L’anti-tsiganisme en France : un inquiétant symptôme

Voilà 12 ans qu’avec obstination nous tentons d’alerter nos concitoyens sur un inquiétant phénomène qui se diffuse dans l’opinion bien au-delà du cercle heureusement encore restreint des racistes avérés. En septembre 2006 nous avons organisé au siège du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur un colloque pour présenter le rapport réalisé en 2005 par Lanna HOLLO à la demande du Centre Européen pour les Droits des Roms (ERRC). Ce rapport exhaustif (disponible au Centre de Ressources de Rencontres Tsiganes) portait sur le traitement des tsiganes, voyageurs et roms migrants en France, du point de vue des droits de l’Homme. « La majeure partie du territoire français semble inaccessible aux tsiganes et aux voyageurs, à l’exception de certaines zones insalubres, polluées et ghettoïsées, bien à l’abri du regard des autres résidents. De même, les quelques milliers de roms migrants se trouvant sur le territoire français sont soumis à des politiques inhumaines et Kafkaïennes dans le simple but de les inciter à quitter la France. Ils vivent dans des conditions sordides et indécentes et se voient régulièrement expulsés de leurs précaires camps et squats, déplacés vers la municipalité voisine ».

Ce rapport réalisé il y a 10 ans n’a pas eu hélas un grand succès de librairie et sa relecture montre que les conditions scandaleuses de séjour et d’accueil faites aux Roms et aux Tsiganes ont perduré et se sont souvent aggravées. Plus inquiétant encore, la relative banalisation des comportements et des propos ouvertement racistes ne semble pas émouvoir beaucoup de ceux qui se revendiquent respectueux des Droits de l’Homme. Face une telle dérive et devant l’inefficacité de nos alertes, il nous faut tenter de comprendre les raisons d’un tel échec.

Comme le soulignent à juste titre plusieurs chercheurs, la stigmatisation des responsables politiques, des élus, des médias et finalement d’une grande partie de l’opinion sur ‘la question Roms’ serait un leurre. La démarche adoptée consiste à faire porter à autrui la responsabilité des errements auxquels nous sommes confrontés. Cinq sujets d’actualité dominent nos débats : le chômage, les sans abris, la pauvreté, la décentralisation, l’Europe. Imaginons que sur chacun de ces sujets des politiques ambitieuses et efficaces soient mises en oeuvre pour y répondre. Alors, l’accès à un emploi, à un minimum de ressources et à un habitat décent auraient permis en répondant aux attentes de nos concitoyens le plus fragiles de faire aussi face aux besoins de quelques centaines de familles migrantes chassées de chez elles par la misère et la xénophobie. Mais comme nous le répète régulièrement le Préfet, comment proposer un logement à une famille de Roms alors que les listes d’attente ne cessent de croître ? Les derniers arrivés ferment la porte.

De même, si les gouvernements successifs n’avaient pas laissé aux seuls élus locaux la responsabilité de l’accueil des Roms et des Tsiganes et si la l’Union Européenne avait fait preuve de plus de perspicacité lors de l’entrée de ces nouveaux pays, il n’y aurait pas de problème Rom. Si la législation discriminatoire et anticonstitutionnelle appliquée aux gens du voyage était enfin supprimée et si leur mode d’habitat était reconnu, si le respect des droits pour tous, si, etc…

La politique du bouc émissaire sert ainsi facilement d’alibi et nous empêche d’affronter les questions sur l’avenir de notre société et sur notre capacité à vivre ensemble. A l’aube d’une nouvelle année, souhaitons que responsables et citoyens éclairés, chacun accepte de renoncer aux solutions de facilité consistant à rejeter sur d’autres nos erreurs d’analyse et de comportement.

Marseille le 6 janvier 2015
Alain FOUREST


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