Le législateur impuissant ?

panorama-hemicycle
 

Depuis de nombreuses années déjà, des politologues et experts en politique publique mais aussi des citoyens informés mettent en doute l’efficacité des lois qui sont censées assurer un bon fonctionnement de la société. Ils constatent tout à la fois l’inflation d’une législation pléthorique, la complexité et la taille de chaque nouveau texte soumis au vote des parlementaires, et la lenteur croissante de leur mise en application sur le terrain. Une récente enquête fait apparaître que, en moyenne, entre la rédaction d’un texte, sa présentation, son vote au Parlement, sa publication et celle des décrets et circulaires indispensables à sa mise en œuvre, il s’écoule entre 2 ans et 2 ans et demi. Plus grave encore, un nombre croissant de textes, lorsqu’ils arrivent au bout de ce long processus, ne sont pas ou peu appliqués. Et pourtant chaque nouveau ou nouvelle Ministre tient à associer son nom à une loi qui ne sera applicable (si elle l’est) que longtemps après son retour à la vie civile.

 

Cette coûteuse et impuissance législation s’illustre tout spécialement au détriment des Gens du voyage. Il convient au préalable de s’interroger sur le caractère constitutionnel d’une législation spécifique aujourd’hui largement contestée concernant cette catégorie de citoyens. Mais bref puisque des lois sont votées autant les comprendre et les appliquer en voici quelques exemples.

260px-Assemblée_nationale_02

Le 31 mai 1990 après de longs débats, le Parlement vote la première loi dite BESSON qui, dans son article 28, reconnaît le droit au logement des familles de voyageurs et prévoit la construction d’aires d’accueil dans toutes les communes de plus de 5000 habitants. Force est de constater que 10 ans plus tard, faute de contraintes imposées aux maires, cette loi n’est pas appliquée. En 1998 Louis Besson à nouveau Ministre s’entête et, après deux années de débats souvent houleux fait adopter le 5 juillet 2000 une nouvelle loi qui porte son nom. Pour être applicable, la loi nécessite de nombreux décrets et circulaires d’application qui ne sont publiés que 18 mois plus tard. Ce n’est qu’au début de 2012 que les administrations locales lancent le processus de consultation des maires et proposent des schémas départementaux. Durant plusieurs années, les élus les plus hostiles à ce texte utilisent tous les moyens pour ne pas l’appliquer. En 2016 et après de longs et multiples combats seulement ¼ des terrains prévus par les textes sont réalisés dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Quelques années plus tard, des élus, à la demande pressante des associations de voyageurs et des juristes, reconnaissent le caractère anticonstitutionnel de la loi du 3 janvier 1969 qui définit un statut particulier pour les voyageurs. S’appuyant sur une décision du Conseil Constitutionnel, en 2012 des parlementaires rédigent une proposition qui annule la loi de 1969. Nous sommes alors nombreux à espérer la fin du tunnel. Hélas…. Ce texte n’étant pas d’origine gouvernementale, il faudra attendre 3 ans avant qu’il soit présenté puis voté en première lecture par l’Assemblée Nationale, le 7 juin 2015. Cette “petite loi“ pour entrer en application doit toutefois passer au Sénat dont on connaît les réticences sur ce thème. Un an après le Sénat ne s’est toujours pas saisi de ce texte et dans le contexte politique actuel il restera en suspens. Devant un tel échec et encore une fois sur la pression des voyageurs et de leurs représentants, quelques élus (dont Dominique RAIMBOURG à l’origine de la proposition de loi voté en juin 2015)  tentent de sauver les meubles. Le texte intitulé “ Egalité et Citoyenneté“ en cours de discussion à l’Assemblée pourrait servir de vecteur législatif. Un très court et très discret amendement supprimant la loi de 1969 pourrait être introduit au cours de la discussion parlementaire. Il faudra encore attendre le vote du Sénat et le retour à l’Assemblée pour être assuré de la disparition du statut honteux de “citoyen au rabais“

 

Cette impuissance et parfois cette incohérence législative ne concernent pas seulement les voyageurs. La Loi dite ALUR publié le 24 mars 2014 (Accès au Logement et Urbanisme Rénové) portée par Cécile DUFLOT alors Ministre du logement ouvrait quelques pistes facilitant la sédentarisation des familles de voyageurs qui le souhaitent. Ce texte très long et très complexe voté et janvier 2014 nécessitait plus d’une centaine de décrets d’application dont plus de la moitié aujourd’hui ne sont pas publiés. Cette loi qui a demandé un important travail de la part des administrations et des élus demeure aujourd’hui partie lettre morte.

 

Ces quelques exemples de périples législatifs inachevés sont hélas multiples et mettent en cause l’efficacité du Parlement et des gouvernements successifs. La connaissance et le respect de la loi prennent un caractère relaltif sinon aléatoire dont les citoyens mais aussi les juges ont du mal à trouver le juste équilibre.

 

Une réforme de plus à mettre en chantier qui pourrait prendre pour exemple la Grande-Bretagne !!!!

 

Alain FOUREST

 

Marseille le 18 juin 2016


par

Étiquettes :