Deux arrêts qui auraient ravi Olivier Berthelin fondateur des Dépêches Tsiganes

6 mai 2015
L’avocat Henri Braun, qui défendait les voyageurs concernés, nous a signalé deux arrêts (voir son texte ci-dessous ) de la Cour administrative d’appel de Paris qui sont favorables aux voyageurs qui étaient visés par des « mises en demeure » de quitter un terrain dans la même commune de Jossigny (Seine-et-Marne) à un an d’intervalle (2013 et 2014).
Après avoir perdu dans les deux cas en première instance au Tribunal administratif de Melun, Me Braun avait fait appel.
Cette procédure de « mise en demeure » prévue dans un texte de 2007 réformant la loi Besson de 2000 implique qu’une commune ayant respecté ses obligations légales en matière d’aire destinée aux voyageurs demande au préfet de prendre un arrêté permettant de faire partir dans les 24 à 48H des voyageurs s’étant installés sur un autre terrain. Les voyageurs doivent saisir le tribunal s’ils veulent rester au delà de ce délai et leur recours est suspensif. Un juge unique du tribunal administratif décide alors si l’arrêté préfectoral est valable ou non. Pour qu’il le soit le maire de la commune concernée doit notamment avoir pris un arrêté municipal contre le stationnement « illicite » sur sa commune.
Après avoir perdu deux fois en première instance, Me Braun a gagné deux fois en appel, ce qui n’aidera pas beaucoup les voyageurs qui ont dû quitter les terrains en question il y a belle lurette mais fait jurisprudence pour l’avenir.
Dans le premier cas, la cour administrative d’appel de Paris relève que la commune de Jossigny n’avait pas pris d’arrêté municipal contre le stationnement. Un an plus tard, dans le second cas, elle l’avait fait …mais c’est le préfet qui n’avait pas invoqué cet arrêté dans sa « mise en demeure ». D’où la double victoire des voyageurs et de Me Braun en appel. Gageons que la commune et la préfecture auront désormais pris leurs dispositions… I.L

Ces deux arrêts de la Cour administrative d’appel de Paris sont les premiers de cette juridiction à se prononcer sur les mises en demeure prévues par la loi du 5 juillet 2000 à l ‘encontre des « gens du voyage ». Ils concernent curieusement tous les deux la même commune de Jossigny. Dans le premier, le juge administratif constate l’absence d’un arrêté municipal de prohibition du stationnement et, dans le second, constate que le préfet n’a pas visé cet arrêté qui avait été pris entre-temps par le maire de Jossigny (à la suite de la première affaire?).
Cette coïncidence et cet enchaînement auraient vraisemblablement ravi Olivier Berthelin à la mémoire duquel je voudrais rendre hommage.
Olivier Berthelin était un ami de longue date – bien avant la création des Dépêches Tsiganes – même si nos rencontres étaient épisodiques. L’essentiel de nos contacts s’est fait par téléphone. Dès qu’il avait vent de la moindre affaire concernant la défense des droits des Rroms ou des Voyageurs, il m’appelait pour demander des précisions d’un air gourmand. Rien ne l’amusait tant que de débusquer les failles logiques démontrant l’absurdité du système de discrimination anti-tsiganes. D’un exposé laborieux et confus sur une obscure jurisprudence, il savait tirer avec son talent habituel un article percutant dénonçant une situation inique avec ce mélange d’ironie et d’indignation qui n’appartenait qu’à lui. Je me souviens l’avoir entendu s’exclamer après avoir pris connaissance d’une décision de justice qu’il avait trouvée particulièrement savoureuse : « Je vais passer une bonne journée ! ».
Je ne l’ai jamais entendu se plaindre. Après m’avoir transmis à la suite d’une erreur de manipulation un courriel qui m’aurait, si je l’avais lu, donné une idée des difficultés qui étaient les siennes, il m’a fermement demandé de détruire le message et de n’en tenir aucun compte.
Il serait bon que les associations de Voyageurs rendent un hommage solennel à celui qui a oeuvré avec tant de cœur et d’intelligence à la défense de leur cause. L’outil qu’il a créé, ces précieuses Dépêches Tsiganes qui lui ont heureusement survécu, a permis à un nombre croissant de personnes de prendre conscience de situations indignes d’une démocratie et qui ne peuvent que révolter les êtres humains dotés ne serait-ce que d’un embryon de conscience.Olivier Berthelin était un Juste. Son exemple continuera à nous inspirer pendant longtemps.
Henri BRAUN, avocat


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