en œuvre pratique de ces actions, le solde lui étant versé en fin d’opération, sur factures acquittées.
• Un accompagnement social des intéressés dans leurs différentes démarches a également été prévu et sera assuré par une association roumaine spécialisée « Y.M.C.A. » ³ qui va recevoir courant novembre le financement nécessaire.
S’agissant de populations particulièrement démunies (rares sont les personnes ayant pu suivre une scolarité en Roumanie, donc le plus souvent illettrées),le retard pris dans la mise en place de l’opération, en Roumanie, peut avoir de très graves conséquences.
Sur les 52 personnes faisant partie de l’opération, on dénombre :
• 22 adultes seuls, dont plusieurs personnes âgées,
• 6 couples non accompagnés de leurs enfants, mais ayant souvent des enfants à charge, laissés un temps à la garde des grands-parents en Roumanie.
• 2 couples avec 3 enfants en bas âge et un à naître incessamment.
• 3 adultes seuls accompagnant 4 de leurs enfants mais ayant également d’autres enfants sur place.
• 4 mineurs (de 15 à 17 s) rejoignant leurs familles respectives.
Nombre de ces personnes sont venues en France pour tenter d’améliorer leur situation misérable en Roumanie (travail très rare, très faiblement rémunéré, logements précaires, sans aucun confort, souvent surpeuplés, accès à l’école souvent impossible en raison de leur origine « tsigane »,etc.).
On le voit, cette première opération de retour au pays, dont le Collectif des Sans Papiers de Melun (4) a approuvé le principe, aurait dû bénéficier d’un temps de préparation au départ, beaucoup plus long.
Pour l’avenir, il nous semble qu’une connaissance personnalisée des candidats au retour et une aide à l’élaboration de leur projet de « retour au pays » durant leur séjour en France doit être mise en œuvre, si l’on veut éviter des désillusions.
Il est remarquable que les personnes qui ont donné leur accord pour bénéficier de cette opération étaient toutes présentes en France depuis relativement peu de temps (2 à 3 ans au maximum) et qu’elles faisaient périodiquement des allers-retours avec la Roumanie où elles disposaient encore de liens familiaux importants.
* * *
Il en va différemment des familles qui ont une dizaine d’années de présence en France, dont les enfants y ont grandi et été -souvent partiellement – scolarisés :
N‘ayant ni maison ni perspectives d’emploi en Roumanie, ni famille autre que, parfois, leurs vieux parents, elles disposent le plus souvent en France d’emplois irréguliers dans des secteurs délaissés par les salariés français. Elles n’ont aucun projet de retour au pays, tout le temps , en tous cas, que la situation qui leur est faite là-bas leur restera aussi défavorable. Pour elles, nous souhaitons qu’ un examen attentif, par les autorités françaises, de leur parcours et de leurs capacités d’intégration, aboutisse à légaliser leur séjour.
Pour ces quelques familles (une douzaine dans notre secteur), des mesures de reconduite à une frontière qui, le 1er janvier prochain, sera celle de l’Union Européenne également pour la Roumanie, nous paraissent inutilement coûteuses et inadéquates.
* * *
L’aide au retour, par contre, peut être développée pour les primo-arrivants qui, s’ils sont valablement préparés et accompagnés, pourront trouver leur place dans les nombreux emplois qui vont se développer de façon significative au fur et à mesure du développement de leur pays, développement déjà fortement amorcé (+ 8% de croissance du PIB entre 2004 et 2005).
L’accueil de ces primo-arrivants et leur préparation au retour nécessitera, à l’évidence, pour la France la mise en place, en liaison avec les autorités roumaines, de dispositifs bénéficiant de financements européens.
Ce type d’initiative nous semblerait plus adapté et plus conforme à l’esprit de la Charte Européenne que de consacrer tous nos efforts à nous barricader, comme une forteresse assiégée, contre une invasion mythifiée.
Aider ces populations à accéder progressivement au « standard européen », c’est notre intérêt bien compris.

* * *
Contacts :
¹ANAEM (Agence Nationale de l’accueil des Etrangers et des Migrations), 44, rue Bargue 75 732 Paris cedex 15 tel. 01 53 69 51 71
² Association UCJG, Centre International du Rocheton La Rochette 77 000 tel. 01 64 37 12 32
³ Y M C A (Young Men Christian Association)
4 Collectif des Sans Papiers de Melun : contact Yves DOUCHIN tel. 06 72 78 46 21


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