Le titre de cet éditorial va sembler à contre-courant à l’heure où l’Union Européenne est quotidiennement mise en cause, souvent à juste titre, et où l’avenir de cette institution qui va avoir 70 ans est plus que jamais incertain.
Et pourtant ceux qui suivent de près les programmes d’action, les rapports et les déclarations des diverses instances européennes (Conseil de l’Europe, Commission des droits de l’Homme, Assemblée Européenne, Cour européenne de justice) doivent reconnaître que, à chaque occasion, ces instances plaident pour la reconnaissance de l’égalité des droits de tous les citoyens européens et mettent directement en cause les multiples formes de discrimination qui subsistent envers les Roms/Tsiganes. La France et ses gouvernements successifs sont plus particulièrement visés.
Certes, on objectera avec raison qu’il ne s’agit trop souvent que de belles déclarations non suivies d’effets qui ne remettent pas en cause des préjugés et des comportements inscrits parfois dans des siècles de ségrégation et de rejet du peuple Rom/Tsigane. Et pourtant à la lecture attentive de la dernière décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci jointe) on ne peut que confirmer un grand merci à l’Europe.
Résumons les faits : en 2004 la commune d’Herblay engage une procédure en vue d’expulser des familles de voyageurs qui stationnent dans la commune depuis plusieurs années sur un terrain non-constructible. Une décision du TGI, confirmée en appel, contraint ces familles à partir sans que des solutions d’habitat leur soient offertes. Ce n’est hélas qu’un cas parmi de nombreux autres que nous constatons et condamnons de longue date trop souvent sans résultat. A Herblay, les familles avec l’appui de l’association ATD quart monde et d’avocats compétents ont décidé de ne pas baisser les bras. Elles ont, avec obstination, multiplié les procédures contestant la première décision et engagé une requête contre la République Française. L’arrêt du 28 avril 2016 de la Cour Européenne leur donne enfin raison et remet en cause un pan entier de la jurisprudence française. En effet, la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire française a dû s’aligner sur le droit européen en prenant acte de la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile. Une telle décision s’impose dorénavant à toute juridiction et doit être mis en avant lors de toute procédure d’expulsion.
Cette victoire du droit européen, après 12 années de démarches et de procédures contradictoires de la part des familles et de ceux qui les soutiennent, n’a pas, bien sûr, compensé les dommages causées à ces familles aujourd’hui dispersées. Cependant on notera que « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable » Après une analyse au cas par cas, des indemnités parfois conséquentes (20.000 € pour une famille) ont été accordées.
Alors, oui on est en droit de dire merci à l’Europe et merci à la famille Winterstein et leurs avocats.
Marseille le 20 mai 2016
Alain FOUREST
CEDH – Arrêt du 28042016 – Aff. Winterstein et autres c. France
Commentaires
Une réponse à “Merci l’EUROPE ! Merci à la famille WInterstein”
Super !