Une reconnaissance trop longtemps attendue

Depuis de nombreuses années, les démarches des associations de voyageurs se multiplient afin que la France reconnaisse sa participation au génocide des Tsiganes durant la dernière guerre mondiale. Si, à ce jour, les diverses propositions de loi parlementaires n’ont pu aboutir, il semble que, depuis quelque temps, le gouvernement ouvre la voie à cette reconnaissance. La présence de Jean marc Todeschini, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la Défense, le 15 décembre dernier à la cérémonie lors du 70ème anniversaire de la libération du camp de Jargeau est un signe positif. Il en est de même de l’inauguration en octobre dernier par Manuel VALLS du mémorial du camp de Rivesaltes dans lequel des milliers d‘Espagnols fuyant Franco, des Juifs et des Tsiganes ont été enfermés par Vichy. Dans notre région, comme chaque année au moment du pèlerinage des Saintes Maries de la Mer, à l’initiative de l’Association des Fils et Filles d’Internés du camp de Saliers, une cérémonie rassemble les familles de voyageurs et les autorités autour du monument érigé sur place. Dans les prochains mois, d’autres manifestations du même type vont avoir lieu et pourraient se conclure avant la fin de l’année par une manifestation nationale de reconnaissance. Espérons que ces déclarations permettront enfin aux quelques tsiganes encore parmi nous et qui ont subi ces atrocités ainsi qu’à leurs descendants de retrouver leur dignité de citoyens.

Jargeau, cérémonie, 15 décembre 2015mémorial tsiganes Berlin

Cette période noire de notre histoire a resurgi récemment en Allemagne lors d’un colloque à l’initiative du Conseil Central des Roms et de la Cour de Cassation Allemande. Il a été rappelé une décision de la plus haute instance judiciaire allemande concernant l’indemnisation des Tsiganes prise en ces termes en 1956  « ces populations sont d’expérience enclines à la délinquance, en particulier au vol et à l’escroquerie ; elles sont dépourvues en maintes manières des incitations morales au respect de la propriété d’autrui car, à l’égal des peuples primitifs, un instinct débridé d’appropriation les définit ». 

Réparation vient d’être faite de cette caractérisation dégradante et diffamante. « La présidente de la BGH, Bettina Limperg, a affirmé au cours du colloque de Karlsruhe, que « cette jurisprudence (de 1956) nous couvre de honte » et que la Cour s’en distancie définitivement. »

Cette réparation tardive doit être largement diffusée car, comme le souligne Eric Fassin, une telle stigmatisation est encore présente aujourd’hui dans les mentalités de nombres de nos concitoyens y compris les plus responsables. Ainsi Manuel VALLS, alors Ministre de l’Intérieur estimait en 2013 à propos des Roms : « les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution » et que ces gens « ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation ». 

Ce rappel mémoriel, parfois décrié, a le mérite de mettre en lumière des errements du passé qui ne s’effacent pas et qui, à chaque instant peuvent resurgir des paroles et des actes indignes de notre civilisation. Il faut espérer qu’en France la reconnaissance attendue envers les Tsiganes soit à la hauteur des celle des juges Allemands.

 

Marseille le 20 mars 2016

Alain FOUREST

 


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