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Les « fils du vent » à Lourdes}}}
La cité mariale accueille cette semaine le cinquantième pèlerinage des gens du voyage, en présence du cardinal Roger Etchegaray
«La Mère de Dieu n’a demandé l’autorisation à personne pour camper dans cette grotte, lance le cardinal Roger Etchegaray. C’est elle qui vous accueille. Gardez l’esprit du voyage, ne vous accrochez pas à ce monde. » À peine rentré d’une mission au Liban à la demande du pape, le cardinal français préside cette semaine le 50e pèlerinage des gens du voyage à Lourdes. Très à l’aise devant ces 8.000 pèlerins, il a rappelé qu’il fut jadis aumônier diocésain des Gitans à Bayonne et, à ce titre, présent au tout premier pèlerinage organisé à Lourdes en 1957.
« Je me souviens bien aussi du couronnement de la statue de Notre-Dame des Gitans par Paul VI, le 27 septembre 1965 à Pomezia, près de Rome, où le pape a valorisé la mission des “éternels pèlerins” que vous êtes », souligne le cardinal. Sur les divers lieux de campement, l’ambassadeur itinérant des papes a répété, citant cette fois Jean-Paul II : « Il faut développer la compréhension et la solidarité envers la population gitane, en repoussant toute tentation égoïste de méfiance et d’indifférence. »
Souvent confrontés à des réactions d’exclusion, Roms, Manouches, Gitans, Sintis ou Yéniches, tous ensemble Tsiganes, se sentent chez eux à Lourdes. « Ici, devant les grands personnages de la ville et de la région, Bernadette – qui ne savait pas lire – a su témoigner de sa foi malgré les oppositions », remarque le P. Jean-Pierre Etcheverry, ancien directeur du pèlerinage.
Une antenne locale créée à Lourdes pour les gens du voyage
Les responsables des sanctuaires de Lourdes ont d’ailleurs voulu donner la première place à ces « voyageurs » à l’occasion de leur jubilé. Venus de toute la France et de plusieurs pays d’Europe, les « fils du vent » – comme ils aiment se définir – ont par exemple présidé et guidé la procession aux flambeaux, lundi 21 août au soir, portant la statue de Notre-Dame des Gitans, qui pérégrine d’une région à l’autre chaque année. Dans la foule était tenue bien haut l’effigie de Céferino Gimenez Malla, ce Gitan espagnol fusillé en 1936, le rosaire à la main, et béatifié par Jean-Paul II en 1997.
« Nous avons mission d’être une famille de nomades dans l’Église, pour l’aider à faire mémoire de ce qu’elle est en profondeur : un peuple en marche », témoigne un pèlerin, Jean-Paul Weiss, dit « Pouchou ».
Tous les « voyageurs » apprécient aussi qu’une antenne locale ait été créée à Lourdes dans le cadre des services de l’Église en lien avec les Sanctuaires Notre-Dame, pour accueillir et répondre toute l’année aux attentes des gens du voyage. Cette permanence, souhaitée par l’évêque de Tarbes et Lourdes, permet d’assurer un suivi entre deux pèlerinages.
Une pastorale confrontée au « prosélytisme pentecôtiste »
L’enjeu est de taille pour l’Église catholique, et le travail immense pour le P. Claude Dumas, aumônier national des gens du voyage, lui-même issu de ce monde des voyageurs comme deux autres prêtres, trois diacres et une religieuse. Avec eux, environ 80 personnes sont en responsabilité directe dans les aumôneries diocésaines françaises, ils proposent une animation pastorale soutenue mais souvent confrontée au « prosélytisme pentecôtiste ».
« Des pentecôtistes entretiennent la peur et la superstition chez les voyageurs, mettant exagérément en valeur les phénomènes extraordinaires au détriment de l’Évangile vécue au quotidien, et ils rebaptisent leurs adeptes, au mépris des relations oecuméniques, déplore Mgr Gilbert Louis, évêque de Châlons-en-Champagne, accompagnateur des gens du voyage au nom des évêques de France. Cette intolérance, apparue dans les années 1950, ne cesse de s’amplifier, causant de grandes souffrances dans les familles divisées par la foi chrétienne qui était jusqu’à présent leur ciment. »
C’est d’ailleurs pour faire face au pentecôtisme qui commençait déjà à toucher les Gitans que les PP. d’Armagnac, Fleury et Barthélemy ont eu l’intuition de fonder ce pèlerinage à Lourdes au cours de l’hiver 1956.
« Après Lourdes, nous nous retrouvons régulièrement dans les écoles de la foi, qui se développent, et nous approfondissons notre connaissance de la Bible, Parole de Dieu vivante dans nos curs », souligne James. Ce « fils du vent » de l’Essonne a, comme d’autres laïcs de sa communauté, reçu de l’aumônerie une mission de « rassembleur » au sein de son peuple.
François VAYNE, à Lourdes